Les avancées scientifiques et les diverses méthodes de prévention de la propagation du VIH permettent aujourd’hui aux personnes atteintes du virus de vivre une vie presque normale. Les choses étaient cependant beaucoup plus tragiques lorsque la crise du sida a frappé Montréal à la fin des années 80. L’activiste John Holstein revient sur son expérience à travers cette période de noirceur et partage ses réflexions sur les tabous qui persistent aujourd’hui quant au dévoilement de son statut sérologique.

En 1986, John Holstein avait à peine 22 ans. Au moment où la vague du VIH commençait à inonder New York, il était exilé à Paris pour étudier à la Sorbonne. Paris-New York étant un trajet très prisé pour les vacanciers de la communauté gaie de l’époque, les Parisiens étaient en panique : « Les gens suivaient attentivement ce qui se passait à New York. La crise n’avait pas encore atteint Paris, mais les gens étaient lucides et tout le monde tenait pour acquis qu’ils étaient déjà infectés eux aussi », se souvient le sexagénaire. Pour obtenir un visa de travail, John devait revenir à Montréal passer des tests médicaux de routine. Un examen sanguin qui devait être une simple formalité prenait un tout autre sens à l’époque, rappelle-t-il : « Les gens ne voulaient pas se faire tester dans ce temps-là parce qu’ils avaient peur de la réaction des autorités médicales et gouvernementales. Ils croyaient qu’ils seraient enfermés! Je me suis donc tourné vers un ami médecin qui a accepté de me faire passer un examen privé et confidentiel. C’est comme ça que j’ai su que j’étais infecté : en cachette ».
Même s’il était convaincu qu’il ne lui restait qu’un an ou deux à vivre, John a choisi de ne pas parler de sa situation. En effet, le nombre de personnes malades était encore relativement bas à ce moment-là à Montréal, mais la stigmatisation de la maladie était très élevée. Puis, l’hécatombe est survenue vers 1987 alors que, du jour au lendemain, les gens ont commencé à être emportés à une vitesse foudroyante : « Voir un ami succomber à la maladie était devenu tellement fréquent que les gens l’annonçaient de manière presque banale. On pouvait te dire comme ça, en soupant, “By the way, Frank est mort.” », se remémore-t-il. Un soir, alors qu’il travaillait comme barman au Sécurité Maximum, John fait remarquer à un client régulier qu’il sortait moins souvent. Lorsqu’il réalise que c’est la maladie qui empêche le client de sortir, John décide de lui offrir les consommations non alcoolisées gratuitement pour toujours. Les deux hommes deviennent proches et John se met à prendre soin de son ami. Cet ami, c’était Joe Rose, le premier d’une longue liste de personnes de qui John prendrait soin tout au long de sa vie.
Activisme et accompagnement
La gravité de la situation dans la communauté a poussé John à vouloir s’afficher publiquement et à agir pour changer les choses. Il a notamment participé à diverses protestations, dont le célèbre Die-in organisé devant le Complexe Desjardins et a aidé à l’ouverture de la première maison d’hébergement pour personnes atteintes du VIH à Montréal, sur le Plateau. C’est toutefois dans les actions quotidiennes concrètes qu’il voulait faire la différence, notamment en accompagnant les personnes malades tout au long de leurs traitements médicaux. Il était également présent quand le moment venait de recevoir un diagnostic : « Je suis devenu la personne qui accompagnait les gens chez le médecin quand ils avaient trop peur. Je leur disais : “Tu ne veux pas aller voir le docteur ? Viens, je vais y aller avec toi.” Je voulais leur offrir un peu de lumière dans cette noirceur ».
Le tabou et le choix de parler
John rappelle qu’à l’époque de la crise, les gens étaient forcés de dévoiler leur statut sérologique malgré l’incompréhension et les tabous qui entouraient la maladie. En effet, le besoin urgent de soutien médical les obligeait à demander de l’aide. Toutefois, selon lui, le statut sérologique d’une personne relève de nos jours davantage de l’intimité du couple et il n’est plus nécessaire de le partager avec sa famille ou ses amis : « Moi, j’ai annoncé ma situation à ma mère pour la préparer au fait que j’allais mourir prochainement. Aujourd’hui, le VIH est devenu une maladie chronique, un peu comme le diabète. C’est une information privée ». John souligne toutefois que malgré les avancées de la science, certains tabous persistent toujours. Il rappelle donc qu’il est important de poursuivre la sensibilisation afin d’améliorer la compréhension de la maladie.
Recevoir la confidence
La peur d’une réaction négative est un important facteur dans la décision de parler de sa santé à ses proches. Ceux qui ont besoin de se confier peuvent craindre le rejet ou l’incompréhension. Comment réagir quand un ami s’ouvre à soi ? Pour John Holstein, la réponse est souvent le silence : « La personne a besoin de parler, alors il faut la laisser parler et l’écouter. Tout ce qu’on tentera de dire à ce moment-là ne changera rien. Elle vit un choc, mais le temps apaise les choses. Alors il faut simplement écouter ».
Steven Ross [email protected]
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