Mardi, 22 avril 2025
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    Droits des femmes en péril aux États-Unis : à quand le ressac chez nous ?

    Nous sommes le 8 mars 2025 lorsque j’écris cette chronique. Devant mon ordi, je réfléchis, je me désole… étant militante pour les droits des femmes, ayant écrit des livres sur le sujet, milité au quotidien et dans la rue au sein de divers organismes et, bien sûr, écrivant cette chronique, chaque mois, depuis 8 ans, je me dis que les droits des femmes en Amérique n’ont jamais été autant menacés de recul.

    Tout ça, grâce à un homme : Donald Trump. Un homme qui a été élu par plus de 77 millions d’Américains et d’Américaines. Je le mets au féminin-pluriel, car, a priori, je me demande comment autant de femmes peuvent voter pour un tel homme à la présidence de leur pays, alors que ce dernier a été condamné, entre autres choses, pour agression sexuelle (1). Qui plus est, la même année, Trump est reconnu coupable d’avoir falsifié des documents, afin de masquer les paiements destinés à faire taire l’actrice porno Stormy Daniels, pour ne pas nuire à sa campagne présidentielle de 2016. Qu’à cela ne tienne, les Américains et les Américaines (dont certaines le voient en héros !) votent pour ce criminel, fraudeur et agresseur sexuel.

    On ne s’étonne guère, quelques mois plus tard, que l’administration Trump, nouvellement élue, se pavane et dirige en dictature. Vous avez dit à un homme riche et criminel qu’il avait le plein pouvoir à la Maison-Blanche ! Il est ainsi peu surprenant qu’il se croie au-dessus des lois et qu’il se prenne pour Dieu. Au cœur de ses enjeux personnels, il s’en prend à celles et ceux qui ont blessé son égo. Les femmes, comme les communautés LGBTQ+, se retrouvent dans la mire de cet homme misogyne et homophobe. Il débute par ce qu’il fait de mieux : contrôler l’opinion publique par les médias. C’est d’ailleurs en partie de cette façon qu’il a été réélu… Rappelons qu’Hitler contrôlait l’opinion publique (ou du moins sa présentation au public), par le biais du cinéma. Son ministre de la Propagande, Joseph Goebbels, savait que le cinéma avait ce pouvoir de contrôler les consciences et d’influencer les masses.

    Vous n’avez qu’à regarder le tristement célèbre Triomphe de la volonté (de la talentueuse réalisatrice Leni Riefensthal, engagée par le Troisième Reich pour l’occasion), pour comprendre à quel point le cinéma a participé ici à glorifier le dirigeant et ses politiques ! C’est là que vous me dites que Trump n’est pas « glorifié », par les réseaux de télévision et les médias sociaux… Certes, aujourd’hui, les gens ont un rapport différent aux médiums audiovisuels (on manipule les masses par des techniques tout aussi subtiles, mais différentes, dont les algorithmes par exemple). Si vous occupez la majorité de l’espace médiatique, qu’on parle de vous en bien ou en mal, l’important c’est qu’on parle de vous ! Vous êtes constamment dans l’esprit des gens, que ce soit dans une relation amour-haine, vous êtes au cœur du discours, vos préoccupations deviennent le discours ; vous devenez ainsi le principal interlocuteur pour mener de front les discussions et diriger le discours médiatique. Trump l’a très bien compris et c’est ce qu’il fait. Nul doute que, parmi sa garde rapprochée, il s’est acoquiné avec Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, expert en réseaux sociaux et en technologies.

    Comme Hitler avec Goebbels, il s’allie à ceux qui l’aident à parfaire son discours et son image dans l’espace public. Sans surprise s’amorce le contrôle de la population dans l’espace public, à travers ce qui nous dirige aujourd’hui : les technologies. C’est ainsi que j’ai vu disparaître plusieurs journées « hommage » du calendrier Apple et Google, dont la Journée internationale des droits des femmes (ainsi que les événements liés à la communauté LGBTQ+, à l’holocauste, aux personnes juives, noires, minorités raciales, etc.). Et là, vous me dites : c’est une journée sur Google, on s’en fout… Bien sûr que non ! Google est le moteur de recherche numéro un pour toute source d’information Web. (Et je vous mets au défi de me nommer la dernière fois où vous avez effectué une recherche en personne dans une bibliothèque ou la dernière fois que vous avez ouvert votre dictionnaire papier, si vous en avez encore un à la maison !). Bref, supprimer des populations d’un moteur de recherche, c’est comme brûler des livres, et faire disparaître des populations de l’histoire pour les condamner au silence. Condamner au silence, c’est empêcher d’exister. (Trump le sait, c’est d’ailleurs pourquoi il parle constamment dans les médias, même pour dire n’importe quoi, pour « exister ». Résultat : il monopolise le discours public.)

    Faire disparaître l’histoire et les faits, c’est d’ailleurs ce que s’emploie à faire l’administration Trump. Au moment d’écrire ces lignes, j’apprends que « des références à un récipiendaire de la médaille d’honneur de la Seconde Guerre mondiale, à l’avion B-29 Enola Gay, qui a largué la bombe atomique sur le Japon et aux premières femmes à avoir réussi l’entraînement de l’infanterie des marines, figurent parmi des dizaines de milliers de photos en ligne marquées pour être supprimées notamment à cause du mot « Gay », alors que le ministère de la Défense s’efforce d’épurer le contenu relatif à la diversité, à l’équité et à l’inclusion », selon une base de données obtenue par l’Associated Press (2).

    Ce qui nous surprend peu, puisque quelques jours après son entrée en poste, Trump a ordonné la suspension du personnel s’occupant de la diversité, de l’équité et de l’inclusion (DEI), pour pouvoir ensuite les licencier. Contrôler l’image, le discours. Faire disparaître l’histoire, la réécrire avec l’intelligence artificielle. Purger des LGBT de la fonction publique (dont le Canada peut honteusement se vanter de l’avoir fait dans les années 50). Ne voyez-vous pas le retour en arrière ? Le danger ? Les mots de Simone de Beauvoir n’ont jamais résonné autant : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Au premier rang, les femmes LGBTQ+ racisées semblent visées… Faites partie du changement, arrêtez ce raz-de-marée américain afin que le ressac épargne le Canada et le reste du monde.

    (1) En 2024, Trump est jugé responsable, par le jury d’un tribunal civil de New York, de l’agression sexuelle en 1996 de l’ancienne journaliste E. Jean Carroll.

    (2) Selon l’article de l’Associated Press : « War heroes and military firsts are among 26,000 images flagged for removal in Pentagon’s DEI purge », 7 mars 2025.

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