L’existence de Vincent évolue au rythme lancinant et lassant d’une valse à trois temps : un mariage avec une épouse pour laquelle il ne ressent maintenant qu’indifférence ou agacement, un fils de quatre ans qu’il ne connaît qu’à peine et un emploi dans lequel il a englouti la quasi-totalité de son existence.
Un travail qui, par ailleurs, s’enfonce progressivement dans les marasmes d’une faillite lamentable.
L’évolution du personnage se dresse en parallèle de cet axe fondamental qu’est un sentiment d’échec personnel qui se module tant au niveau professionnel, que marital ou parental. C’est dans le cadre d’un voyage d’affaires en Grèce qu’il rencontre, l’espace d’une nuit décisive, un jeune homme prénommé Théo.
À sa grande surprise, le désir pour le corps d’un autre homme naît en lui et le conduit à plonger dans les bras de ce dernier. Une simple erreur de parcours se dit-il le lendemain, mais telles les traces de morsures dont son corps porte les cicatrices, il ne peut bientôt plus échapper au souvenir de cet autre qui s’est imprimé en lui.
Théo qui éveille un chapelet d’émotions auxquelles il n’avait jamais vraiment cru sonne le glas d’une étape de sa vie et la naissance d’une autre. Mais son amant semble cacher un jeu de manipulations dans lequel il se sent bientôt piégé. Théo se révèle plus trouble qu’il n’y paraît à première vue puisque ses motivations en cachent d’autres, plus obscures et lumineuses, à la fois, mais qui ne se révéleront que sept ans plus tard.
Un roman complexe et touffu qui offre un riche développement de la psychologie des personnages et ne verse pas dans les clichés scénaristiques habituels. L’auteur manipule avec adresse les doubles discours, à la fois entre ce qui est verbalisé et la motivation réelle des personnages de même qu’en regard de la perception que chacun a d’une même action.
Ce procédé offre une vision à la fois éclatée et nuancée d’un même événement et, parfois même, certains moments plutôt cocasses (je pense notamment au passage se déroulant chez une psychologue).
Un très beau récit qui navigue habilement entre le drame, la sensualité et un certain lyrisme tout en conservant une part de mystère.
La nuit grecque / Pierre Vens. Paris : Albin Michel, 2014. 294.