Vendredi, 19 septembre 2025
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    Soraya Martinez Ferrada : en route vers la mairie de Montréal

    La nouvelle cheffe d’Ensemble Montréal briguera le poste de mairesse de Montréal aux prochaines élections municipales de novembre. Soraya Martinez Ferrada possède de nombreux atouts, liés à son expérience politique et de la gestion de projets. C’est dans un café du Village que nous l’avons rencontré.

    Après avoir fait partie de l’équipe fondatrice du tout premier programme d’insertion culturelle et socioprofessionnelle à la TOHU, elle est élue conseillère municipale, de 2005 à 2009. Elle poursuit son engagement politique avec Louise Harel, puis retourne travailler à la TOHU, avant de devenir conseillère principale de Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien. Puis, Soraya Martinez se lance elle-même en politique active fédérale et est élue, en 2019, députée fédérale dans Hochelaga pour le Parti libéral (PLC). En 2023, elle devient ministre du Tourisme et ministre responsable de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec dans le gouvernement de Justin Trudeau. En février dernier, elle annonçait quitter son poste et, après avoir été élue comme cheffe du parti Ensemble Montréal, se présente comme candidate à la mairie de Montréal.

    Pourquoi ce retour au municipal?
    Soraya Martinez Ferrada : Tout ce que j’ai appris en politique provient de mon expérience au municipal, une expérience que j’ai amenée avec moi au fédéral. Ce que j’aime le plus dans l’engagement municipal, c’est que cela reste une politique de proximité, de terrain. On est proche des gens. C’est, pour moi, comme un retour qui est porté aussi sur ce que j’ai pu constater ces dernières années, c’est-à-dire le déclin de Montréal à tout point de vue. Ce n’est plus une ville attractive comme elle a pu l’être. Il y a un manque d’innovation et les défis se multiplient sans que l’on y réponde.
     
    Quels sont, selon vous, ces défis majeurs ?
    Soraya Martinez Ferrada : Montréal est confrontée à plusieurs défis majeurs, qui, combinés, pèsent sur son développement. Les questions liées à l’itinérance, à la crise du logement et à la sécurité publique sont au cœur des préoccupations. En particulier, l’augmentation du nombre de personnes sans-abri dans certaines zones de la ville, comme dans le centre-ville ou autour de certaines stations de métro, rend difficile la gestion des espaces urbains. De plus, l’urbanisation rapide et la croissance démographique posent des questions sur la capacité de la Ville à maintenir un équilibre entre les espaces verts, les logements abordables et les infrastructures modernes. Cette expansion se fait souvent au détriment de la qualité de vie dans certains quartiers, où l’accessibilité à des services essentiels devient un enjeu majeur.

    Ce sont des défis que l’administration Plante relève aujourd’hui. Vous ne semblez pas partager les efforts mis aujourd’hui en place par cette administration ?
    Soraya Martinez Ferrada : Ce dont je me suis rendu compte quand j’étais ministre, c’est que cette administration n’était pas forcément à l’écoute, n’était pas un leader collaboratif, et j’en ai fait l’expérience lorsque j’étais ministre. Ensuite, il faut s’attaquer à la bureaucratie. La bureaucratie semble être l’un des plus grands freins au développement rapide et efficace de Montréal. Des processus administratifs complexes et une lenteur dans la prise de décisions ralentissent l’avancement de projets essentiels. Les enjeux d’urbanisme, de logement et d’infrastructures sont ainsi retardés par une gestion trop rigide. Prenons l’exemple des projets de réaménagement de certains quartiers, qui sont souvent freinés par des discussions interminables, des études d’impact et une gestion trop centralisée. La bureaucratie rend difficile la mise en place de solutions créatives ou immédiates face à des crises comme celle du logement. Le manque de flexibilité et d’agilité dans la gestion de ces projets est une source de frustration pour les citoyens et les entrepreneurs locaux. Je dirais qu’au cours des huit dernières années, il y a quelque chose qui s’est beaucoup accéléré. Il y a une polarisation aussi dans la population qui s’est créée, par exemple sur la question des pistes cyclables. La crise du logement s’est aggravée, l’itinérance a explosé. Des questions qui sont au cœur des préoccupations. 

    CRÉDIT PHOTO : Andréa Robert Lezak

    On ne semble pas trouver de solutions pérennes à la problématique de l’itinérance.
    Soraya Martinez Ferrada : L’itinérance est un problème complexe qui englobe plusieurs dimensions : économique, sociale et sanitaire. Le manque de logements abordables, la pauvreté persistante et les problèmes de santé mentale ou de toxicomanie rendent la situation difficile à résoudre. Alors que des solutions temporaires, comme les camps de tentes dans les parcs ou les camps temporaires dans certaines rues, existent, elles ne sont qu’une solution de remplacement, pas une véritable réponse à long terme. Le défi majeur est de concilier une approche de soutien social avec la nécessité de réaménager les espaces publics de manière sécuritaire pour tous. Si certaines initiatives existent, comme des programmes d’hébergement d’urgence, leur portée reste limitée et souvent mal coordonnée. La collaboration entre les différents acteurs des secteurs public, privé et associatif reste insuffisante, ce qui empêche une approche systémique et durable.

    Avec l’itinérance, on touche aussi les enjeux de toxicomanie, de santé mentale, de logements, mais aussi de sécurité publique.
    Soraya Martinez Ferrada : Dans un contexte de crise du logement, les maisons de chambre pourraient offrir un compromis entre des logements temporaires et des solutions d’hébergement plus permanentes. Cependant, cette idée rencontre des résistances, notamment liées à la perception de ces logements comme des structures temporaires et peu adaptées à l’évolution des standards modernes. Pourtant, en réhabilitant certains bâtiments existants et en les réaménageant de manière plus fonctionnelle, Montréal pourrait offrir une solution rapide et efficace. Quand j’étais une élue locale, on a fermé beaucoup de maisons de chambre qui étaient en fait des piqueries, des lieux de prostitution ou encore qui étaient louées par le crime organisé.

    Pourtant, des maisons de chambre sont envisagées aujourd’hui comme un moyen de sortir les gens de la rue.
    Soraya Martinez Ferrada : Cela pourrait être une solution. Ces petites unités d’habitation étaient autrefois courantes à Montréal et permettaient à des personnes de se loger à un coût réduit. Ce serait un bon compromis entre le logement temporaire et des solutions d’hébergement plus permanentes. Cependant, cette idée rencontre des résistances dues à l’image des maisons de chambre, [perçues comme étant] des structures peu sécuritaires et inadaptées aux standards actuels en termes d’habitation. Mais, on parle aussi de maisons modulaires, préfabriquées, ces maisons existent à Calgary, à Hamilton, je les ai visitées et je me demande pourquoi cela prend autant de temps à Montréal, alors que d’autres villes les ont depuis cinq ans. Et puis, il y a un nombre important de bâtiments qui appartiennent à la Ville, qui sont vides, et beaucoup d’organismes ont fait des propositions très claires, mais rien ne bouge. On ne peut plus accepter des campements, pour des raisons de sécurité aussi bien pour ceux qui vivent sous des tentes, que pour les personnes qui vivent autour. Mais, démanteler les campements ne suffit pas s’il n’y a pas un accompagnement des personnes qui sont dans la rue et un accès à des maisons modulaires.

    La toxicomanie et la sécurité publique constituent des sujets qui reviennent souvent pour celles et ceux qui fréquentent, travaillent ou habitent aux abords du Village. Est-ce que, pour vous, la mutualisation du poste 21, du Quartier des spectacles et du poste 22 situé dans le Village, est une solution appropriée face aux enjeux de sécurité ?
    Soraya Martinez Ferrada : Je pense qu’il y a deux choses à regarder quand on fait des changements de politique publique, comme c’est le cas avec la mutualisation des deux postes de police : c’est la perception et la réalité sur le terrain. Si la perception n’est pas bonne et que cela augmente le sentiment d’insécurité avec la réunion des deux postes, il faut absolument rassurer les citoyen.ne.s. Ce que je crois comprendre, c’est que cela va générer des économies. C’est bien. Mais, est-ce que cela va améliorer le sentiment de sécurité pour la population ? Il faudra voir. Québec a donné depuis longtemps de l’argent à la Ville de Montréal pour l’embauche de nouveaux policiers et l’on attend toujours l’arrivée des nouveaux policiers.
     
    Quand on parle de la toxicomanie, on pense souvent à la répression, mais pas assez à offrir de l’aide et des services aux toxicomanes.
    Soraya Martinez Ferrada : Concernant la toxicomanie, l’un des problèmes est que les
    substances qui circulent ne sont pas bonnes, d’où l’importance de mettre en place des sites d’injection supervisée avec une offre sécurisée d’approvisionnement sûr. Et, bien évidemment, les toxicomanes doivent être mieux encadrés avec l’aide d’organismes communautaires.
     
    Très souvent, l’administration municipale accuse le fédéral et le provincial de ne pas faire leur part pour aider — surtout financièrement — Montréal à mettre en place des solutions durables et donc rejette la responsabilité sur leurs épaules ?
    Soraya Martinez Ferrada : J’arrive avec une approche complètement différente. Bien sûr, il faut rappeler les responsabilités du fédéral et du provincial, mais peut-être faut-il leur proposer des projets clairs pour qu’ils embarquent. Il faut aussi se tourner vers le privé, et aujourd’hui on a une administration qui ne parle pas au privé. Il faut que les solutions soient portées par tout le monde, aussi bien par la Ville, le communautaire, le privé, les deux paliers de gouvernement. Il ne faut pas avoir peur d’asseoir tout le monde à la même table pour trouver les solutions ensemble. Il ne faut pas croire que le privé ou encore les commerçants sont insensibles et ne souhaitent pas aider à trouver des solutions durables face aux défis dont on vient de parler.

    Avec l’arrivée des travaux d’aqueduc sur la rue Sainte-Catherine dont dans le Village, les commerçants s’inquiètent d’une perte d’achalandage et de revenus, que pensez-vous faire pour les aider ?
    Soraya Martinez Ferrada : Les petites entreprises de Montréal, particulièrement celles situées dans les zones où des chantiers de réaménagement sont en cours ou vont l’être, souffrent d’un manque d’accompagnement adéquat. Les commerçants sont souvent confrontés à des travaux publics qui perturbent leur activité quotidienne. Pourtant, des programmes d’accompagnement existent, mais ils sont mal communiqués et souvent perçus comme trop complexes à utiliser. Il y a également un problème d’équité dans l’accès à ces aides. Les petites entreprises, en particulier celles dirigées par des entrepreneurs issus de communautés marginalisées ou de quartiers moins centraux, ont parfois du mal à accéder aux financements ou à l’accompagnement nécessaire. L’accès à l’information sur les subventions, les prêts ou les mesures de soutien devrait être simplifié et [plus] accessible pour éviter que certaines entreprises ne disparaissent sous le poids des travaux publics.
     
    Vous revenez souvent sur la nécessité de travailler avec le privé pour rendre la Ville plus compétitive et l’aider à trouver des solutions aux enjeux dont nous venons de parler. Le privé devrait-il être inclus dans tous les projets menés par la Ville ?
    Soraya Martinez Ferrada : Le secteur privé a un rôle essentiel à jouer dans la transformation de Montréal, surtout lorsqu’il s’agit de financer des projets d’envergure et d’apporter des solutions innovantes. En investissant dans des projets d’aménagement urbain durable, les entreprises peuvent non seulement contribuer à la revitalisation de la ville, mais aussi générer des retours sur investissement intéressants. Cependant, il est essentiel que ces partenariats soient bien conçus, avec une attention particulière aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux, pour éviter que la Ville ne devienne un terrain de jeu uniquement pour les investisseurs, au détriment des populations vulnérables. En gardant en tête que la culture et l’inclusion doivent être au cœur de tout projet d’urbanisme à Montréal. La Ville doit être avant tout proactive, qu’elle investisse dans la qualité de vie des citoyen.ne.s, [tout en combinant] l’innovation et la durabilité, [ce qui] ne peut se faire qu’avec l’ensemble du milieu.  

    Denis-Daniel Boullé [email protected]
    André C. Passiour [email protected]

    INFOS | https://www.facebook.com/SorayaMartinezFerrada

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