C’est le coup de foudre absolu entre la narratrice et Pauline. La chimie est immédiate et ne fait que s’accentuer au fil des voyages que les deux femmes entreprennent. Jusqu’au moment où, au détour d’un séjour ensoleillé, l’impensable éclate alors que Pauline se révèle atteinte d’un cancer agressif !
Qu’à cela ne tienne ! Elles sont prêtes à fourbir leurs armes et à terrasser cet ennemi invisible. Débute alors une longue marche au cœur d’un roman qui adopte non pas le point de vue de celle qui subit les affres du cancer, mais de celle qui l’accompagne.
C’est ainsi qu’on assiste, à travers le regard de l’autre, à la dégénérescence du corps et de l’esprit de Pauline, fluctuant au rythme des diagnostics et des traitements. Cette structure narrative permet également d’explorer les vacillements de la narratrice : l’épuisement et l’impuissance rongent lentement ses sentiments, malgré toute l’énergie qu’elle consacre à les maintenir tels qu’ils étaient aux premiers jours.
Avec un sujet aussi noir, on pourrait s’attendre à un récit qui verse dans le mélodrame, mais ce n’est pourtant jamais le cas puisque l’écriture adopte un ton presque clinique, voire cru ou brutal. Face à cette chronique d’une mort annoncée, Rebeka Warrior ne s’embarrasse pas d’ornementer la réalité, mais bien de la présenter dans toute son impitoyable banalité. Paradoxalement peut-être, c’est ce qui infuse au texte une force et une beauté troublantes.
« La vraie torture c’est d’aller chaque jour plus mal. Et d’être surprise de voir qu’on peut aller encore un poil plus mal le lendemain. » Loin de se présenter comme une grande bienfaitrice, la narratrice met également de l’avant ses propres disgrâces, notamment lorsqu’elle observe la distance qui se crée peu à peu avec Pauline et la tentation de goûter à d’autres femmes. « Elle était assez cynique, un peu bourgeoise et très smart. Je sus tout de suite qu’elle était un danger. Mon type de danger. »
Rebeka Warrior est une musicienne d’électroclash (les groupes Sexy Sushi, Mansfield.TYA et Kompromat). Certains reconnaîtront également en elle l’une des participantes au défi makeover de l’émission Drag Race France All-Star. Son premier roman se révèle un véritable coup de poing qui marque l’esprit tant par la force du récit que par une écriture puissante et libératrice. « Elle m’avait dit : je n’ai pas peur de mourir, j’ai peur de ne plus vivre. ».
Disponible en librairie dès le 17 septembre 2025.
INFOS | Toutes les vies / Rebeka Warrior. Paris : Stock, 2025, 278 p..