Né en 1920 à Leipzig en Allemagne, Peter Flinsch est issu d’une famille aisée, grands amateurs d’art et de peinture, qui sera ruinée après la guerre. Artilleur dans l’aviation, il revient alors dans sa ville natale occupée par les Soviétiques et, obligé de gagner sa vie, travaille comme décorateur de théâtre. « Peindre des portraits monumentaux de Marx et autres héros du panthéon communiste, note Jean-François Larose, marquera le début de l’apprentissage de son métier 1. »
Après s’être établi à Berlin où il poursuit ses réalisations scéniques tout en s’adonnant à l’illustration et à la caricature dans diverses publications, il se retrouve à Munich, en 1951, à dessiner des étalages publicitaires pour la compagnie Air France. Il traverse ensuite l’Atlantique et « rejoint son ami Heino Heiden, danseur et chorégraphe, et fonde avec lui le Vancouver Ballet. Pour les spectacles de la troupe, il créera décors et costumes et organisera des tournées 2. » Puis, il décroche un emploi à Montréal à la nouvelle Société Radio-Canada comme créateur de décors pour la télévision.
Parallèlement à sa carrière professionnelle — étalée sur trente ans —, il poursuit une démarche artistique en dessin, peinture et sculpture. Privilégiant la figuration, il explore la représentation du corps humain, particulièrement le corps masculin. Inspiré par l’expressionnisme allemand, il est considéré comme l’un des pionniers de l’art gai au Québec.
Et comme il arrive souvent chez les créateurs qui innovent, les premières initiatives sont difficiles, de sorte que « son art du nu masculin n’a trouvé aucun écho avant la fin des années 70. “Les gens pensaient que c’était de la pornographie, se souvient-il. De nombreux spécialistes ont reconnu mon talent, mais ils m’ont tous demandé de peindre d’autres sujets, des fleurs, des couchers de soleil dans les Laurentides ou des chaises de jardin.
Ça ne m’intéressait pas” 3. » Les hommes qu’il représente, confie-t-il, « je les rencontre au YMCA ou dans des bars. Je choisis le plus souvent des athlètes plutôt que des modèles professionnels : des gars qui sont à l’aise dans leur corps et bougent de façon naturelle 4. » En 1989, Peter Flinsch conçoit cinq dessins pour le recueil de poésie Puis de Jean Chapdelaine Gagnon, publié aux éditions du Noroît. Ses œuvres illustrent également le livre Male Nude Now de David Leddick dont le lancement aura lieu à la Librairie L’Androgyne en 2001.
Entre-temps, il a commencé à montrer sa production dans divers musées et galeries à travers le monde, notamment : la Rob Gallery à Amsterdam et la Galerie Janssen de Berlin où ses œuvres sont reproduites dans l’ouvrage Der Mann In Der Kunst (Men’s Art Gallery). En 1999-2000, il est invité par l’Écomusée du Fier Monde et présente l’exposition Monde de Montréal, alors qu’une rétrospective lui est consacrée au Schwules Museum à Berlin. Il exposera également à New York à la Leslie-Lohman Gay Art Foundation.
Décédé à Montréal le 30 mars 2010, à l’âge de 89 ans, Peter Flinsch laisse un héritage imposant que retrace Ross Higgins dans son ouvrage Peter Flinsch : The Body in Question 5. Afin de le mieux connaître, on peut aussi s’adresser aux Archives gaies du Québec qui, outre le Fonds Peter Flinsch, possèdent une partie de la correspondance de l’artiste ainsi que des photographies et l’un de ses dessins dans le Fonds Chris Huizenga 1976-2008.
- Jean-François Larose, Peter Flinsch, un Parcours : http://peterflinsch.com/biographie.php. Consulté le 23 septembre 2022.
- Ibid.
- André-Constantin Passiour et Denis-Daniel Boullé, « À l’occasion de son Exposition à l’Écomusée de Montréal : Peter Flinsch : un parcours hors du commun », Fugues, février 2000.
- Cameron Herdman, « Adoring the masculine », Xtra Magazine, 31 décembre 2008 : https://xtramagazine.com/culture/adoring-the-masculine-13824. Consulté le 25 septembre 2022. Traduction de l’auteur.
- Ross Higgins, Peter Flinsch : the body in question, Vancouver, Arsenal Pulp Press, 2008.
Merci d’avoir mis Peter Flinsch dans votre nouvelle édition du Fugues. Il a tout un parcours surtout durant la WW-II. Nous en avons plusieurs dont celui que vous avez publié avec lui (Rain, est le nom de l’œuvre). Photo ??