Samedi, 15 février 2025
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    Sonny Issues: Mettre, transmettre, remettre

    En se réveillant une nuit avec une érection qui tarde à partir et l’oblige à se vider pour pouvoir se rendormir, Osman constate qu’il n’a pas eu de sexe (avec d’autres que lui-même) depuis longtemps. Il a été occupé à préparer sa rentrée au point de négliger ses besoins de base pour satisfaire ses désirs supérieurs – l’image le fait sourire. 

    Heureusement, de nos jours, trouver quelqu’un pour s’amuser est très simple. Dès le lendemain matin, il installe Grindr. À plusieurs reprises dans la journée, il jette subtilement des coups d’œil aux profils des autres et aux messages qu’on lui envoie pendant que ses élèves avancent les exercices qu’il leur donne à faire. De sorte qu’avant même d’être revenu chez lui, il a déjà trouvé quelqu’un avec qui s’amuser.

    Après avoir parlé toute la journée, il ne se sent pas d’humeur à faire la conversation avant de plonger dans le vif du sujet de la rencontre. Il en a averti son partenaire éphémère, qui s’est dit tout à fait d’accord avec la chose. Dès que son invité entre chez lui, Osman le plaque au mur et l’embrasse sauvagement. Il le déshabille ensuite sensuellement en mordillant – et en chatouillant de sa barbe – chaque centimètre de son corps, y compris les fesses… et plus si affinités. Puis il se laisse lui-même dévêtir et administrer une bonne dose de plaisir oral avant d’entrainer l’autre dans son lit.

    Une fois la sexualité entièrement consommée, ils se retrouvent tous deux à bout de souffle et en sueur et se laissent retomber dans les draps avec un soupir collectif. Il leur faut un moment pour se remettre à parler – si on peut considérer comme des paroles leurs gémissements coïtaux respectifs. «Je réalise que je ne t’ai même pas demandé ton nom.» «Antoine. Enchanté.» Ils se serrent la main et éclatent de rire. «Et qu’est-ce que tu fais dans la vie?» demande Antoine à Osman quand ils se remettent de leur hilarité. «À part défoncer de jolis étrangers? Je suis enseignant au primaire.» «Pas possible! Moi aussi, je suis prof, mais au secondaire. En sciences et technologie.» «Très chouette!» Ils échangent pendant un bon moment des anecdotes du métier qui les font bien rire, au point de leur faire oublier l’incongruité du fait d’en parler nus dans un lit après le sexe.

    Puis Osman redevient sérieux malgré lui. «Je ne sais pas si c’est la même chose pour toi au secondaire, ou si c’est quelque chose de particulier au primaire – étant donné qu’à la limite, on est souvent plus concentrés sur leur développement comme personnes que sur les matières en tant que telles. Mais des fois, c’est tellement difficile, de voir à quel point des mauvais parents ont donné une mauvaise base à leurs enfants, et de se dire que ce qu’on peut faire pour compenser est tellement minime…» «C’est peut-être un peu moins pire, mais je comprends quand même ce que tu veux dire. À l’âge où je les côtoie, c’est souvent la crise d’adolescence qui commence, et Dieu sait que j’ai beaucoup d’occasions de constater que trop de parents ne savent pas du tout gérer ça…»

    «Est-ce que tu veux avoir des enfants?» Antoine semble désarçonné. «Tu es vite en affaires! C’est rare que je me le fais demander avant même qu’on ait déterminé si on est en date!» «Je ne pense pas qu’on le soit, mais j’étais juste curieux.» «Je ne pense pas en vouloir. Pourquoi?» «Je voulais savoir si j’étais le seul prof qui n’en veut pas, mais qui regrette en partie de ne pas en vouloir. Je veux dire, je ne serais pas prêt à faire tous les sacrifices que ça prend pour en élever un à partir de sa naissance – ou à partir de l’âge de l’adoption –, mais je me dis que je serais un bon père et que je diminuerais un peu le carnage que se ramasse trop souvent à être l’éducation par les parents.» «T’as l’air de vouloir le beurre et l’argent du beurre. Tu veux avoir une grande influence sur eux sans faire le travail d’être présent aux moments où on transmet le plus et le mieux. C’est facile de reprocher aux parents de faire du mauvais travail quand on en fait si peu.»

    Osman est d’abord piqué, mais il prend le temps de réfléchir à la critique de son vis-à-vis – ou plutôt de son côte-à-côte – et il finit par admettre qu’il a bien raison. C’est dans le fin grain de toutes les secondes passées avec un enfant qu’on lui montre, par son propre exemple encore plus que par ses paroles, quoi faire, quoi dire et quoi être. Se limiter à l’enseignement, c’est se condamner à n’être un exemple et à ne parler qu’un nombre limité d’heures dans la vie d’une autre personne… et des heures qui ne sont d’ailleurs pas les plus significatives en termes émotionnels. Mais c’est le choix qu’il a fait.

    «Tu sais, t’as une tête sur les épaules, toi.» «Je sais. Ta queue en a pas assez bien profité tantôt pour que tu aies déjà remarqué?» Osman rit. D’une certaine manière, il avait décidé non seulement de ne pas avoir d’enfant, mais aussi de ne pas avoir de copain. La provocation d’Antoine vient ébranler cette certitude. Pour une raison ou pour une autre, cette pugnacité l’excite au plus haut point. Il y répond comme il peut, mais il n’a pas la répartie de son interlocuteur et finit par s’admettre battu au jeu de balle de l’esprit. Il n’en faut pas plus pour que son côté dominant lui fasse sentir le besoin de prendre le dessus. Il le fait en montant par-dessus Antoine, en levant ses jambes et en appuyant une verge de nouveau dure contre ses fesses. Aussitôt, Antoine se tait et baisse la tête en poussant un soupir, de nouveau gentiment soumis à la volonté de son hôte. Il ne faut pas plus que cette réponse à Osman pour perdre la tête et replonger dans le plaisir.

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