En octobre 2022, Mélodie Noël-Rousseau et Geneviève Labelle offraient les premières représentations de Ciseaux, une pièce sur la place des lesbiennes dans l’histoire queer, devant des salles combles à l’Espace libre de Montréal. Depuis, la pièce a été jouée à Bruxelles, en Abitibi, au Nouveau-Brunswick et à Québec. Elle reviendra dans la métropole durant Fierté Montréal du 5 au 7 août, à la Cinquième Salle de la Place-des-Arts.
À quel point ça vous surprend de voir que le show continue sa vie deux ans plus tard ?
MÉLODIE : On travaille fort pour ! Ce n’est pas habituel de sortir juste pour une représentation, mais c’est ce qu’on a fait en allant à Caraquet un seul soir. On a un beau soutien des communautés et des organismes. C’était grâce à Acadie Love à Caraquet. On va bientôt à Sherbrooke grâce au GRIS-Estrie. On voit qu’ils trouvent ça important de présenter Ciseaux. À Montréal, c’est Fierté qui a rebooké la pièce. On avait cogné aux portes des théâtres montréalais et ils reconnaissaient que c’était un bon show, mais ils voulaient surtout de la nouveauté.
C’est difficile de donner une deuxième vie à un spectacle. On a vraiment de la chance !
GENEVIÈVE : On va bientôt au Bic et on va faire la tournée des maisons de la culture à Montréal l’an prochain.
Y a-t-il des différences dans la réception de la pièce hors de Montréal ?
GENEVIÈVE : C’est intéressant comme question, parce que le show est très axé sur Montréal et on craignait que les gens se reconnaissent moins en régions, parce que ça ne parle pas d’eux. Cela dit, j’ai envie de comparer ça avec la rébellion de Stonewall à New York : ça me fait vibrer comme n’importe quel autre soulèvement queer de l’histoire. On se reconnaît parce que ça s’est produit dans toutes les grandes villes.
Mélodie – Autant à Rouyn qu’à Caraquet, la foule était très réactive.
En plus d’être très divertissant, Ciseaux ouvre les esprits. Avez-vous l’impression de faire œuvre utile ?
GENEVIÈVE : Notre objectif n’est pas nécessairement d’éduquer la population. Ça adonne que ce show-là a une vocation en partie éducative. Nous, on fait de l’art qui nous drive. Dans nos recherches, on est tombé.e.s sur des informations qui nous ont mis.e.s en tabarnak et on avait besoin de partager ce qui s’était passé pour que les gens réalisent qu’hier, des personnes se faisaient battre par des policiers parce qu’elles étaient queers.
MÉLODIE : En plein jour ! Dans les années 1990 ! J’étais née !
GENEVIÈVE : J’ai l’impression qu’une nouvelle génération vit bien les coming out gais et
lesbiens. C’est beaucoup plus accepté qu’avant. Mais il y a 10 ans, pour moi, c’était tough, alors imaginons il y a 20 ou 30 ans. Je veux juste que les jeunes sachent qu’il y a eu ces
combats-là. Et que les générations plus âgées comprennent que nos combats sont différents aujourd’hui : on se bat pour l’inclusion des personnes trans et des réalités qu’elles ont
peut-être plus de difficulté à comprendre.
Avez-vous appris beaucoup de choses en préparant le spectacle ?
MÉLODIE : Mets-en ! On braillait tous les jours. Il fallait souvent prendre deux minutes pour
décanter tout ça. Ça peut sembler cliché de se dire qu’il faut honorer les personnes qui ont mené des luttes, mais OUI, c’est tellement vrai ! On oublie trop ou on n’est pas au courant.
GENEVIÈVE : Outre ça, on raconte l’histoire de Montréal en filigrane. Après avoir fait ces recherches-là, je suis capable de m’imaginer la ville un peu mieux.
Comment présentez-vous la prémisse de la pièce ?
GENEVIÈVE : Pourquoi il n’y a pas de bar lesbien à Montréal présentement ? C’est ça la question de base. Saviez-vous qu’il y en a déjà eus beaucoup ? Genre une dizaine dans les années 1980 sur le Plateau. La recherche de Ciseaux tourne autour de ça : pourquoi ces bars ont-ils disparu ? Est-ce parce qu’on n’a plus besoin de lieux de rassemblement ou pour d’autres raisons économiques, sociales et de discrimination ?
MÉLODIE : Malgré le sujet très niché, les membres du public nous disent souvent à quel point on se sent bien dans la salle. Tout le monde se sent bienvenu.e.s. Même les personnes qui sont très loin des enjeux queers passent un super moment. C’est rassembleur.
La pièce met en lumière la place des femmes queers dans la communauté LGBTQ+. Quel est votre constat ?
MÉLODIE : On a pris l’angle féminin, car c’est l’histoire qui est toujours la moins racontée.
On voulait mettre en lumière nos héroïnes, celles qui ont mené de grandes luttes.
GENEVIÈVE : On a réalisé que les lesbiennes sont des bâtisseuses qui ne sont pas souvent au soleil ; ce ne sont pas elles qui brillent. Souvent, les icônes sont des hommes gais, blancs et cisgenres. Derrière eux, il y a des petites fourmis lesbiennes qui ont mis sur pied des OBNL pour aider, qui prenaient soin et qui structuraient le mouvement.
Est-ce que les choses évoluent un peu ?
MÉLODIE : J’ai l’impression que oui ! On voit beaucoup plus de personnes queers et de femmes qui se tiennent par la main dans la rue. Les choses changent. On n’arrête pas de dire qu’on veut rendre ça cool d’être lesbienne ! On se réapproprie notre identité. Ce n’est plus honteux d’être lesbienne. C’est un beau mot. Il n’y a pas des milliers de modèles, mais de plus en plus, on en voit.
GENEVIÈVRE : Il faut travailler sur la fierté !
INFOS | CISEAUX, sera présentée par Fugues durant Fierté Montréal, du 5 au 7 août, à la Cinquième Salle de la Place-des-Arts.
Billets en vente via https://www.fiertemontreal.com
CISEAUX sera aussi présenté à Fière la Fête de Sherbrooke, le 13 septembre, au Théâtre Léonard-St-Laurent, 200 Rue Peel, Sherbrooke, Québec.
Billets en vente via https://lepointdevente.com/billets/ciseaux-sherbrooke