Fard à paupières, rouge à lèvres, mascara, khôl et poudres en tous genres ne sont que quelques-uns des outils offerts par une industrie dont le chiffre d’affaires s’élève à plusieurs milliards. Certain.e.s y voient l’incarnation du mensonge (l’art de la dissimulation) alors que pour d’autres, il s’agit, tout au contraire, d’un puissant instrument d’appropriation (l’art de la révélation).
Qu’on le veuille ou non, qu’on l’utilise ou qu’on le subisse, le maquillage est un élément culturel qui est puissamment inscrit dans l’histoire sociale des femmes, mais également des hommes. Tour à tour associé à la toute-puissance de la royauté, à l’incarnation du mal absolu (merci l’Église catholique), à une capacité de se réinventer et de prendre de l’assurance, au vedettariat ou à une contestation des barrières de genres, les cosmétiques font partie intégrante de notre quotidien.
Dans Make up, la journaliste Valentine Pétry porte son regard sur la petite histoire des cosmétiques, mais également sur les aspects sociaux, psychologiques et économiques qui y sont associés. On pourrait penser que le concept de l’embellissement est relativement récent, alors qu’il était déjà fermement ancré chez les pharaons.
Évidemment, comme elle le souligne, la fonction du maquillage a changé au fil des siècles. Par exemple, en Égypte ancienne, le khôl protégeait les yeux des bactéries et tout au long de l’histoire, la fonction des poudres fut tout d’abord de masquer les problèmes d’hygiène ou dermatologiques. La notion de jugement moral y fut également associée de tout temps. En l’an 1 avant notre ère, Ovide prodiguait déjà des conseils d’influenceurs bien moralisateurs : « Que votre amant ne vous surprenne pas avec vos boites étalées sur la table. L’art n’embellit la figure que s’il ne se montre pas. »
Le maquillage est également révélateur des structures sociales en place. À titre d’exemple, pendant longtemps, les cosmétiques étaient de facto conçus pour la peau blanche. En 1917, le magazine afro-américain The Messenger résumait bien ce constat : « Si les Noirs dirigeaient le monde, les Blancs dépenseraient des fortunes pour foncer leur peau et friser leurs cheveux ».
Plus près de nous, le maquillage constitue un premier instrument de transition souvent fondamental chez les femmes trans ou les personnes non binaires : un moyen de réclamer et d’afficher son identité véritable. Les récentes décennies ont également vu une montée progressive, bien qu’en dents de scie et avec des jeux d’essais et erreurs, de la pénétration des cosmétiques chez la gent masculine.
Un ouvrage fascinant qui révèle de nombreux aspects cachés de l’industrie du maquillage, son pouvoir d’affirmation identitaire, mais également ses dérives, les enjeux environnementaux ou de santé, de même que le jugement social ou moralisateur que l’on y porte.
INFOS | Make up : le maquillage mis à nu / Valentine Pétry. Paris : Genre, 2023, 238 p.