Après une excellente première saison articulée autour de Jeffrey Dahmer, Ryan Murphy pose la lentille de sa série d’anthologies Monstres sur un crime sordide qui a défrayé la chronique judiciaire au début des années 90 : le meurtre de José et Kitty Menendez par leurs enfants, Lyle et Erik. Meurtres sanguinaires ou légitime défense ?
Présentée sur Netflix, la série Monsters (Monstres : l’histoire de Lyle et Erik Menendez) fait preuve d’une construction ingénieuse, mais également profondément déconcertante puisqu’on ne sait jamais sur quel pied danser. Dans les deux premiers épisodes, le récit semble ne laisser que peu de place à interprétation : les deux jeunes hommes souhaitent se libérer d’une mère et d’un père trop contrôlants et optent pour un double meurtre. Il y a quelques scènes équivoques, mais ils sont bien responsables de la mort de leurs parents et comme ils sont d’un naturel arrogant et narcissique, il est difficile de leur accorder la moindre sympathie. Affaire classée : meurtres au premier degré !
À partir de l’épisode 3, un changement progressif s’opère alors même que les deux meurtriers partagent le récit des abus sexuels et psychologiques perpétrés par le père (magistral Javier Bardem), sous le regard d’une mère indifférente, et ce, depuis l’âge de six ans. L’enjeu du procès ne se situe pas autour d’un verdict ou non de culpabilité, mais bien plutôt du contexte des meurtres et de la peine conséquente : peine de mort ou prison à vie ?
Les épisodes 4 et 5 éteignent nos braises d’incertitudes alors même que les acteurs interprétant les deux frères, Nicholas Alexander Chavez (Lyle) et Cooper Koch (Erik), livrent des performances bouleversantes. L’épisode 5 constitue d’ailleurs une pièce d’anthologie constituée d’un plan fixe de 36 minutes accompagné d’un long traveling avant sur l’hypnotique confession d’Erik. La légitime défense semble alors indéniable… si ce n’est que l’épisode se termine sur un regard ambigu : avons-nous été manipulé.e.s ? L’épisode suivant culbute à nouveau nos certitudes alors que le journaliste Dominick Dunne (Nathan Lane) déconstruit, un à un, les différents arguments présentés. Les certitudes s’envolent et nous en arrivons parfois au constat absurde d’accorder plus de crédit à un frère plutôt qu’à l’autre.
Bien qu’il s’agisse de meurtres abominables, la série n’hésite pas à y disséminer des scènes amusantes ou malaisantes. C’est par exemple le cas lorsque les frères choisissent une chanson de Milli Vanilli comme musique mortuaire, lorsque Lyle panique à l’idée de perdre son postiche capillaire ou encore quand il recherche désespérément des pièces de dix sous pour utiliser le téléphone de la prison.
De nombreuses scènes laissent également planer un doute quant à la relation entre les deux frères qui semblent parfois à un souffle d’une embrassade passionnée. Erik est par d’ailleurs terrorisé à l’idée qu’on puisse le qualifier d’homosexuel, tout en n’hésitant pas à se faire photographier dans des slips moulants et des poses homoérotiques ou à draguer un autre détenu dans les douches de la prison. L’élément le plus troublant à son sujet est cependant lorsque, dans ce qui apparaît comme un éclair de lucidité, il évoque avoir été à ce point molesté qu’il n’est plus certain de savoir ce qu’il est ou qui il désire. Une confidence bouleversante, mais est-elle véridique ou un tissu de mensonges ?
Brillant portrait d’une époque, d’un crime sordide et de deux hommes écorchés vifs, la série prend le pari audacieux de ne pas offrir de réponses définitives et place l’auditoire dans la position d’un jury dont l’opinion change au rythme des témoignages et des preuves présentées. En ce sens, elle est à l’image des remous et des déchirements que l’affaire génère toujours aux États-Unis.
Les curieux et curieuses seront par ailleurs intéressé.e.s par le documentaire qu’offre également Netflix sur cette ténébreuse histoire : Les Frères Menendez. À noter que le sujet de la saison 3 de Monstres est déjà annoncé : Ed Gain, le tueur en série nécrophile du Wisconsin.
Les neuf épisodes de Monsters (Monstres : l’histoire de Lyle et Erik Menendez) sont disponibles, en anglais et dans un très bon doublage français, sur Netflix. De même pour le documentaire Les Frères Menendez.
INFOS | Monstres : l’histoire de Lyle et Erik Menendez (bande-annonce française)