Jeudi, 28 mars 2024
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    Peacemaker, une série où le B de LGBT rime également avec « Balaise » !

    Au cours de l’été 2021, James Gunn (Les Gardiens de la galaxie) a présenté une réinvention des aventures de l’Escadron suicide dans le film The Suicide Squad (L’Escadron suicide : la mission). L’un des personnages, Peacemaker, frappe alors à ce point son intérêt qu’il écrit une série de huit épisodes, dont il en réalise également six pour HBO Max (Crave au Canada). Résultat ?


    Le plus grand record d’écoute de la plateforme !
    Il n’est pas exagéré de qualifier la série d’iconoclaste et irrévérencieuse puisqu’elle se distingue par une utilisation jubilatoire de jurons, une galerie de personnages à la fois loufoques, tragiques et profondément amusants et de scènes d’action débridées, le tout enrubanné dans une trame sonore où le glam metal règne en roi et maitre. Qui est Peacemaker ? Tout simplement un antihéros qui s’est donné pour mission de maintenir la paix, quel que soit le nombre d’hommes, de femmes ou d’enfants qu’il doit tuer pour y parvenir.

    L’essentiel des pouvoirs du héros éponyme se situe dans des gadgets high-tech, mais avant tout dans un corps de culturiste/lutteur que John Cena n’hésite pas à dévoiler sous toutes ses coutures, incluant certaines scènes en sous-vêtement ou carrément nu. La série s’amorce alors qu’il reçoit son congé du centre hospitalier, où il se remet de graves blessures. Il retourne vivre dans la roulotte un peu merdique qu’il partage avec Eagly, son fidèle compagnon ailé (un aigle apprivoisé qui porte, en français, le nom irrésistible d’Aiglounet). Alors qu’il souhaite échapper à une nouvelle mission suicide, son passé le rattrape pourtant et il se voit bientôt contraint d’affronter une menace pour le moins incongrue : des papillons extraterrestres !


    Les séries et les films de superhéros nous ont très souvent habitués à une psychologie assez manichéenne du style bien absolu versus mal ultime, où tout réel développement des personnages est souvent laissé en second plan. James Gunn propose ici une prémisse étonnante puisque tous les personnages de l’équipe sont profondément imparfaits et c’est l’intrigue de cette première saison qui leur donne l’occasion de grandir et d’échapper à un passé souvent traumatique. On comprend très vite que la vision déphasée de la réalité qu’entretient Peacemaker (John Cena qui présente un jeu à la fois nuancé, hypersexualisé et très sensible) trouve son origine dans un père (Robert Patrick) profondément raciste, sexiste, homophobe et manipulateur.

    L’un de ses amis, Vigilante (irrésistible Freddie Stroma), qui ne connait aucun filtre et donne ses lettres de noblesse à la sociopathie, se joint au groupe en raison de l’amitié excessive (amour ?) qu’il ressent pour Peacemaker. Leota Adebayo (excellente Danielle Brooks) se joint à l’équipe, mais bien seulement parce qu’elle et sa copine sont sur le chômage et que sa mère, qui dirige l’Escadron suicide dans l’ombre, lui en a plus ou moins donné l’ordre. Adebayo éprouve d’ailleurs des sentiments contradictoires envers un travail qu’elle réprouve, mais dans lequel, à son grand désespoir, elle excelle. Plusieurs autres personnages se joignent à une distribution qui se distingue par ailleurs par une représentation extrêmement diversifiée, que ce soit dans les personnages principaux ou secondaires, et par une prédominance de femmes fortes.

    Il y a bien évidemment Adebayo et sa conjointe, qui sont afro-américaines, mais également la cheffe de police (dont le ton pince-sans-rire est jubilatoire à souhait) et Judomaster, qui sont asiatiques, de même que Jamil, un concierge sarcastique d’origine indienne. Fait inhabituel pour ce type de production super héroïque, la série comporte deux personnages qui brisent le moule hétérocentrique habituel (trois si on compte Vigilente, mais le jury est toujours en délibération à son sujet). Dans un premier temps, le personnage d’Abedayo, qui nous est dès le départ présenté en compagnie de son épouse avec laquelle elle forme un couple à la fois profondément solidaire et passionnel.

    Plus insaisissable est Peacemaker lui-même, dont les inclinaisons se révèlent progressivement au fil des épisodes. On le découvre dans un trip à trois avec une femme et Vigilante, on mentionne qu’il a eu des relations sexuelles avec des hommes en prison, puis sa bisexualité est officiellement révélée dans l’avant-dernier épisode. Cette révélation a de quoi surprendre puisqu’elle associe homosexualité masculine, hypersexualisation et virilité musclée : un terrain généralement peu fréquenté dans l’univers télévisuel ou cinématographique d’action, où l’on préfère souvent que l’homme gai ou bisexuel soit marié ou asexuel. Plus étonnant encore, c’est l’acteur John Cena lui-même qui a insisté pour faire évoluer le personnage dans cette direction.


    James Gunn a précisé que, selon lui, Peacemaker a sans doute grandi en subissant les abus homophobes de son père, et que la « vénération qu’il voue au glam metal était sans aucun doute une manière de se rebeller contre celui-ci ». En portant aux nues des hommes androgynes, aux cheveux longs et aux voix stridentes, il affrontait ainsi indirectement la vision masculine conservatrice de son père. La série ne présente aucun temps mort et parvient à conjuguer une intrigue prenante avec des personnages complexes et attachants, un humour complètement déjanté et elle s’amuse par ailleurs à lancer des vannes à l’endroit de nombreux personnages de DC Comics, dont certains parfois assez obscurs. En effet, le personnage de Peacemaker se révèle une source intarissable de rumeurs les plus folles sur les superhéros et leurs pratiques sexuelles (notamment autour d’Aquaman et de Green Arrow).


    Malgré cette volonté de plonger dans l’humour, la série n’hésite cependant pas à aborder de front des moments chargés en émotion. Aussi étrange que cela puisse paraitre, la série offre ainsi des scènes surréalistes et très émouvantes entre notre héros éponyme et Aiglounet. À noter que chaque épisode comporte une scène post-générique toujours fort amusante et que le dernier épisode contient un énorme caméo surprise auquel personne ne s’attendait. Il serait également criminel de ne pas souligner un générique d’ouverture chorégraphié sur du glam metal, de la première à la dernière scène, et qui est rapidement devenu viral. Devant le succès rencontré, la série est déjà renouvelée pour une deuxième saison !

    La série est disponible en anglais et dans un doublage français très bien réalisé, à l’exception — et c’est souvent une constante propre aux doublages réalisés en France — de la prononciation de quelques noms (mes oreilles saignent encore devant la phonétique utilisée pour Bat-Mite). Peacemaker est disponible sur Crave.


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