Amateurs et amatrices d’horreur, préparez-vous puisque la chaine Shutter présente une série qui en explore ses méandres. Queer for Fear : The History of Queer Horror est produit par Bryan Fuller (producteur de la série Hannibal) et se décline en quatre épisodes qui se penchent sur l’impact de l’horreur sur le public queer, la représentation LGBTQ+ que l’on y retrouve, ainsi qu’une analyse de son symbolisme.
En littérature, des auteurs classiques comme Mary Shelley, Bram Stroker et Oscar Wilde sont donc scrutés à la loupe puisqu’il s’agit des influences fondamentales des archétypes qui peuplent cet imaginaire. Un univers dont les origines queers s’avèrent beaucoup plus viscérales qu’on pourrait tout d’abord le penser. Bien connue pour ses relations polyamoureuses, Mary Shelley a créé, avec son Frankenstein, le concept d’un monstre né hors d’une relation homme-femme. Oscar Wilde, dans Le portrait de Dorian Gray, met en scène les dangers de réprimer ce que l’on est et de devenir un monstre. Bram Stoker, avec Dracula, développe le concept d’un être qui séduit des proies habitées d’une sensualité sous-jacente. À noter que Stoker a tenu des propos très homophobes, à la suite du procès d’Oscar Wilde, alors que les deux hommes étaient relativement proches et que certains passages de sa correspondance laissent penser qu’ils partageaient peut-être les mêmes appétences.
Certains épisodes se penchent sur toute la déclinaison des monstres qui ont marqué le grand écran, en passant par les films d’invasion extraterrestre évocateurs de la peur lavande du milieu des années 1950 (un terme qui désigne la vague de persécution des homosexuels qui a éclaté aux États-Unis pendant cette période) jusqu’aux films de vampires des années 1980, obsédés par le sida. Un épisode entier est consacré à l’analyse du sous-texte queer des films de James Whale — Frankenstein, The Old Dark House (Une soirée étrange), The Invisible Man (L’homme invisible), Bride of Frankenstein (La fiancée de Frankenstein) — et de ses ingénieuses stratégies pour contourner le code de censure de l’époque. Frankenstein présente une nuit de noces interrompue par deux hommes qui décident plutôt de créer la vie ensemble.
The Invisible Man donne la première représentation du super-vilain très camp qui jubile de sa propre vilenie, alors que Bride of Frankenstein présente un personnage-titre qui refuse d’être associé à un homme. Le tout dans des films où un nombre ahurissant de représentants LGBTQ sont présents devant et derrière la caméra. La même analyse est faite de l’œuvre d’Alfred Hitchcock, qui pullule de références queers, même si on y note une méfiance fondamentale à son endroit. Par exemple, le meurtre à deux de The Rope (La corde) est présenté avec tous les codes d’une relation sexuelle, alors que des pieds qui se heurtent sous une table, dans Strangers on a Train (L’inconnu du Nord-Express), évoquent une drague entre deux hommes.
Une attention est également portée à Psycho (Psychose) d’Alfred Hitchcock, où le fils d’Anthony Perkins révèle que le réalisateur savait que l’acteur cachait son homosexualité et qu’il a cherché à exploiter cet élément au cours du tournage. Il ajoute par ailleurs que le film a complètement démasqué la véritable nature de son père, ce qui explique que, par la suite, il ne lui était plus possible de jouer un rôle plus conventionnel (lire hétérosexuel).
Selon l’actrice Lea DeLaria (Orange Is the New Black), les communautés LGBTQ sont attirées par l’horreur parce que le genre se situe toujours en marge de la société, ce qui fait en sorte qu’elles sont mesure de s’y reconnaitre : après avoir été traité de monstres pendant des décennies, quoi de mieux que de pleinement embrasser le concept ? C’est une douce revanche que de pouvoir se réclamer du pouvoir inhérent au monstre.
Il faut par ailleurs souligner que comme le cinéma d’horreur a longtemps été considéré comme un sous-genre de peu d’importance, les cinéastes et scénaristes queers avaient donc les coudées franches pour faire preuve d’audace et insuffler de multiples sous-entendus dans leurs productions. La série réexamine toutes ces histoires à travers le prisme queer et démontre qu’il ne faut pas seulement craindre le monstre, mais qu’il faut aussi le voir comme un héros, car sa survivance est également le reflet de la nôtre !
INFOS | Queer for Fear est disponible sur Shudder et AMC, en anglais.
https://www.shudder.com