Kim Davis, figure controversée qui avait refusé de délivrer des licences de mariage à des couples de même sexe après la décision historique Obergefell v. Hodges en 2015, a officiellement demandé à la Cour suprême des États-Unis de revenir sur ce jugement. Cet arrêt avait établi le droit au mariage pour les couples de même sexe à l’échelle nationale — et la requête de Davis n’est que le dernier épisode d’une offensive continue de la droite américaine contre l’égalité matrimoniale. Davis n’est qu’un rouage — certes très médiatisé — d’un vaste effort conservateur visant à démanteler ce qui semblait être un acquis juridique il y a encore dix ans.
Depuis le prononcé d’Obergefell, des militant·e·s de droite travaillent en coulisses avec des élu·e·s pour affaiblir puis renverser cette jurisprudence. Une pièce maîtresse de cette stratégie a d’abord consisté à « diviser pour mieux régner » en attaquant les droits des personnes trans. Après avoir marqué des points sur ce terrain ces dernières années, les républicains recentrent désormais leur offensive sur le mariage entre personnes de même sexe.
Près de huit mois après le début du second mandat de Donald Trump, plusieurs signaux inquiétants montrent que l’appareil conservateur prépare une attaque frontale contre Obergefell — et la démarche de Kim Davis en est un exemple parmi d’autres. Voici les principales offensives menées contre l’égalité matrimoniale en 2025.
1. L’expansion des « mariages d’alliance » (covenant marriage)
Cette année, des élu·e·s républicains de quatre États — Missouri, Oklahoma, Tennessee et Texas — ont déposé des projets de loi visant à instaurer les « mariages d’alliance », une forme de mariage explicitement religieux qui rendrait le divorce presque impossible, sauf dans de rares circonstances. Actuellement, seuls l’Arizona, l’Arkansas et la Louisiane offrent cette option, popularisée par des personnalités comme le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, marié de cette façon depuis 1999.
Les projets de loi, bien que formulés différemment, comportaient tous des passages identiques dans les « affidavits d’intention » exigés des couples, dont un engagement à « faire tous les efforts raisonnables pour préserver notre mariage ». Aucun n’a été adopté, tous ayant été rejetés ou abandonnés en comité. Mais la tentative révèle une volonté croissante, au sein du GOP, de redéfinir le mariage comme un rite religieux par voie législative.
Selon Katie Dilks, directrice générale de l’Oklahoma Access to Justice Foundation, ces lois pourraient aussi ralentir l’accès au divorce pour tout le monde dans les États concernés, même pour les couples qui n’auraient pas opté pour ce type d’union.
« Ça pourrait ralentir le processus pour tout le monde, pas seulement pour ceux qui choisissent ce mariage d’alliance », a-t-elle déclaré à KOKH en février, ajoutant que ce cadre pourrait piéger des gens dans des relations abusives ou exploitantes.
2. Des résolutions pour renverser Obergefell
Des parlementaires de cinq États — Michigan, Idaho, Montana, Dakota du Nord et Dakota du Sud — ont présenté des résolutions non contraignantes identiques appelant la Cour suprême à annuler Obergefell. Les Chambres basses de l’Idaho et du Dakota du Nord les ont adoptées, mais elles ont échoué au Sénat dans les deux cas.
Ces résolutions, rédigées et distribuées par MassResistance — un groupe farouchement anti-LGBTQ+ — montrent l’influence persistante de tels réseaux sur les élu·e·s d’État.
« Elles n’ont aucune portée légale, mais elles envoient un signal clair sur la vision d’une Amérique qu’ils veulent bâtir », a expliqué en mars Kimberly Mutcherson, professeure de droit à l’Université Rutgers, au Washington Post.
3. La pression de la Southern Baptist Convention
La Southern Baptist Convention (SBC), plus grande dénomination protestante du pays, adopte une ligne de plus en plus radicale. Lors de son congrès annuel, en juin dernier, ses délégués ont massivement soutenu une résolution appelant le Congrès à « adopter des lois qui reflètent la vérité de la création et de la loi naturelle — concernant le mariage, la sexualité, la vie humaine et la famille », et à « annuler les lois et décisions de justice, y compris Obergefell v. Hodges, qui défient le dessein divin pour le mariage et la famille ».
Même si la SBC ne peut pas dicter la loi, son influence politique est réelle : selon le Pew Research Center, 75 membres du 119e Congrès se déclarent baptistes, dont 31 affiliés spécifiquement à la SBC — la grande majorité étant républicains.
4. La requête de Kim Davis devant la Cour suprême
Le 24 juillet, Davis a officiellement saisi la Cour suprême pour qu’elle examine à nouveau son affaire, dans l’espoir d’annuler Obergefell. Elle conteste aussi un jugement ultérieur qui l’oblige à verser 100 000 $ en dommages-intérêts à David Ermold et David Moore, le couple à qui elle avait refusé une licence de mariage en 2015.
Ses avocats, du cabinet ultraconservateur Liberty Counsel, affirment qu’Obergefell « était une erreur à l’époque et l’est toujours aujourd’hui », s’appuyant sur la logique de l’arrêt Dobbs v. Jackson Women’s Health qui a démantelé le droit à l’avortement. Ils reprennent aussi les opinions de juges comme Samuel Alito et Clarence Thomas, qui ont déjà laissé entendre qu’ils étaient prêts à revoir Obergefell.
Pour William Powell, avocat d’Ermold et Moore, la démarche de Davis n’a toutefois peu de chance d’aller très loin pour le moment : « Aucun juge de la Cour d’appel des États-Unis n’a montré le moindre intérêt pour sa demande, et nous sommes confiants que la Cour suprême jugera également que ses arguments ne méritent pas plus d’attention », a-t-il déclaré à ABC News.