Depuis le lancement de son blogue Le nutritionniste urbain en 2014, Bernard Lavallée a publié deux livres qui ont connu un énorme succès, il est devenu chroniqueur à Énergie, à l’émission Les éclaireurs, au magazine Ricardo et dans La Presse, en plus d’être courtisé pour des projets télé. Pourtant, sa passion pour la nutrition est encore toute jeune.
Qu’est-ce qui t’a poussé vers la nutrition?
J’ai d’abord eu un intérêt particulier pour la science. J’ai toujours été le petit gars qui retournait les roches pour observer les insectes en dessous et qui faisait des expériences. Au cégep, j’ai suivi un cours sur les saines habitudes de vie, et c’est là que j’ai découvert que des scientifiques s’intéressaient aux aliments qu’on mangeait et à leurs impacts sur notre santé. Je ne savais même pas que la nutrition existait avant ça.
Tu as ensuite fait un bac en nutrition à l’Université de Montréal et une maîtrise sur les comportements alimentaires des hommes gais. Pourquoi ce sujet?
À la fin du bac, on a suivi un cours sur l’aspect psychologique de l’alimentation et j’ai voulu comprendre pourquoi les gens choisissent tel aliment plutôt que d’autres. En général, il existe des modèles de recherche pour savoir ce qui influence notre alimentation, mais au moment où j’ai fait ma maîtrise, il n’y avait pas grand-chose sur l’influence de l’orientation sexuelle sur ce
qu’on mange. J’ai donc pris le modèle théorique pour un homme hétéro et vérifié s’il correspondait aux réponses des gais de 18 à 25 ans que j’ai interviewés.
Qu’as-tu relevé?
L’apparence corporelle influençait beaucoup leurs choix alimentaires, ce qui n’était pas présent dans le modèle des hommes hétérosexuels. Certains affirmaient qu’ils buvaient des shakes de protéines pour avoir plus de muscles, d’autres ne mangeaient pas de poutine afin de ne pas prendre de poids et certains disaient «Je suis beau et mince, donc je n’ai pas besoin de changer mon alimentation».
Je leur demandais aussi s’ils croyaient manger comme un gars hétéro, pour faire ressortir les stéréotypes de genre. Et j’ai observé que certains stéréotypes typiquement féminins les dérangeaient moins, probablement parce qu’ils sont gais.
C’est d’ailleurs durant cette période-là que tu as commencé tes interventions dans les médias.
Oui, je trouvais ça plate de faire des recherches sans les partager, alors j’ai lancé mon premier blogue bilingue Gay nutrition. J’ai commencé à être interviewé par les médias lorsque des nouvelles parlaient de l’alimentation des gais. Mais ça arrivait très peu. Et j’avais envie de parler de plein de trucs différents. À l’époque, je travaillais aussi pour Extenso, un centre de vulgarisation en nutrition, et je parlais beaucoup aux recherchistes et aux journalistes.
Je ne suis pas une police de la nutrition. Je fais partie de la génération de nutritionnistes qui prônent le plaisir de manger, de savoir écouter sa faim…
Ensuite, tout a débloqué quand j’ai lancé mon blogue Le nutritionniste urbain, le 1er janvier 2014. On m’a approché pour écrire mon premier livre, qui est sorti au printemps 2015. Les chroniques récurrentes dans les médias ont suivi et depuis, j’interviens un peu partout dès qu’il y a de grosses nouvelles dans mon domaine. Par exemple, j’ai donné 15 entrevues en deux jours sur le nouveau guide alimentaire canadien.
Qu’est-ce qui t’allume en écrivant des livres?
J’aime approfondir un sujet à 100%. En tant que vulgarisateur, on me demande toujours d’expliquer des sujets complexes en 2 minutes ou en 800 mots, et ça ne permet jamais assez de nuances à mon goût. Quand je travaillais chez Extenso, j’ai aussi réalisé à quel point les gens sont perdus. Il faut qu’on sache expliquer les choses. Sinon, d’autres que nous vont le faire à notre place. Il y a tellement de charlatans et de coachs de vie qui donnent des conseils en nutrition potentiellement dangereux. Eux, ils ont compris comment vendre leurs arguments. Moi, je veux contrebalancer ce qu’ils font avec mon expertise.
Sur quoi portent tes livres?
Dans Sauver la planète une bouchée à la fois, j’explique l’impact environnemental de nos choix alimentaires. Durant ma maîtrise, j’étais tombé sur des écrits à propos de sujets beaucoup plus vastes que la nutrition et ça a fait exploser mon cerveau. J’ai réalisé que nos recommandations comme nutritionniste pouvaient avoir un impact pas mal plus grand que sur la santé humaine. Dans N’avalez pas tout ce qu’on vous dit, je donne tous les outils que j’utilise pour analyser les nouvelles en nutrition, les découvertes et les mythes.
C’est comment être l’amoureux d’un nutritionniste?
Ça fait 12 ans qu’on est ensemble, alors mon chum m’a connu avant que je sois nutritionniste. Les gens oublient parfois que je suis un être humain avant d’être nutritionniste. Et je suis probablement moins restrictif sur l’alimentation que bien du monde.
Mon copain se fait souvent demander ce que je pense de telle affaire, comme s’il connaissait mon opinion sur plein de sujets en nutrition… Certaines personnes pensent aussi qu’elles doivent faire attention à ce qu’elles mangent avec moi ou justifier leurs choix, mais je ne suis pas une police de la nutrition. Je fais partie de la génération de nutritionnistes qui prônent le plaisir de manger, de savoir écouter sa faim et de ne pas créer d’interdits ni de restrictions.
SAUVEZ LA PLANÈTE, UNE BOUCHÉE À LA FOIS et
N’AVALEZ PAS TOUT CE QU’ON VOUS DIT
de Bertrand Lavallée, aux Éditions La Presse.