Si les personnes vivant avec le VIH/sida (PVVIH) vivent maintenant mieux grâce aux traitements de multithérapies, leurs problèmes ne se sont pas volatilisés pour autant. En plus d’endurer les effets secondaires qu’entraînent les médicaments, ces personnes doivent souvent composer avec la discrimination et cacher leur état à leur employeur ou à des assureurs éventuels. C’est pourquoi le Réseau juridique canadien VIH/sida, avec plusieurs partenaires, lançait récemment une campagne de sensibilisation et d’information.
Or, le 26 janvier dernier, leur conférence de presse n’attirait que quelques journalistes au siège social de la COCQ-Sida à Montréal. C’était pourtant le lancement pancanadien de la campagne intitulée Plan pour le Canada afin de réduire le stigmate et la discrimination liés au VIH/sida. Mais de quoi s’agit-il au juste? Sous ce titre un peu ronflant se cache une réalité trop présente dans notre société nord-américaine : la discrimination à l’égard des PVVIH.
Fruit d’une large consultation auprès de gens de partout au Canada (des hommes, des femmes, des gais, des autochtones, des utilisateurs de drogues injectables, des transgenres, des travailleurs et travailleuses du sexe, etc.), un volumineux rapport du Réseau juridique a donné lieu à cette campagne pour faire tomber les préjugés, mais aussi pour s’assurer que les PVVIH puissent avoir accès aux soins et aux services de qualité dont ils ont besoin.
En plus des assureurs, qui ne veulent souvent pas payer des médicaments dont la facture atteint plus de 15 000 $ annuellement, on cite, entre autres, la politique du dépistage avant l’embauche. «L’an dernier, il y a eu l’affaire des candidats à la prêtrise de l’archevêché de Montréal, mais il y a aussi les candidats à la police de Montréal. Au début, les policiers sont en probation. Si quelqu’un devient séropositif alors qu’il est en probation, il sera sûrement remercié, mais cela ne sera pas dit comme tel», souligne David Williams, président du CPAVIH (Comité des personnes atteintes du VIH du Québec). M. Williams parle aussi de dentistes qui, de manière subtile, vont refuser de soigner une PVVIH en indiquant que «c’est une intervention compliquée et [qu’il] faudrait voir ailleurs, chez un chirurgien». La discrimination est donc multiple.
Essentiellement, ce qui se dégage de cette vaste enquête, c’est un plan d’action en 18 points. Bien entendu, en tête de liste, on retrouve la participation accrue des PVVIH dans le processus décisionnel quant à des programmes, services ou autres aspects les concernant directement; viennent ensuite la sensibilisation et l’éducation auprès des médias, l’éducation communautaire ciblée aux clientèles plus à risques, la protection des gens au travail, de même que l’accroissement de l’accès à l’information juridique et à des conseils en la matière. Bref, il s’agit de rendre le système d’aide juridique plus accessible aux PVVIH pour qu’elles puissent défendre leurs droits et, parallèlement, de faire en sorte que les commissions des droits de la personne du pays soient mieux outillées et financées pour intervenir efficacement. «La COCQ-Sida saisit fréquemment la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour qu’elle enquête sur certains cas de discrimination au Québec. Tout en travaillant en amont pour changer les mentalités, nous allons continuer notre travail de dénonciation pour que cessent les atteintes aux droits fondamentaux des personnes vivant avec le VIH/sida et celles qui sont à risque de le contracter. Le plan d’action [du Réseau juridique] est un outil qui nous aidera dans ce travail de plaidoirie», explique Ken Monteith, le président de la COCQ-Sida.
La COCQ-Sida, le CPAVIH et le Réseau juridique insistent sur le fait qu’il faut investir d’importantes ressources pour provoquer un changement des attitudes publiques à l’égard du VIH/sida; on veut également que les commissions provinciales des droits de la personne bénéficient de plus de moyens. Ces organismes s’adressent donc prioritairement aux gouvernements fédéral et provinciaux. Sauf que ces organismes sont conscients qu’il n’y a pas plus d’argent pour mettre en œuvre ce plan. «Nous lions à cette campagne une augmentation des fonds. On projette que, d’ici 2010, il y faudra 80 M$ de fonds fédéraux par an pour lutter contre le sida. Mais le dossier légal et éthique reste pour l’instant stagnant et sans argent. […] Ce qu’il faut, c’est une augmentation du budget…», indique Joanne Csete, directrice générale du Réseau juridique. «On n’a pas d’indication des gouvernements s’ils vont agir ou pas. C’est une lacune des gouvernements, qui négligent de défendre les droits de tous leurs citoyens», d’ajouter M. Monteith.
Mais, justement, pour faire bouger les choses, le Réseau juridique et ses partenaires invitent la population à prendre part à une campagne d’envoi de cartes postales enjoignant le premier ministre Paul Martin à agir et à débloquer des fonds, pour les séropositifs d’ici et d’ailleurs dans le monde.
Info : www.aidslaw.ca ou 1-877-999-7740 ou (514) 844-2477 ou [email protected]