Mardi, 25 mars 2025
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    Bianca Del Rio sans limites

    Le moins qu’on puisse dire, c’est que la drag queen américaine Bianca Del Rio est plus grande que nature, bruyante, impétueuse et politiquement incorrecte. Sa carrière a littéralement explosé après avoir remporté la sixième saison du concours télévisé à succès RuPaul’s Drag Race. Autoproclamé « clown en robe » et surnommé la « Joan Rivers du monde du drag » par le New York Times, cet auteur à succès, acteur et professionnel de l’humour grinçant s’est retrouvé, en 2019, au premier rang de la liste des « drag queens les plus influentes d’Amérique », publiée par le magazine New York.


    Pas mal pour cet artiste drôle à mourir, autrement connu sous le nom de Roy Haylock, qui a débuté sa carrière dans les boites de nuit de La Nouvelle-Orléans, en 1996, à l’âge de 20 ans. Et après avoir fait ses débuts dans le West End dans la comédie musicale à succès Everybody’s Talking About Jamie, Haylock a repris le rôle de Hugo / Loco Chanelle lors de la première nord-américaine, début 2022, au Ahmanson Theatre de Los Angeles. J’ai contacté Haylock en février, avant qu’il débute sa tournée Unsanitized à travers 12 villes canadiennes.


    Tu présentes ton spectacle Unsanitized à travers le monde. Qu’est-ce que c’est que de se produire en direct pendant la pandémie de COVID ?
    Bianca Del Rio : Quand j’ai commencé la tournée en Amérique l’année dernière, j’étais
    inquiet parce que je pensais que tout le monde allait être craintif de se retrouver en groupe et n’achèterait pas de billets. Mais c’est tout le contraire qui est arrivé. Tout le monde était complètement fou et prêt pour le divertissement. Je pense que ce que nous ont appris ces deux dernières années, c’est que les gens sont prêts à vivre le moment présent et apprécient toute occasion de sortir de la maison s’ils se sentent en sécurité.


    Tu es l’une des vedettes du musical et tu as un caméo dans l’adaptation cinématographique de Everyone’s Talking About Jamie (Tout le monde parle de Jamie). Qu’est-ce qui t’a attiré dans ce projet ?
    Bianca Del Rio : Le directeur de la production du West End m’a contacté et m’a demandé si je souhaitais faire ce spectacle. J’avais vu le show plus tôt quand Michelle Visage y tenait un rôle. Au début, je pensais qu’ils voulaient que je remplace Michelle, mais ils ont dit : « Non, c’est pour l’autre rôle, celui de la drag queen. » J’ai donc passé un appel Zoom prépandémique avec le réalisateur et il m’a dit : « Je n’accepterai pas un non comme réponse. Je pense que tu es parfait pour ça. » J’ai passé un si bon moment dans ce spectacle que j’ai également rejoint le casting de la tournée britannique avant de présenter le spectacle à un public américain ici à Los Angeles. C’était agréable d’être au même endroit pendant cinq semaines.

    Bianca Del Rio — photo : Matt Crockett


    Tu es la première drag queen à faire le Carnegie Hall et le Wembley Arena à guichets fermés. Le public britannique est-il différent du public américain ?
    Bianca Del Rio : Ce que je dis souvent, c’est que si tout le monde ne consomme que trois verres, nous sommes tous pareils. Après ça… Mais je dois aussi dire que je suis dans un créneau très précis, dans une certaine mesure, parce que je fais du drag et que j’ai fait de la téléréalité. Je pense donc que les gens ont une idée de ce à quoi je vais ressembler et du type d’humour auquel ils auront affaire. Il est très rare que quelqu’un marche dans la rue, aperçoive un panneau pour Bianca Del Rio et dise : « Allons voir ce spectacle ! » Je m’adresse à un public très précis, qui sait ce qui l’attend, même si je change de matériel en fonction de l’endroit où je me trouve. Si je suis en Amérique, cela pourrait être lié à Trump. Si je suis au Royaume-Uni, lié à Boris. J’ai un arsenal de blagues meurtrières dans la tête, que je peux déchainer à tout moment.


    Je pense que c’est formidable que les jeunes enfants d’aujourd’hui puissent grandir en espérant devenir une star du drag. Des artistes comme toi et des comédies musicales comme Everyone’s Talking About Jamie révolutionnent non seulement le drag, mais aussi l’industrie du divertissement.
    Bianca Del Rio : Tout d’abord, je pense que toute visibilité est importante. Quand j’ai grandi, l’homosexualité était une chose, la drag en était une autre. Rien de tout cela n’était vraiment accepté, encore moins grand public. Je suis là depuis assez longtemps pour savoir quand c’était un tabou. J’étais là quand même les gais n’aimaient plus les drag queens parce que c’était « trop gai », ce qui était fou quand on y pense. J’ai donc vécu ces montagnes russes de moments et d’émotions, des situations où je travaillais dans des boites de nuit, dans un cabaret ou dans un théâtre et encore devant des publics bien précis. Mais maintenant les drags sont à la télé, leur univers a été mis au premier plan, tout le monde le célèbre. Je ne pense pas qu’il s’agisse de « Devrais-je ou ne devrais-je pas faire du drag ? » Comme faire tout ce qui vous rend foutrement heureux ! Qu’elles regardent, s’engagent ou assistent à des émissions, je dirais que 80 % de ma base de fans sont des filles hétéros et je ne suis pas en colère contre ça. L’univers des Drags est pour tout le monde. Il rassemble les gens.


    Ton humour est plutôt « pour adultes », mais ne trouves-tu pas que le milieu de la drag est devenu un peu plus « pour tous » au fur et à mesure qu’il est devenu mainstream ?
    Bianca Del Rio : Je ne dirais pas que tout cela est « pour adultes » parce que généralement les personnes les plus gentilles ou les drag queens les plus « grand public » que je connais sont des bitchs qui peuvent être super vulgaires quand elles sortent de la scène. C’est comme ça que tu l’abordes. Certains interprètes veulent plaire aux gens et veulent être aimés de tout le monde, alors l’attitude « tout en douceur » et de gentillesse fonctionne pour eux, selon le cadre. Mais ce n’est pas moi. Je ne suis certainement pas du genre « Tout le monde est adorable ». Plutôt l’inverse. Je peux être une garce sur scène, mais je suis en fait une personne sympa dans la vraie vie.


    On peut dire que ton humour est abrasif et intrépide et je pense que nous avons plus que jamais besoin de cette intrépidité aujourd’hui. Qu’y a-t-il dans l’humour abrasif de certains comiques — comme Joan Rivers et toi-même —, qui est si important et nécessaire aujourd’hui ?
    Bianca Del Rio : Tu me fais tout un honneur de me placer dans la même catégorie que Joan Rivers. Il n’y avait personne de meilleur que Joan. Je crois qu’on a besoin de ce type d’humour parce que dans la vie de tous les jours, tout le monde est coincé et a un bâton dans le cul la plupart du temps. Vraiment, il faut rire de tout parce qu’il n’y a vraiment aucun autre moyen de sortir de notre réalité grise. Sinon, on est misérable. Je pense que c’est ça, tu sais — l’humour réside dans la vérité, la vérité réside dans l’humour. C’est ce qui rend les choses drôles et qu’on peut plus facilement s’y identifier. Dès que vous perdez votre sens de l’humour, vous êtes vraiment foutu.


    Bianca s’en tire-t-elle mieux que Roy Haylock ?
    Bianca Del Rio : Pas maintenant, parce que je suis assez âgé pour me ficher de plaire ou non. Peut-être que si j’avais 35 ans, je serais un peu plus prudent, mais en ce moment, je m’en fous.


    À parcourir le monde comme tu le fais, est-ce que des hommes incroyables se jettent aux pieds de Bianca Del Rio ?
    Bianca Del Rio : Oh mon dieu, non ! Je ne veux AUCUN homme à mes pieds ! Avez-vous vu les pieds d’une drag queen ?


    Comment te sens-tu quand les gens disent de toi que tu es une légende vivante ? Parce que tu l’es, Bianca.
    Bianca Del Rio : Cela me fait paraitre et sentir vieux. Gardons ça pour quelqu’un qui est sur son lit de mort. Honnêtement, de nos jours, surtout avec Drag Race, les gens utilisent le mot « légende » trop facilement. On pourrait avoir l’impression que tout le monde est devenu « une légende », que tout le monde est « audacieux », mais ce n’est pas le cas. Tu pourras dire que j’étais « légendaire » quand je serai mort : « C’est une légende morte. » En ce moment, je ne fais que suivre le rythme effréné des montagnes russes de la vie. J’essaie juste de faire rire les gens.


    INFOS | Dans le cadre de la portion pancanadienne de sa tournée mondiale Unsanitized, Bianca Del Rio sera de passage à Montréal, au MTelus, le 21 mars prochain. Pour des billets, visitez evenko.ca et thebiancadelrio.com


    La traduction de cette entrevue a été réalisée par Yves Lafontaine.

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