La République dominicaine a franchi une étape inédite dans la région caraïbe en annulant les dispositions qui interdisaient les relations entre personnes de même sexe au sein de la Police nationale et des Forces armées. Dans une décision rendue le 19 novembre, le Tribunal constitutionnel a jugé inconstitutionnels les articles des anciens codes de justice qui assimilaient ces relations à de la « sodomie » passible de peines pouvant aller jusqu’à deux ans de prison.
Le tribunal a estimé que ces dispositions portaient atteinte à plusieurs droits garantis par la Constitution, notamment le respect de la vie privée, le libre développement de la personnalité, l’égalité devant la loi et l’accès à l’emploi. Pour les juges, aucune exigence de discipline ou de fonctionnement interne ne justifie de sanctionner la vie intime des agents de l’État. Ils rappellent que les institutions publiques sont tenues de traiter « de manière digne et égale » toutes les personnes souhaitant servir sous uniforme.
Longtemps dénoncées par les organisations de défense des droits humains, ces règles étaient restées en vigueur dans un pays où les forces de sécurité jouissent d’un cadre juridique hérité d’époques répressives. Elles avaient alimenté un climat de peur au sein des policiers et militaires LGBT, contraints de dissimuler leur orientation sexuelle sous peine de sanctions immédiates et de perte de revenu. Plusieurs affaires récentes avaient illustré cette vulnérabilité, notamment le renvoi d’un sergent dont une vidéo intime avait circulé en 2019.
La décision du Tribunal est saluée comme une avancée majeure par les organisations locales et internationales. Human Rights Watch, qui soutenait le recours, estime que cette abrogation met fin à une forme de discrimination institutionnalisée incompatible avec les engagements internationaux du pays.
La République dominicaine rejoint ainsi un mouvement régional où plusieurs États, dont le Pérou, l’Équateur ou encore les États-Unis, ont renoncé ces dernières années à criminaliser les comportements homosexuels dans leurs forces armées. Cette avancée intervient toutefois dans un contexte politique et social encore marqué par le conservatisme. Majoritairement catholique et fortement influencé par les Églises évangéliques, le pays ne reconnaît ni le mariage ni les unions civiles entre personnes de même sexe.
Les associations locales continuent de signaler des discriminations fréquentes, y compris dans l’accès à la santé, à l’éducation ou à la justice. Certains responsables religieux ont d’ailleurs critiqué la décision du Tribunal, l’accusant de saper les « valeurs morales » traditionnelles.
Cet arrêt constitue toutefois un signal essentiel car l’État ne peut plus désormais légitimer la répression de la vie privée en invoquant la moralité. Il pourrait aussi servir de base à de futurs recours visant d’autres discriminations persistantes.

