Dans le cadre du 40e de Fugues, le rédacteur en chef du magazine propose sur le site web quelques films LGBTQ+ qui ont marqué à leur façon le 7e art. Voici quelques films de 1985…
MY BEAUTIFUL LAUNDRETTE
de Stephen Frears (1985)
Omar, jeune pakistanais de la banlieue Sud de Londres, prend la gérance d’une vieille laverie automatique appartenant à son oncle. Il est aidé de Johnny, qui devient son amant. Quand son cousin Salim blesse un membre de l’ancien gang de Johnny, une bagarre éclate… Tourné à l’origine comme téléfilm avant d’être gonflé en 35mm après son succès dans les festivals, My Beautiful Laundrette n’a aujourd’hui pas pris une ride. Proposant une peinture à la fois réaliste et élégante, le réalisateur nous plonge avec beaucoup de talent dans ce drôle de monde qu’est celui des pakistanais installés à Londres, où tout ne semble être qu’une question d’argent, de rentabilité. Un monde des affaires franchement désincarné mais pas totalement déshumanisé pour autant, Frears gardant toujours cette petite lueur d’espoir, à l’image du personnage d’Omar. Non pas que ce dernier et son cercle familial soit excusé par l’ami Stephen pour leurs ambitions dévorantes et leurs comportements parfois limites, mais on trouve toujours, ne serait-ce que dans une scène, une nuance leur permettant de rester «humain», à l’image de la très belle conversation finale entre Nasser et Hussein. Il n’est pas donné à tout le monde de rendre presque attachant des individus peu fréquentables : Stephen Frears le fait avec beaucoup d’intelligence et de subtilité, bien aidé par une distribution en or, l’excellent Saeed Jaffrey en tête. On en oublierait presque la relation homosexuelle entre Omar et Johnny, qui a pourtant fait la renommée du film, mais n’apportant en définitive pas plus que cela au récit, si ce n’est effectivement un rapport plus complexe entre le héros, Tania et sa famille en général, ce qui n’est déjà pas si mal me direz-vous… Le tout sur fond d’opposition raciale hélas loin d’être caricaturale, filmé sans parti pris par un réalisateur décidément épris de justesse et de sincérité.
DESERT HEARTS
de Donna Deitch (1985)
En 1959 près de Reno, Nevada, une enseignante de Columbia en attente de divorce et une jeune lesbienne du coin sont attirées l’une par l’autre. Un petit film indépendant dont l’histoire d’amour simple et apaisée entre deux femmes ne joue pas de provocation, de voyeurisme ou de jugement, ce qui en fait toute l’originalité et la force, aujourd’hui et encore plus il y a 35 ans, quand on ne voyait presque jamais d’histoire d’amour heureuse. Helen Shaver et Patricia Charbonneau forment un couple vraiment rayonnant à l’écran. Un classique intemporel, que j’ai revu récemment, et qui n’a pas pris de ride.
MISHIMA
de Paul Schrader (1985)
Puzzle cinématographique ambitieux réalisé par Paul Schrader en 1985, MISHIMA explore la vie et l’œuvre du romancier, cinéaste, acteur et philosophe Mishima qui se suicida, en 1970, en se faisant hara-kiri pour protester contre la dégradation des traditions japonaises. Le réalisateur n’a pas cherché à offrir une biographie exhaustive ni à faire des révélations sur l’écrivain : il a plutôt opté pour une approche à la fois réaliste et stylisée lui permettant de faire le pont entre Mishima et son imaginaire et de démontrer ainsi son caractère psychotique. Schrader divise son film en quatre chapitres illustrant des préoccupations ou des thèmes qui occupent une place de choix dans la littérature de Mishima. Ceux qui connaissent bien la vie de Mishima remarqueront que de larges parties de sa carrière et les relations qu’il entretenait avec la communauté des écrivains japonais ont été oubliées. De plus, sans l’escamoter, Schrader évoque plus qu’il ne la montre l’homosexualité de l’écrivain. Ces omissions sont cependant compréhensibles si l’on considère la thèse que cherche à défendre le metteur en scène, c’est-à-dire un voyage dans la schizophrénie de Mishima. Malgré cela, MISHIMA demeure un film important et une très belle tentative d’explication d’un geste dément posé par un des grands créateurs du vingtième siècle.
KISS OF THE SPIDER WOMAN
de Hector Babenco (1985)
Molina est tout droit sorti d’un monde à paillettes, reflétant le milieu homosexuel argentin. Valentin, un jeune communiste enragé et persécuté par le pouvoir dictatorial de l’époque, n’a pas d’autre issue que de partager le quotidien de ce co-détenu. Au travers des récits de vieux films kitchs et de la générosité sans retenue de Molina, l’atrocité de la prison et la noirceur de leur avenir vont s’atténuer et permettre à Valentin de laisser une place à la relation humaine. Ce huis-clos américano-brésilien marqué par une phase de pré-production très difficile, a finalement vu le jour grâce à la conviction d’une équipe autour du projet de son réalisateur Hector Babenco. Adaptation fidèle du roman de Manuel Puig, il nous ramène avec nostalgie dans l’esthétique du cinéma des années 80. Néanmoins toutes les questions d’engagement, de tolérance et d’abus de pouvoir résonnent étrangement avec des combats et réflexions parfaitement actuels.