Jeudi, 28 mars 2024
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    Séroconvertir : une question de vulnérabilité individuelle et sociale?

    Du mois d’octobre 1996 à février 2001, 17 participants d’Oméga ont contracté le VIH et ce, à l’un ou l’autre des 9 temps d’observations considérés. De manière à mieux comprendre comment et dans quels contextes ces hommes se sont infectés, au-delà de la simple identification de leurs conduites à risque, leur petite histoire a, en quelque sorte, été reconstituée. La comparaison d’une histoire à l’autre nous laissent croire que chacune des séroconversions a sa propre trajectoire et qu’il est extrêmement difficile de dresser de grandes lignes communes donnant un profil-type du séroconvertisseur. En fait, seul le sexe anal non protégé, principal facteur expliquant la séroconversion, relie la plupart de ces hommes. Malgré tout, certaines caractéristiques touchent plusieurs d’entre eux et définissent ce que l’on pourrait appeler des zones de vulnérabilité individuelle et sociale prédisposant à la séroconversion. 

    Une santé psychologique et physique plus précaire
    Sur le plan de la santé, plusieurs des hommes qui se sont infectés, semblaient avoir des habitudes de vie plus ou moins saines (tabac, alimentation, activité physique et gestion du stress) et ont connu des hauts et des bas sur le plan émotif de façon régulière depuis leur entrée dans la Cohorte. Un état dépressif pourrait caractériser un faible nombre d’entre eux, particulièrement dans les six mois ayant précédé leur séroconversion. Par contre, aucun d’entre eux n’avait fait une tentative de suicide par le passé alors que dans l’ensemble de l’échantillon, cette expérience fût rapportée par environ 1 participant sur 4. Le même constat peut-être fait en ce qui concerne les expériences sexuelles sans consentement vécues. Les hommes ayant séroconverti ne semblent pas avoir davantage été victimes de ce type d’événements abusifs par le passé. Dans les six mois ayant précédé leur séroconversion, ces hommes estiment malgré tout que leur état de santé était relativement bon, mais dans une moindre mesure qu’habituellement. De plus, ils avaient, pour la grande majorité, consulté leur médecin pendant cette période. Ces hommes ont d’ailleurs l’habitude de visiter leur médecin de façon régulière.

    Un quotidien marqué par l’instabilité
    Un point d’importance qui semble avoir touché la plupart des séroconvertisseurs, c’est l’instabilité vécue depuis leur entrée dans la Cohorte et particulièrement, dans les six mois avant de séroconvertir. Nombreux sont-ils à avoir déménagé ou changé d’occupation, ces deux types de changement étant souvent concomitants. De plus, leur niveau de préoccupations quotidiennes semblait systématiquement plus élevé que celui des autres participants. Les six mois marquant la séroconversion étaient davantage empreints de problèmes d’argent et d’incertitude face à l’avenir ainsi que de problèmes d’ordre relationnel et affectif. Dans l’ensemble, ces hommes ont obtenu un soutien social moindre de la part de leur famille et de leur réseau d’amis. Leur engagement social gai était aussi plus discret.

    Une place centrale accordée au sexe anal
    Puisque le principal facteur de risque est le fait d’avoir eu des relations anales non protégées, il n’est pas surprenant d’observer que ces hommes ont un rapport bien particulier au sexe anal. Ils le pratiquaient de façon régulière, que ce soit avec des réguliers hors couple ou des occasionnels et ils valorisaient cette conduite dans l’ensemble de leurs scénarios sexuels. Plus que les autres participants, ils accordaient au sexe anal les significations suivantes : le sexe anal est la jouissance ultime, le plaisir des plaisirs; un acte ou jeu de domination et de pouvoir; une faveur, un privilège.

    Accepter l’idée d’être un jour infecté et avoir du mal à négocier le condom
    Ces hommes entretenaient aussi un rapport au VIH-sida et au sexe sécuritaire cohérent avec leurs pratiques. Dans les faits, plus que les autres participants, les hommes ayant séroconverti, estimaient qu’il était probable qu’un jour ils soient infectés par le virus du sida. Leur attitude à l’égard de l’usage du condom était moins favorable, surtout parce qu’ils percevaient le condom comme une interférence à l’érotisme. De plus, ils ont eu plus de mal que les autres à prendre l’initiative pour que la relation reste sécuritaire et à utiliser des stratégies de communication verbale ou non verbale pour persuader l’autre d’utiliser le condom, à gérer l’usage du condom dans le contexte de situations hautement émotives (désir, excitation sexuelle, etc.) ou lorsqu’ils étaient sous l’influence de drogues et d’alcool.


    L’histoire de chacun des séroconvertisseurs est la combinaison de quelques-uns de ces éléments, chaque combinaison étant en quelque sorte unique, mais ayant une issue commune : la séroconversion. Le défi pour la prévention est maintenant de devoir tenir compte de toutes ces spécificités et d’inclure dans ses stratégies, la question des vulnérabilités individuelle et sociale à l’infection au VIH .

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