Vendredi, 17 janvier 2025
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    Wicked, de Broadway à Hollywood

    En octobre dernier, j’ai eu la chance de voir la pièce de théâtre Wicked sur Broadway. Après avoir terminé son engagement pré-Broadway au Curran Theatre de San Francisco, en avril 2003, Wicked investit officiellement Broadway au Gershwin Theatre en octobre de la même année. En étant présenté huit fois par semaine, dans la salle ayant la plus grande capacité de Broadway, pour un total de 1 933 places, Wicked a définitivement transformé d’innombrables personnes en admirateurs de théâtre musical, puisque la pièce y est présentée sans interruption depuis plus de 20 ans. 

    La genèse 
    Comment expliquer le succès d’une telle pièce à l’aube de la sortie de son adaptation au grand écran ? D’abord, l’histoire. Elle explore l’amitié complexe qui se développe entre Elphaba (qui deviendra la méchante sorcière de l’Ouest) et Galinda (qui deviendra Glinda la Bonne). Une histoire de solidarité féminine (chose de plus en plus rare), dans le monde d’Oz. La référence au populaire roman Le magicien d’Oz écrit par Lyman Frank Baum et publié aux États-Unis en 1900 y est manifeste.

    Cette histoire est d’ailleurs ancrée dans la culture populaire (américaine), de la littérature, au film musical américain de 1939 réalisé par Victor Fleming. C’est un succès critique et populaire, le film est nommé aux Oscars dans cinq catégories, dont celle du meilleur film, remportant les trophées de la meilleure chanson originale pour Over the Rainbow

    En 2013, Sam Raimi réalise le film Le Monde fantastique d’Oz, une préquelle au film de 1939. On ne compte plus les références au monde d’Oz, dans la culture populaire et la comédie musicale Wicked, basée sur le livre du même nom de Gregory Maguire publié en 1995, n’y fais guère exception, puisque l’auteur s’en inspire. Elle nous plonge au cœur de la perspective des sorcières du Pays d’Oz. L’intrigue se déroule avant et pendant le séjour de Dorothy Gale à Oz, et inclut de nombreuses références au roman de Baum et au film de 1939. 

    Wicked suit deux jeunes filles que tout oppose, Elphaba, la Méchante sorcière de l’Ouest, et Glinda, la Bonne sorcière du Sud et leur amitié tourmentée par leurs personnalités différentes, avec la bonne vieille opposition du bien et du mal, du bon versus méchant, une recette que Broadway et Hollywood cuisinent à profusion. 

    Wicked, sur les planches de Broadway
    Ce qui m’a le plus impressionné de la pièce Wicked c’est la direction artistique, signée Eugene Lee et les costumes Susan Hilferty, magnifiques et versatiles pour permettre aux acteurs de chanter et danser en toute aisance. Aussi, le fait d’avoir un orchestre live sous la direction de Dane Micciche – pratiquement sous la scène – fait toute la différence en termes d’atmosphère et de musicalité. Si pour ma part, ce premier spectacle de Broadway m’a conquise, ce fut également le cas de mon amie, Kristen, qui le voyait pour la septième fois!

    Qu’est-ce qui fait que les gens y retournent? « La première fois que je l’ai vu, c’était en 2005. J’ai eu la chance de voir le casting original à Broadway avec Idina Mendel et Kristin Cheno en tête d’affiche. C’était magique. J’ai été captivé par la musique, l’histoire (qui m’était familière grâce aux références au Magicien d’Oz que j’ai regardé en grandissant). Quelques années plus tard, l’occasion s’est présentée de revoir la pièce à nouveau. Je suis contente de l’avoir fait parce que j’ai appris que chaque nouvel acteur qui assumait un rôle principal apportait sa propre interprétation à chaque personnage et c’était une joie à découvrir. Les décors, incroyablement détaillés, et les acteurs talentueux permettent à chaque représentation d’être unique et la voir plusieurs fois permet d’apercevoir de nouvelles choses. Bien que je l’aie vu sept fois jusqu’à maintenant, je le referai si j’en avais l’occasion ! »

    Wicked, le film
    Pourquoi sortir le film aujourd’hui? D’abord, en 20 ans, la pièce a conquis une horde d’admirateurs à travers le monde et une adaptation cinématographique (en deux parties) répond à la demande. Cela dit, le thème de la différence est une tangente en vogue, socialement et au cinéma depuis quelques années et la pièce Wicked traite indéniablement de la différence.

    Si Glinda répond au stéréotype de la jeune fille américaine parfaite, blonde et populaire, Elphaba est tout le contraire. Elle est dépeinte comme hideuse, puisque verte de peau. Sa différence l’annihile, l’exile de ses collègues de classe. Sa différence fait peur, on la considère comme le mal parce que différente, jusqu’au jour où les gens embrasseront ses différences, à commencer par Glinda. On ne peut nier ici, dans le discours de la diégèse, la métaphore de la différence, qu’elle s’applique à la couleur de peau (racisme), à l’ethnicité (xénophobie), ou à l’orientation sexuelle (homophobie). Et ce discours d’acceptation en 2024 résonne abondamment dans nos sociétés occidentales. 

    C’est donc sans surprise et dans l’air du temps qu’une adaptation cinématographique d’envergure voit le jour sur grand écran. Le producteur du film Marc Platt (La La Land, The Little Mermaid) explique en conférence de presse comment il en est venu à envisager Wicked, d’abord sur scène (puisqu’il en avait les droits) :  « Cette histoire devait s’exprimer par la chanson », ce qui en a fait en sorte que la pièce fut d’abord adaptée sur Broadway. C’est lors de sa première mouture à San Francisco, qu’il y a rencontré Jon M. Chu, alors jeune étudiant en cinéma à la University of Southern California, qui allait devenir le réalisateur de l’adaptation cinématographique, près de deux décennies plus tard : «Jon a poursuivi ce projet, et quand le moment fut venu, il était certainement la bonne personne pour le poste». D’ailleurs, ce dernier se rappelle cette soirée marquante au Curran Theater : « Je me souviens d’être assis là au théâtre et d’avoir été soufflé par cette pièce, avec ma mère à mes côtés, ce que nous faisions depuis que j’étais enfant, étant époustouflé par cette histoire. Le Magicien d’Oz comptait tellement pour ma famille. Ma famille est venue de Chine et Le Magicien d’Oz avait en eux une telle résonance du rêve américain. » Notons que Chu a notamment réalisé la comédie Crazy Rich Asians et le film musical In the Heights

    Parlant de rêve américain, que dire de la distribution du film, qui assure par le fait même d’amener la jeune génération au cinéma. En effet, dans les rôles principaux, on compte la chanteuse et auteur-compositrice britannique Cynthia Erivo, qui s’est aussi fait connaitre sur les planches de Broadway avec son rôle dans The Purple Color et la chanteuse pop Ariana Grande. Si cette dernière est surtout connue pour ses succès musicaux ayant remportés des Grammy’s, peu savent qu’Ariana commence sa carrière en 2007, à l’âge de 15 ans, en jouant le rôle de Charlotte dans la comédie musicale 13 sur Broadway.

    Pour le film, les deux actrices-chanteuses ont chanté en direct lors du tournage des prises, pratique peu commune dans les films musicaux où habituellement les acteurs performent en lip-sync sur une trame préenregistrée. « C’était très avantageux pour nous de chanter. Nous savions que nous allions faire ça dès le début », explique Cynthia en conférence de presse le 7 novembre dernier. « Nous sommes des chanteuses, c’est ce que nous aimons. Cela nous a permis de nous rapprocher de l’action, des sentiments que nous souhaitions partager avec ces personnages. En plus, chanter live nous donne la capacité de jouer. Si nous sommes préenregistrés, on ne peut pas vraiment sortir des marges ou improviser. Donc, chanter live nous a donné la chance de vraiment jouer avec le personnage, avec la musique et s’amuser davantage ».

    Ariana Grande abonde dans le même sens : « Je pense que beaucoup de ces chansons sont bien trop émotionnelles pour être collées à une trame préenregistrée ». Cette dernière ajoute par solidarité : « Et parce que nous reprenons notre souffle pendant la moitié, juste en nous tenant l’une à l’autre. Nous devons le faire en direct, par solidarité avec les nombreuses belles Elphabas et Glinda’s de Broadway qui font huit spectacles par semaine. Si nous devons faire des milliards de prises de la chanson en tournage, nous allons le faire avec nos sœurs sorcières par solidarité ».

    Et Cynthia de conclure : « Je pense que nous rendrions un mauvais service à nous-mêmes et à nos sœurs de Broadway et aux auditeurs de ne pas essayez de le faire en live, de ne pas connecter à cette musique de cette façon ». Si le talent vocal des deux actrices promet d’amener des gens au cinéma, la notoriété de la pièce, sans oublier les thèmes, en fera autant : « C’est un thème très actuel et pourtant intemporel que les forces du mal essayent d’ostraciser certaines personnes ou de les diviser. Et je pense que l’amitié, l’amour et la famille, que ce soit de sang ou une famille choisit, des amitiés platoniques ou des amours profonds, ce sont les choses qui nous aident à survivre à l’adversité. » 

    Le film Wicked (2h40, réalisé par Jon M. Chu) prend l’affiche au Québec le 22 novembre 2024, alors que la seconde partie est attendue pour le 26 novembre de l’année suivante. 

    La pièce de théâtre Wicked est présentée au Gershwin Theatre huit fois par semaine. https://wickedthemusical.com

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