Du 29 juillet au 2 aout, se tiendra à Montréal la très importante 24e Conférence internationale sur le sida, au Palais des congrès. Ce sera le moment de faire le point sur la recherche mais pas que ça. La dernière fois qu’il y a eu un tel événement, c’était en juin 1989 pour la 5e Conférence internationale sur le sida, soit alors que des milliers d’hommes gais, surtout en Occident, mourraient de cette maladie. Des milliers de chercheurs, médecins, cliniciens et représentants de groupes communautaires sont attendus dans la métropole.
La haute direction de Société internationale du sida (International AIDS Society fondée en 1988) qui siège à Genève, était en visite à Montréal durant la dernière semaine de mai et la première de juin pour «visiter le Palais des congrès et s’informer de l’organisation et rencontrer les gens de la mairie de Montréal, c’est une démarche préparatoire importante avant le congrès», explique le Dr Jean-Pierre Routy, directeur du Réseau Sida et maladies infectieuses FRQ-S et le vice-président local de cette 24e Conférence.
Pour vous donner une idée de l’ampleur de cette rencontre, il y a déjà plus de 5 000 inscriptions ! «Mais il faut compter aussi sur la présence de plus de 1 200 invités (pour lesquels on défraie les coûts d’avions, d’hôtels, etc.), dit le Dr Jean-Pierre Routy. On parle déjà d’environ 7 000 inscriptions. Malheureusement, ni les Russes, ni les Ukrainiens, ni les Chinois ne seront présents. C’est quand même beau de voir tout ce monde dans une Conférence post-Covid.» À noter que cette Conférence est aussi diffusée par internet pour ceux et celles qui ne peuvent y assister en personne.
Lors de chaque conférence, les délégations de divers pays et organisations mettent sur pied ce qu’on appelle un «Global Village» (ou Village global), avec des kiosques, des présentations, etc., et cela ne fera pas exception à Montréal où le Palais des congrès sera investi par des dizaines de groupes, y compris la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le Sida (COCQ-Sida). (Voir article en P. 34)
On estime ici que les retombées économiques pour Montréal seront de 53M$. «À part le Grand Prix et cette Conférence, il n’y aura pas d’autres grands événements majeurs en ville cet été, c’est pourquoi cette conférence est aussi importante pour Montréal surtout en cette période post-Covid et c’est le message que l’on désire porter à la mairie de Montréal», explique le Dr Jean-Pierre Routy.
Évidemment, on ne peut passer à côté de la situation en Ukraine et «il y aura une session spéciale sur le maintien des activités VIH-sida et les soins accordés aux patients pendant ce conflit et il y aura aussi quelque chose au Global Village», ajoute le Dr Routy.
Évolution de la PrEP ?
«Il y a une nouvelle étude qui risque de faire grand bruit puisqu’elle changera peut-être les médicaments utilisés pour la PrEP (prophylaxie pré-exposition sexuelle). On va présenter les résultats d’une enquête sur la Tetracycline, ce médicament est normalement efficace contre des maladies telles que la chlamydia, la gonorrhée ou encore la syphilis. Mais il a été testé comme PrEP. On dévoilera les résultats et c’est très attendu parce que cela pourrait changer la PrEP et offrir une alternative aux médicaments actuels», de souligner le Dr Routy qui est aussi professeur de médecine à l’Université McGill.
Une session sur la variole du singe
Bien sûr, le sujet du moment en médecine concernant les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) c’est la fameuse variole du singe (monkeypox). Il y aura une session sur cette maladie et les traitements et les cas rapportés. La maladie a été observée dans plusieurs pays d’Europe ainsi qu’au Canada et aux États-Unis. À Montréal, la santé publique a recensé une quinzaine de cas dans le courant du mois de mai. «Les premiers cas ont été rapportés aux îles Canarie durant les festivités de la Fierté, continue le Dr Jean-Pierre Routy. On pense que tout est parti de là avec des gens qui ont voyagé par la suite.»
La maladie peut se transmettre par contact cutané et durant des relations intimes avec une personne ayant des lésions. «Cela fait à peu près dix ans que la variole du singe apparaît de manière épisodique, mais cela ne constitue pas une épidémie. Il y a quelques cas et ensuite la maladie s’essouffle d’elle-même. Donc, il ne faut pas s’affoler pour quelques cas où les gens guérissent très bien. Ce sont des cas isolés (NDLR : l’entrevue a été réalisée début juin 2022). Et il y a un vaccin qui est disponible également», indique ce médecin. Le problème est que, comme cela concerne des hommes gais, certains médias et individus ont tout de suite fait le parallèle entre la variole du singe et les débuts de l’épidémie du VIH-sida. «Il ne faut en aucun cas associer cela au sida. Nous sommes dans une situation totalement différente. Mais il y aura une session là-dessus durant le congrès pour faire le point […]», dit le Dr Jean-Pierre Routy.
«Re-engage and follow the science»
C’est principalement sous cette thématique qu’aura lieu cette 24e Conférence. On pourrait traduire cela librement par «Se réengager envers le sida et suivre la science». Soit qu’après la Covid-19, il faut revenir vers la recherche et les actions sur le sida qui ont été interrompus durant la période de la pandémie pour se concentrer sur le coronavirus. «Cela inaugure aussi une nouvelle ère possible de thérapie grâce à toute la recherche effectuée déjà pour les vaccins pour le coronavirus, rajoute le Dr Routy. On profite de toute cette science pour l’appliquer au VIH-sida et à des potentiels vaccins. D’où le ‘’follow the science’’ parce qu’on peut possiblement avancer dans ce domaine avec tout ce qui a été parcouru jusqu’à nos jours.»
Une pré-conférence
Il y aura une présentation du Réseau Sida et maladies infectieuses FRQ-S, le 28 juillet, dès 8h, à l’Amphithéâtre Pierre-Péladeau du CHUM. «C’est une présentation de Nicolas Chaumont sur la guérison du sida, poursuit le Dr Routy. Il y aura des scientifiques, des chercheurs et des groupes communautaires. On va parler des cinq personnes dans le monde qui ont été guéries du sida jusqu’à présent et où en est la recherche à ce moment-ci.» Nicolas Chaumont, pour ceux et celles qui ne le savent pas, est un chercheur montréalais qui travaille presque exclusivement à trouver une manière de guérir du VIH-sida et ce, de façon permanente. Cet événement est gratuit pour tout le monde.
D’autres activités
Le 31 juillet, dans le parc de l’Espoir, il y aura une activité pour souligner le combat des pionniers. Parmi les invités, il y aura le militant Roger Le Clerc. «C’est important de souligner, comme en décembre dernier, pour les 40 ans du sida, le travail et les luttes qu’ont mené des pionniers comme Roger Le Clerc, dès les débuts de la maladie et c’est une événement qui veut saluer leur implication», de dire le Dr Jean-Pierre Routy. (Voir autre article à ce sujet.) Le mardi 2 aout, il y aura un maillage avec Fierté Montréal pour une soirée dédiée aux nombreux bénévoles de la Conférence, avec lecture de poésie, etc. Les détails seront connus ultérieurement. Il y aura aussi un spectacle d’ouverture de cette 24e Conférence célébrant la culture montréalaise et québécoise. Là encore, il faudra suivre les développements sur le site web de la International AIDS Society. Bien entendu, plusieurs autres activités reliées au congrès seront dévoilées au cours des prochains jours.
«Mon slogan pour cette grande rencontre est ‘’Montréal, la joie de vivre ensemble’’ parce que nous nous retrouvons tous et toutes, après ces années de pandémie, dans cette belle ville de Montréal dans l’harmonie […] et qu’il y a de belles avancées médicales concernant le VIH-sida et qu’il y a de l’espoir suscité grâce aux recherches, mais aussi avec la collaboration de nombreux groupes communautaires […]», de souligner le Dr Jean-Pierre Routy.
INFOS | 24E CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LE SIDA aids2022.org