Dimanche, 6 octobre 2024
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    Jonathan Pedneault, le pragmatique radical de la politique canadienne

    Le 19 novembre 2022, Jonathan Pedneault est devenu cochef du Parti vert du Canada avec Elizabeth May. D’origine québécoise et cubaine, élevé au Lac-Saint-Jean et exilé en Norvège, il a travaillé pendant des années comme journaliste et enquêteur des droits humains pour Human Rights Watch et Amnistie internationale, avant de rentrer au pays au printemps dernier. Son objectif : assurer le futur de la planète, protéger les institutions et renverser les problèmes systémiques qui empêchent, parfois, les individus de prendre les bonnes décisions.

    Pourquoi cette soudaine implication en politique ?
    Jonathan Pedneault : Lors d’un séjour en Ukraine pour le travail, en février et mars 2022, j’ai ressenti un choc qui m’a réveillé à la nécessité de revenir au pays pour m’impliquer. On vit dans un monde complexe et dangereux, qui demande des solutions radicales afin de préserver nos institutions et les privilèges qu’on a au Canada : soit de vivre dans un pays en paix où les inégalités sont vues comme de mauvaises choses et où le gouvernement joue un rôle positif dans nos vies de plusieurs manières. On se trouve à un point de bascule : on peut bâtir une société meilleure et plus égalitaire, qui saura faire face aux changements climatiques, ou aller dans une direction de populisme, de droite, de division et éventuellement d’instabilité.

    Quelles sont tes motivations personnelles ?
    Jonathan Pedneault : Le masochisme ! (Rires.) Je pense que chaque personne a une responsabilité de faire ce qu’elle peut à l’intérieur de ses moyens pour contribuer et redonner à la société dans laquelle on vit. Je suis fils unique de mère monoparentale. Je n’ai pas grandi dans le privilège, mais j’ai eu accès à une éducation extraordinaire dans le système public, à des soins de santé et j’ai bénéficié d’un pays en paix. Ce sont des choses qui demandent une implication constante des citoyen.ne.s pour les conserver.

    Pourquoi la politique est-elle le véhicule que tu choisis ?
    Jonathan Pedneault : Depuis 10 ans, j’ai interagi avec plusieurs politicien.ne.s, diplomates et institutions étatiques. J’ai constaté que les politicien.ne.s sont capables de mettre en place des politiques rétrogrades ou non adaptées aux circonstances dangereuses dans lesquelles on est. J’ai moins confiance qu’avant dans la capacité des mouvements citoyens à faire changer les choses, notamment parce que les politicien.ne.s sont rendu.e.s tellement doué.e.s à se faire élire par des petites minorités de gens qui leur donnent des pouvoirs quasi illimités pendant quatre ou cinq ans. Donc, la politique me semble le meilleur moyen de faire changer les choses.

    Tu es relativement timide et tu ne sembles pas intéressé par le spectacle que peut être la politique. Comment arrives-tu à t’épanouir dans ce contexte ?
    Jonathan Pedneault : Je ne crois pas qu’on soit à un point où on peut collectivement mettre l’accent sur l’épanouissement personnel. On fait face à des crises qui demandent de l’action rapide si on veut s’assurer que, dans quelques années, nos enfants et nos petits-enfants puissent s’épanouir.

    Est-ce que ça veut dire que tu te fais chier ?
    Jonathan Pedneault : Oui, je me fais chier. Je rentre en politique avec beaucoup de critiques. Cependant, en étant dans le bassin des politicien.ne.s, je vois aussi les sacrifices qui viennent avec. Ça demande une dose d’abnégation personnelle et d’engagement envers la communauté. Je me découvre un respect grandissant pour la chose politique.

    Est-ce que le fait de faire partie de minorités sexuelle, visible et linguistique influence ta vision du monde ?
    Jonathan Pedneault : C’est peut-être là la beauté de l’individu par rapport à la collectivité. Chaque personne possède des caractéristiques qui la différencient. Si on est capable de les comprendre et de les aimer, on peut accroitre son empathie envers les autres et arriver à se mettre dans les souliers de quelqu’un d’autre, de voir que notre vision du monde peut être différente de [celle de] quelqu’un d’autre. Ma triple minorité rend tout ça plus facile
    pour moi.

    Résume-moi la précourse et la course à la chefferie.
    Jonathan Pedneault : Ça a été un sprint couru pendant la longueur d’un marathon. J’ai été sur la route à travers le pays pendant six mois. J’ai dormi sur les canapés d’ami.e.s et d’inconnu.e.s. J’ai parfois pris des autobus pendant 10 à 15 heures. Je ne mangeais pas beaucoup, je buvais énormément de café et je travaillais pas mal tout le temps, sans congé ni salaire. Heureusement, j’ai une communauté qui a pris soin de moi et qui a cru en cette idée folle que je pourrais peut-être être élu avec Elizabeth.

    Comment fonctionne la codirection du parti ?
    Jonathan Pedneault : Un peu comme Québec Solidaire, avec des leaders qui sont plus des porte-paroles que des dirigeant.e.s top down qui donnent des directives. On a une démocratie interne très active. Les membres font des propositions de politiques et notre travail est de les communiquer de manière efficace à la population canadienne. Elizabeth et moi, nous [nous] complétons bien. Elle est extravertie, très éloquente et elle parle beaucoup. Je suis plus introverti, je préfère écouter et poser des questions. Elle est très optimiste, alors que je suis assez pessimiste sur le plan climatique et [sur le plan de] la survie de nos institutions. Peut-être parce que j’ai passé 14 ans dans des zones de conflit. C’est une dynamique intéressante qui nous force à trouver des compromis pragmatiques.

    De quelle façon allez-vous encourager le changement en ralliant les personnes réfractaires à l’idée de délaisser certains paradigmes face au pétrole, aux emplois et à l’économie ?
    Jonathan Pedneault : En reconnaissant d’abord que la crise climatique est le produit d’un système qui, depuis au moins 200 ans, exploite la nature et les individus, afin de créer une valeur qui est ensuite redistribuée de manière inégale. Ce système nous a mené.e.s dans un contexte de surexploitation des ressources et de compagnies qui font des milliards de profits et qui connaissent les effets dévastateurs de leurs produits sur l’environnement, mais qui continuent de se battre contre les régulations pour protéger leurs marges de profits. Si on reconnait l’ampleur du problème systémique, on ne peut pas blâmer les personnes qui sont né.e.s dans ce système de faire parfois les mauvais choix. Les défis auxquels on fait face demandent des réponses systémiques et des réformes pour permettre aux citoyen.ne.s de faire de meilleurs choix.

    À quoi ressemble le début de votre solution ?
    Jonathan Pedneault : Je crois qu’il y a un désir fondamental chez la plupart des Canadien.ne.s de vivre dans une société égalitaire, sécuritaire (services de santé, bonne éducation, alimentation accessible) et dans laquelle tout le monde s’épanouit, en assurant un futur raisonnable pour leurs enfants. Notre travail est de leur communiquer que ce désir peut être accru dans un système permettant une meilleure redistribution des ressources et une diminution de l’influence corporative, notamment des industries pétrolière et automobile, sur nos politiques. On peut construire un Canada où les gens ont plus de temps pour prendre soin de leur famille, pour participer à leur communauté et à des projets qui les font vibrer, plutôt que de s’essouffler à travailler pendant 40-50 h chaque semaine dans des jobs qui n’offrent pas nécessairement un sens à leur vie, en étant payés des pinottes insuffisantes pour boucler la fin du mois, parce que les loyers, le prix des maisons et le coût de la vie sont en hausse. On doit avoir des discussions profondes sur la nature de notre économie.

    Le Parti vert du Canada propose depuis plusieurs années un revenu de base garanti pour les Canadien.ne.s, peu importe leur salaire, afin d’assurer que tout le monde ait le nécessaire pour s’épanouir. On croit qu’en donnant une assurance d’un certain plancher de confort, ce sera plus facile ensuite pour les individus de prendre les bonnes décisions.

    INFOS | Twitter : @j_pedneault.
    Instagram: @jonathan_pedneault
    Parti vert du Canada https://www.greenparty.ca/fr

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