Un philosophe a dit un jour : «Il faut savoir si l’on vieillit ou si l’on avance en âge. C’est ce qui différencie la sénilité… de la sérénité! » Cette pensée amène une question : à quel moment de sa vie se sent-on moins jeune, voire plus vieux? Et, quand on y répond, comment envisager alors l’«à venir…»?
L’effet «plus-vieux» doit rester un phénomène… météorologique si on veut garder son esprit ouvert. Même si le corps rappelle qu’il a l’âge de nos artères, l’esprit, lui, n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. L’évolution sociale et culturelle, la multiplication des médiums ont amené un élargissement de la notion du temps. L’avancée de la science autorise aujourd’hui la première génération d’aînés qui vivent plus vieux et en meilleure santé.
On vieillit moins vite et la demande sociale prolonge la jeunesse.
«J’ai eu 40 ans cette année. Si ce n’est plus jeune, ce n’est pas vieux!» explique Jean Paré, éditeur. «J’ai encore de belles années de plaisir devant moi. C’est une question d’état d’esprit, bien sûr, mais aussi de maintien physique», complète celui qui roule 1000 km par an à vélo et qui envisage sereinement sa propre vieillesse.
«Physiquement, je ne me sens pas vieux», insiste Renaud Paré, 67 ans, retraité de la coopération internationale et fondateur de l’ARC (Aînés et Retraités de la Communauté). « Je nage 1 km trois fois par semaine et je marche avec mon groupe de l’ARC. Je fais plus de vélo et je suis meilleur aujourd’hui qu’à 40 ans!»
L’importance de l’activité physique
L’activité physique est ce qui se rapproche le plus de la fontaine de Jouvence! », signale une gérontologue de l’Université Harvard, Anne Fabiny. Dans son document Living Better, Living Longer, accessible sur le site Web de l’Université, elle affirme, recherches à l’appui, que l’activité physique diminue les risques d’être affecté par plusieurs maladies : diabète, cancers, maladie d’Alzheimer, maladies cardiovasculaires, ostéoporose, dépression. Elle maintient les os en santé, aide à conserver la vitalité et l’indépendance jusqu’à un âge avancé et améliore l’humeur et le fonctionnement mental. L’activité physique est si bénéfique qu’elle peut contrecarrer, jusqu’à un certain point, les effets négatifs de certains facteurs de risque de troubles cardiovasculaires comme un haut taux de cholestérol sanguin ou l’hypertension.
À l’inverse, la sédentarité augmente les risques de maladies, comme le révèle une recherche récente menée auprès de 50 000 infirmières pendant six ans: plus ces personnes passaient d’heures par jour devant la télévision, plus la fréquence de diabète de type 2 augmentait.
Rappelons qu’il y a toutes sortes de façon d’être en mouvement : le sport, choisi pour ses qualités ludiques ou compétitives; l’entraînement, qui peut se faire sur des appareils (il faut alors être bien guidé), ou par des pratiques comme le yoga, le pilates, la gymnastique, le Tai Chi, etc.; la danse; l’activité quotidienne, comme marcher, monter et descendre les escaliers, jardiner (particulièrement bienfaiteur), faire le ménage et les courses, jouer avec le chien, etc.
Une activité physique régulière, bien appropriée à son âge et à sa condition physique, permet aussi de réduire considérablement des problèmes qui, sans être graves, peuvent beaucoup nuire à la qualité de vie : tendinite, ankylose, perte d’amplitude articulaire, douleurs, manque de force ou de souffle, lésions attribuables au travail répétitif, etc.
Ne pas ressentir son âge
«Je me sens plus jeune aujourd’hui qu’à 25 ans, affirme Noël Saint-Pierre, 50 ans, avocat. C’est une question d’attitude face à la vie. Je me sens bien dans ma peau. J’ai fait des choix et je vis bien avec. À 25 ans, je n’étais pas sûr de faire les bons. Je m’accepte mieux aujourd’hui après avoir réussi un certain nombre de choses. Je ne me sens plus devant un vide.»
Selon Steve Foster, 44 ans, président du CQGL (Conseil Québécois des Gais et Lesbiennes), «être vieux, c’est refuser le mouvement en se retirant du monde, s’exclure soi-même de son environnement… »
« Je me sentais vieux à 15 ans et le cap des 50 ans fut très dur», rétorque Jean Boisvert, 67 ans, retraité de l’enseignement et béné-vole pour une ligne d’écoute. « Or, à 60 ans, la retraite m’a libéré des fortes obligations du travail. J’ai retrouvé du dynamisme et une plus grande sérénité. Et je me suis inscrit, pour la première fois de ma vie, dans une association… ou je rencontre des gens plus vieux que moi! »
«Si j’oublie mon corps, je suis encore dans la vingtaine, calcule Laurent McCutcheon, 66 ans, retraité de la fonction publique. Dans la tête, quand on est actif, on ne vieillit pas. En prenant ma retraite, j’ai arrêté ma vie professionnelle, pas ma vie active. Je me suis donc engagé à temps plein dans mon bénévolat.»
«En arrivant à la retraite, je ne voulais pas rester sans rien faire », reprend Renaud Paré. Mais il fallait trouver une autre manière de vivre cette autre période de vie. J’ai donc fondé l’ARC.»
Refus de l’âge ou évolution du rapport au présent?
«Je n’ai jamais eu peur de vieillir, dit Noël Saint-Pierre. J’ai des cheveux blancs et je ne cherche pas à nier les marques du temps avec des crèmes et des colorations. Je n’ai pas peur d’avoir l’apparence de mon âge. Je ne crains pas les rides, même pour draguer.»
«On reste en forme, physiquement et esthétiquement, plus longtemps», pense mon collègue Denis-Daniel Boullé. «Mais cette approche de notre temps de vie et de jeunesse qui s’allonge nécessite des aménagements du rythme de vie et de notre vision du monde.»
«Au même âge, la génération précédente était physiquement épuisée et maganée. Cette génération a refusé l’évolution et a épousé le modèle de ses parents», explique Laurent McCutcheon.
«Vieillir aujourd’hui s’éloigne du modèle précédent où l’on vivait dans le passé», reprend Noël. «De nos jours, vieillir, c’est vivre dans le présent enrichi du vécu et des acquis. On a plus de capacités intellectuelles qu’autrefois, une adaptabilité plus rapide. Comment aborde-t-on sa profession, par exemple? J’ai fait des erreurs et j’apprends encore, mais j’ai maintenant un rôle de mentor qui me permet de rester dans le concret. Il ne faut pas vivre sur ses lauriers…»
«J’ai mon âge et j’aime mes rides, ajoute Jean Boisvert. Je suis très heureux de vieillir. On se connaît mieux, on devient plus complet. Même vieux, je voudrais encore changer le monde.»
«Les aînés ont un devoir intellectuel et moral de revoir le monde à la lumière de l’actualité. Il faut toujours se remettre en question, se réadapter», complète Laurent.
«La vie continue, insiste Renaud. On peut vivre comme avant en adaptant notre style de vie. On est juste plus attentif à notre corps…» Faut-il donc changer notre regard sur le passage du temps? Si la jeunesse n’est pas l’âge de tous les possibles, mais celui de toutes les expériences, la maturité devient alors une nouvelle proposition de vie pour profiter de ses propres choix.
Vieillir, une nouvelle façon de vivre?
Sauf que pour l’envisager sereinement, ce nouvel âge demande qu’on s’y prépare. Chacun insiste sur l’activité physique nécessaire au maintien du corps pour la forme comme pour le plaisir, car tous annoncent une vie sexuelle épanouie. L’autre grand point concerne les finances.
Et les plans épargnes deviennent avec l’âge un incontournable. «Préparer un fond de retraite dès que possible, c’est une vraie question!» insiste Noël Saint-Pierre. Toutefois, tous s’accordent sur l’importance du réseau d’amis, ce que les gais appellent la famille choisie. «Avec cette génération de baby-boomers sortis du placard se dessine un nouveau modèle de réseau social, explique Noël. Le modèle hétéro se destinait aux enfants et petits-enfants. Les gais eux ne peuvent compter que sur leur réseau social pour appréhender la vieillesse. Il faut s’occuper de ses amis, sa famille reconstituée, pour ne pas tomber dans le piège de la solitude qui guette les gais.»
«Il faut investir dans l’amitié, reprend Renaud Paré. Les regroupements permettent une vie sociale qu’il faut exploiter et nourrir pour les années qui suivent.» La lutte contre les préjugés et l’évolution de la société à propos de l’homophobie devraient peu à peu permettre aux jeunes gais de conserver un réseau familial que leurs aînés ont souvent perdu en sortant du placard.
«Chaque âge a ses plaisirs», parait-il. Ajoutons qu’il a aussi … ses réalités! Reconnaître cela permet de mieux prendre conscience des multiples possibilités proposées à chaque étape. Quand la première partie de la vie achève ses priorités et ses possibilités, la seconde en propose de nouvelles…
— avec la collaboration d’Étienne Dutil