En six ans, les tartinades d’Allo Simonne se sont imposées sur les papilles québécoises. En plus de créer des produits de qualité, les fondateurs de l’entreprise, également amoureux, Quentin Ryckaert et Vincent Coja, se sont lancé le défi d’éviter les fournisseurs établis dans les pays qui bafouent les droits LGBTQ+. Une mission plus complexe qu’on peut l’imaginer.
Quentin, comment est né ton intérêt pour la pâtisserie et la chocolaterie ?
Quentin : Plus jeune, j’ai vécu en Afrique (Burkina Faso, Congo, Mali, cap Vert). Quand on recevait des colis de la Belgique pour Pâques ou la fin d’année, il y avait toujours du chocolat. C’était quelque chose de très attendu. Également, mon père recevait souvent à la maison, il cuisinait beaucoup et j’ai été amené à l’aider en cuisine. Comme j’adore le sucré, j’ai toujours été attiré par la pâtisserie. Je faisais souvent des biscuits les week-ends. Lorsque j’ai commencé à l’École hôtelière de Namur, je voulais toujours aider en pâtisserie.
Vincent, dans quel monde professionnel évoluais-tu auparavant ?
Vincent : En construction. À 15 ans, j’ai commencé mon apprentissage dans le domaine et j’y suis resté jusqu’à mes 30 ans. J’ai commencé jeune, car le modèle de cours traditionnel ne me convenait pas. Je voulais mettre la main à la pâte et être dans le concret. J’ai d’abord travaillé en Belgique, avant d’aller en France avec les Compagnons du devoir, une formation qui allie l’apprentissage au travail en parcourant le pays.

Quand êtes-vous déménagés à Montréal ?
Quentin : Je suis venu en premier. Pendant que Vincent continuait de se former en France, je ne voyais plus comment évoluer à mon travail en Belgique. En postulant pour un permis vacances-travail, plusieurs chocolatiers et pâtissiers m’ont dit que Montréal était une scène où la gastronomie prenait de l’ampleur, et que c’était l’endroit où aller pour continuer de me former.
Je suis arrivé à Montréal en octobre 2015 et je suis allé travailler directement chez Patrice Demers pour la période des Fêtes.
Et toi, Vincent ?
Vincent : Je suis arrivé en 2017. Je finissais mon parcours avec les Compagnons : une belle association, mais avec des pensées archaïques. La première femme est arrivée en 2004, alors que l’organisation est plus que centenaire. L’évolution est très lente. Je ne devais pas parler de mon homosexualité. En parallèle, on s’est marié le 13 mai 2017. Je n’arrivais pas à concevoir que Quentin vive au Canada et moi en France. J’ai tenté de trouver une solution pour venir au Canada et continuer de travailler avec les Compagnons, mais ils ont refusé mon idée.
Qu’est-ce qui a mené à la création d’Allo Simonne ?
Quentin : En 2017, en rencontrant un chocolatier montréalais, j’ai découvert une petite machine que je pouvais utiliser à la maison. J’ai commencé à faire des tests et j’ai fait goûter mes recettes à un chocolatier qui m’a parlé du concours international du chocolat qui avait lieu trois semaines plus tard à Toronto. Les trois produits envoyés ont reçu des médailles. Après avoir obtenu une reconnaissance pour la qualité, on a décidé de lancer la commercialisation. On a contacté le graphiste Alex Sauvageau pour lui demander de travailler sur notre branding. C’est lui qui a travaillé sur notre image de marque au début. Ça a pris un an entre les médailles et la commercialisation.
D’où vient l’idée de lancer des tartinades locales et raffinées ?
Quentin : C’était un produit qui n’existait pas tant que ça. Il y avait encore beaucoup de place sur les tablettes. On arrivait avec un produit exempt d’huile et super bon au goût. On utilise du chocolat, pas seulement de la poudre de cacao. On va aussi chercher une clientèle sans gluten et sans arachides. Notre créneau est surtout un retour à l’essentiel : on voulait que la noisette soit l’ingrédient principal.

Que fait Vincent dans l’entreprise ?
Vincent : Je m’occupe de la finance et de la comptabilité, en plus de travailler sur la ligne directrice pour déterminer comment Allo Simonne se positionne sur le marché en termes d’approvisionnement et d’éthique. On veut que nos décisions correspondent à nos valeurs.
Parlez-nous des choix de fournisseurs que vous faites en fonction de vos convictions.
Vincent : On n’achète aucun chocolat d’Afrique.
En tant qu’entreprise, on a le pouvoir de décider où investir notre argent, un peu comme les consommateurs. Il y a de bons chocolats dans les pays africains, mais en termes de respect des droits de l’homme et des personnes LGBTQ+, ce n’est pas 100 % respecté.
Quentin : Pour le cacao, on fait davantage affaire en Colombie, aux Philippines, au Mexique et en République dominicaine. On n’est pas parfait à 100 %. Nos noisettes viennent de Turquie, du Canada et des États-Unis. Les pistaches viennent actuellement d’Iran, qui n’est pas du tout un pays où la communauté LGBTQ+ peut réellement s’exprimer et vivre librement.
On pourrait aller en Californie pour les pistaches, mais ce n’est pas idéal d’un point de vue environnemental. Alors, on se questionne si on doit carrément laisser tomber la pistache ou trouver d’autres sources d’approvisionnement plus éthiques et acceptables d’un point de vue environnemental.
Diriger une entreprise entre amoureux, c’est comment ?
Vincent : Très complexe. Il faut qu’on arrive à mieux séparer nos vies privée et professionnelle. On a deux tempéraments très différents.
Quentin : On vit parfois des conflits au travail si on n’est pas d’accord sur certains enjeux. Ça va impacter le privé. On essaie de s’améliorer, de séparer les tâches clairement et de mettre de bonnes pratiques en place.
Quels ont été les jalons d’évolution de l’entreprise ?
Quentin : On a commencé avec quatre produits et on est rendu à quinze tartinades. Depuis deux ans, une gamme de chocolats s’est ajoutée : un partenaire a rejoint l’équipe avec son expertise en bean-to-bar. On expédie en France, en Belgique, en Australie, aux États-Unis et dans l’Ouest canadien. Au Québec, nos produits se retrouvent dans 500 points de vente. En plus d’une vingtaine en Ontario.
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