Ouvertement lesbienne, la réalisatrice américaine Wendy Jo Carlton tourne sa caméra sur des réalités LGBTQ+ souvent inexplorées depuis plusieurs décennies. En 2009, avec Hannah Free, elle relate l’histoire d’amour entre deux femmes aînées; un premier film touchant et authentique. Avec son plus récent film, Good Kisser, la réalisatrice désire explorer une autre histoire lesbienne authentique, alors qu’un couple s’engage dans un triangle amoureux pour pimenter leur relation. À l’occasion de la sortie du film en vidéo, la réalisatrice Wendy Jo Carlton et l’actrice Rachel Paulson, nous offre une entrevue à deux, sur un film qui explore un trip à trois. D’entrée de jeu, Wendy espère que «les téléspectatrices repartiront avec un gros béguin pour au moins un des personnages!»
Comment vous est venue l’idée d’un triangle amoureux pour le scénario de Good Kisser?
Wendy : Avoir une forte chimie avec une autre femme est une expérience enivrante; profiter de cette pulsion organique, cette intrigue et ce plaisir qui éveille tous les sens. Pour le meilleur ou pour le pire, j’ai vécu beaucoup ce type de relation dans ma vie; même si ça ne dure pas, je trouve que c’est une chose merveilleuse. Good Kisser est une ode à cela, rappelant également qu’il s’agit de faire confiance à notre instinct lorsque nous avons le sentiment que quelque chose est «un peu décalé» dans une relation.
Avez-vous vu The L Word: Generation Q? Le « couple à trois » à un grand temps d’écran dans la nouvelle série. Le sujet est-il une tendance? Les LGBTQ + sont-ils plus libéré.es et explorent davantage leurs propres relations et leur sexualité?
Wendy : Je n’ai pas encore eu la chance de regarder le nouveau L Word, mais les jeunes semblent généralement plus à l’aise de partager leurs préférences et leurs amours ouvertement, plus encore qu’il y a 10 ans. Si davantage de gens ont moins peur d’agir en écoutant leurs désirs et leurs sentiments, je pense que cela est davantage applicable aux régions métropolitaines, plus grandes et plus sécuritaires.
Rachel : J’ai vraiment adoré cette relation dans la série! Cela n’a pas été fait à la télévision auparavant, et je pense que ça fait partie de la vraie vie et que ça devrait être exploré… Je connais beaucoup de gens qui vivent ces situations et ce fut l’un des moments les plus intéressants de la première saison, à mon avis.
Dans Good Kisser, la tension érotique est palpable entre les trois actrices. Comment était l’ambiance sur le plateau?
Wendy : Ma réponse sera certainement très différente de celle des actrices! Être devant la caméra dans un film qui parle de tension sexuelle, de désirs et du niveau de confort en lien avec leurs expérimentations, place les actrices en situation de grande vulnérabilité lorsque nous sommes tous sur le plateau. Je savais qu’il était vital que les actrices aient une chimie crédible. Nous n’avions pas le luxe d’embaucher un directeur de casting, donc j’y suis allée avec mon instinct et j’ai choisi, en premier, Rachel Paulson pour incarner Kate. Rachel devenait ainsi la pierre angulaire avec laquelle les deux autres rôles devraient «s’harmoniser». Mon équipe a passé des mois à organiser des auditions ouvertes et à regarder des vidéos; c’est ainsi que j’ai trouvé Julia Eringer (qui interprète Mia). Enfin, tout s’est imbriqué lorsque nous avons organisé des lectures en personne à Los Angeles, et que Kari Alison Hodge a fait la lecture du scène-à-scène avec Rachel et Julia. J’ai adoré leur énergie et leur chimie ensemble!
Rachel : En fait, quand vous filmez une scène de sexe, ce n’est vraiment pas sexy! Il y a des caméras, des lumières et des gens partout… (rires) Les scènes où mon personnage est au lit avec Mia (Julia), ont été tournées quelques ins-tants après que nous ayons craqué et que nous ayons fait des blagues ringardes. Je suis tellement reconnaissante d’avoir travaillé avec deux femmes extraordinaires. Nous avons passé de bons moments et elles ont rendu les scènes de sexe non seulement amusantes, mais faciles à tourner.
Justement, lorsque vous tournez ces scènes de sexe, est-ce que le fait d’être gênée et complexée (comme le personnage de Jenna), par exemple, est aussi difficile à gérer, même pour une actrice?
Rachel : Je pense que tout le monde se sent un peu gêné lorsqu’une caméra est pointée sur leur visage et qu’ils n’ont pas de vêtements, mais l’ambiance sur le plateau a fait en sorte de nous faire sentir le mieux possible. Je pense qu’avoir Julia (Mia) et Kari (Jenna) avec moi dans les scènes a aussi beaucoup aidé, car nous sommes devenues de très bonnes amies et cela a aidé les moments plus difficiles à devenir amusants.
Vous êtes la petite sœur de l’actrice Sarah Paulson (American Horror Story, American Crime Story, Carol). C’est comment de suivre ses traces?
Rachel : Je ne pourrai jamais, elle est si brillante! Je pense que nous avons des trajectoires différentes et faisons des projets différents… Nous nous soutiendrons et nous aimerons toujours… Elle est la meilleure!
Vous faites des films queer depuis maintenant deux décennies. En tant que réalisatrice dans une industrie (encore) masculine, avez-vous remarqué des changements dans la façon dont les femmes sont représentées devant et derrière la caméra, à Hollywood?
Wendy : Il y a une tonne de contenu en cours de production, avec d’énormes budgets hollywoodiens, mettant en scène de formidables rôles et histoires féminines, mais honnêtement, il n’y a toujours pas autant de films/séries avec des personnages principaux queer. J’adore voir Ava Duverney, Reese Witherspoon, Nicole Kidman, Lynn Shelton, utiliser leur privilège et leur pouvoir pour démarrer leur propre entreprise et produire leur contenu! Cependant, c’est dommage que ça demande autant d’argent non seulement pour créer, mais surtout pour commercialiser un contenu original et convaincant. Les cinéastes indépendants ont désormais un accès plus facile à l’équipement et aux acteurs, mais il est en fait plus difficile de trouver les fonds nécessaires pour commercialiser et publiciser efficacement leur travail une fois terminé, car on ne peut pas rivaliser avec les méga-millions injectés pour la publicité par les grandes productions hollywoodiennes.
Vous êtes productrice associée sur le documentaire primé Circus of Books, produit par Ryan Murphy (séries Glee, Hollywood) distribué sur Netflix. Vous voulez nous en dire plus?
Wendy : J’ai été recommandée pour le documentaire Circus of Books par Gretchen Warthen, directrice de la photographie. Elle a également été DP sur mes deux premiers longs-métrages (Hannah Free, Jamie & Jessie are not together). J’ai été surtout impliquée dans le tournage d’entrevues avec Karen et Barry au magasin. Il est évident à quel point la librairie Circus of Books était un endroit spécial tant pour les clients, que les employés. C’était une belle expérience et j’espère que la réalisatrice Rachel Mason remportera un Oscar!
Good Kisser est disponible sur une multitude de plateformes dont et sur WolfeOnDemand.com