Jeudi, 25 avril 2024
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    Un geste politique touchant

    Pride, qui raconte le rapprochement improbable mais bien réel d’un groupe d’activistes homosexuels londoniens et de mineurs en grève au Royaume-Uni, dans les années 1980, sera sur les écrans le lendemain de la sortie du magazine. Pur moment de bonheur avec beaucoup d’émotions et de fous rires, c’est aussi un grand film sur l’action politique.

    Il  y a 30 ans…

    Alors qu’il est devenu limpide pour tout le monde que Margaret Thatcher a adopté la stratégie de la famine pour briser la grève des mineurs, une poignée de jeunes militants gais de Londres décident de venir en aide aux mineurs, mettant leur fougue et leur savoir-faire au service d’autres exclus. De collectes modestes au coin des rues en opérations de grande envergure — dont un concert avec le groupe Bronski Beat au sommet de sa gloire —, les choses prennent suffisamment d’ampleur pour que sonne l’heure des présentations entre les très exubérants et décomplexés militants gais et les ouvriers, au départ pas très ouverts question LGBT. 

    Comme on peut s’en douter, dans ce vibrant appel à la fraternité, les premiers échanges sont tendus entre les deux communautés mais, grâce à la bonne volonté de certains — ou plutôt de certaines puisque les femmes sont souvent, en la matière, très majoritairement moins connes que les hommes —, une certaine complicité s’installe. 

    Quelque part entre La Grande séduction et Priscilla, folle du désert, et avec un sens aigu de l’efficacité, Pride construit une belle alternance entre moments de pure comédie et rappel plus grave des enjeux sociaux de l’époque.

    D’un côté, le film joue toute la gamme de l’exotisme culturel, faisant débouler l’excentricité dans un océan de banalité tristounette, s’appuyant sur quelques grands numéros, véritables scènes d’anthologie. De l’autre, Pride n’oublie pas grand-chose des tourments liés à la revendication de l’homosexualité, depuis le rejet parental jusqu’à l’agression gratuite, en passant par l’exclusion sociale, les injures dans les journaux, sans oublier l’horrible confirmation que le sida tourne à l’hécatombe.

    Pride c’est cela, l’histoire de gens, le récit de tranches de vies, de mineurs dans la difficulté, de gais qui veulent être écoutés. C’est la chronique d’une relation qui évolue de l’appréhension à une amitié. C’est aussi l’histoire d’échecs accumulés pendant un an, mais c’est l’histoire de ceux qui se relèvent, de ceux qui se battent, de ceux qui ont l’audace d’espérer qu’un jour le cours de l’Histoire pourrait changer. 

    À l’heure de l’Internet où «le groupe» devient une réalité virtuelle, Pride nous montre comment quelques gens se sont regroupés pour une action et sont devenus une force. C’est un beau film dans un contexte de crise car il appelle à se serrer les coudes.  C’est une œuvre qui fait réfléchir sur le collectif et le vivre ensemble. Cela dit, ce n’est pas un film nostalgique pour autant, mais un bel objet qui nous aide et qui nous fait avancer. La défaite politique n’est pas une raison pour abandonner, c’est l’un des messages du film. Derrière les échecs, on peut parfois trouver une forme de victoire qui donne de l’espoir.

    Oui, Pride est un film touchant et beau, car il livre un message puissant. Et puis Pride est émouvant car son message est porté par une bande d’acteurs exceptionnels qui livrent une image de communauté, de solidarité. Tout ce qui se passe dans le film est politique dans un sens, même si on peut penser que ça ne l’est pas. Il faut se rappeler de ce qu’est vraiment la politique. Ce n’est pas ce que l’on voit tous les jours. Ce n’est pas la corruption d’une minorité ou la langue de bois d’autres. La politique, dans le vrai sens du terme, ce sont des gens qui échangent entre eux, tentant de rendre la vie meilleure. La politique sans la vie humaine, ça n’a pas de sens. La vie humaine sans la vie politique, ça n’a pas de sens non plus. 

    Le geste le plus politique du film, c’est quand le personnage de Cliff va frapper à la porte de sa belle-sœur pout tenter de la convaincre d’aller à la rencontre de ces gens parce que c’est en faisant connaissance avec eux qu’on est susceptible de changer d’avis. Elle reste devant sa porte à parler avec son beau-frère, un homme qu’elle respecte qui lui parle de respect. On voit sur son visage qu’elle hésite, mais l’intervention de quelqu’un dans la rue la pousse à refuser l’invitation. 

    On pourra évidemment faire la fine bouche sur les grosses ficelles du film, entre bons mots systématiques et avertissements sonores à base d’instruments à cordes pour signifier qu’il est temps de sortir le paquet de Kleenex. En cela, Pride assume aussi et totalement son identité.

    Ce qui peut leur faire défaut en termes de modernité cinématographique, le réalisateur Matthew Warchus et le scénariste Stephen Beresford le rattrapent avec un sujet finalement très actuel, où les luttes des uns rejoignent les combats des autres. On ne fait pas de bons films qu’avec de bons sentiments, mais le cœur gros comme ça de Pride pèse dans la balance. Même en dépeignant des désillusions à venir et des lendemains qui ne chanteront plus du tout, Matthew Warchus insuffle une énergie positive dans ce feel-good-movie au moteur tragicomique très efficace. 

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