Dimanche, 9 novembre 2025
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    C’est quoi, un twink? Petite histoire d’un mot-clé de la culture gaie

    Qu’est-ce qu’un twink exactement? Est-ce un état d’être, une esthétique, un cliché? Peut-on être twink quand on n’est pas un homme cisgenre, ou quand on n’est pas blanc? Et surtout — pourquoi parle-t-on aujourd’hui de « mort du twink »?

    Un débat autour du mot twink a enflammé la toile après la sortie du vidéoclip Rush de Troye Sivan, peuplé de corps jeunes, effilés et torses nus. Mais le terme twink n’est pas né hier.

    De Justin dans Queer As Folk à Kurt Hummel dans Glee, en passant par Timothée Chalamet, Joe Locke ou encore Sivan lui-même, l’archétype du jeune homme gai, mince et androgyne imprègne depuis longtemps l’imaginaire queer.

    Le twink, une figure emblématique 
    Dans sa définition la plus simple, le mot twink désigne un jeune homme gai — ou perçu comme tel — mince, imberbe et souvent efféminé. En général, il se situe à la fin de l’adolescence ou au début de la vingtaine (même si les elder twinksexistent bel et bien). Son allure est juvénile, son visage doux, parfois angélique, et dans la culture populaire, il est souvent… blanc et blond.

    Mais comme toute étiquette queer, le terme s’est élargi. Aujourd’hui, on parle aussi de twinks pour décrire des personnes non binaires, trans ou lesbiennes qui adoptent cette esthétique androgyne et gracile — pensez à Shane McCutcheon dans The L Word.

    Le mot circule depuis des décennies dans les communautés gaies, au même titre que bearotter ou daddy. On le retrouve dans les blagues, les bars, sur les applis de rencontres et jusque dans les médias.

    D’où vient le mot twink? L’Oxford English Dictionary fait remonter son usage au début des années 1950, mais ses origines précises restent floues. Certains linguistes y voient un dérivé de twank, argot britannique du XIXᵉsiècle désignant un homme gai ou un travailleur du sexe; d’autres évoquent twinkletoes, expression moqueuse utilisée au début du XXᵉ pour parler des hommes efféminés.

    La théorie la plus populaire — quoique peu solide — veut que twink vienne du gâteau industriel Twinkie, à la crème au centre et sans substance : sucré, blond et vide. Une métaphore un peu cruelle, mais révélatrice du regard ambivalent porté sur le twink au sein même de la culture gaie.

    Dans les années 1990 et 2000, le mot explose avec la montée de séries comme Queer As Folk ou Will & Grace. Les twinks deviennent alors l’image dominante de la jeunesse gaie — séduisante, efféminée, désirable, mais souvent perçue comme superficielle.

    Beauté, privilège et exclusion
    Cette visibilité n’est pas sans enjeux. L’archétype du twink a souvent été associé à une esthétique eurocentrée et grossophobe, où le corps mince, blanc et musclé règne sans partage. En 2008, une étude analysant les magazines gais des années 1990 révélait que 97 % des modèles représentés étaient blancs, 94 % avaient une apparence juvénile et 73 % affichaient peu ou pas de masse grasse. Le message était clair : le twink incarnait l’idéal gay dominant — au détriment de la diversité corporelle, raciale et de genre. C’est d’ailleurs ce reproche qu’a essuyé Troye Sivan après la sortie de Rush. Plusieurs internautes ont dénoncé l’absence totale de corps gros ou racisés dans son clip, symbole d’une visibilité gaieencore trop homogène.

    Cette critique s’inscrit dans un débat plus large sur la représentation queer, ravivé en 2017 par le mot-clic #GayMediaSoWhite, qui accusait les médias gais d’invisibiliser les artistes et journalistes racisés au profit de visages blancs et minces.

    De l’âge d’or à la « mort du twink »
    En 2018, un article du T Magazine annonçait l’avènement de « l’âge du twink », en référence au succès de Chalamet et à la montée d’un idéal de masculinité plus fluide. Mais la prophétie n’a pas fait l’unanimité. Beaucoup y ont vu un éloge de la blancheur et de la maigreur, dissimulé sous des airs de célébration queer. Depuis, les réseaux sociaux ont inventé son pendant ironique : la « mort du twink », symbolisée par les photos comparatives de Leonardo DiCaprio, version Titanic versus version 2023. Derrière l’humour, une vraie question : que devient le twink quand il vieillit, prend du poids, ou sort du cadre de la désirabilité gay standardisée?

    Peut-on dire twink? Et est-ce un terme péjoratif?
    Dans la communauté LGBTQ+, le mot est généralement utilisé avec humour ou affection. Mais, comme l’a rappelé Troye Sivan, il n’est pas neutre, surtout lorsqu’il vient de personnes hétéros : « Si vous dites twink alors que vous vouliez dire tapette, ça reste une insulte », a-t-il expliqué. « C’est notre mot. Je ne pense pas que les hétéros devraient l’utiliser. » Autrement dit : twink n’est pas une injure, mais son usage reste contextuel. Entre personnes queer, il peut être un clin d’œil complice ou une étiquette culturelle; dans la bouche d’un·e outsider, il peut rapidement virer à la moquerie.

    Le twink, miroir d’une culture
    Derrière l’esthétique du twink se cache une tension bien réelle : celle entre la célébration de la jeunesse queer et la critique des standards de beauté qui traversent nos communautés. Car au fond, le twink n’est pas qu’un corps : c’est une idée — celle d’un monde gay en quête de désir, de reconnaissance et d’appartenance. Un miroir où se reflètent à la fois l’émancipation et les limites de la culture queer contemporaine.

    Alors, l’âge du twink est-il vraiment terminé? Peut-être pas. Mais il est temps que ses représentations grandissent avec nous : plus diverses, plus inclusives, et surtout, un peu moins lustrées.

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