Vendredi, 17 janvier 2025
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    Le Celebration Tour de Madonna… comme si vous y étiez

    Parler de ce qu’est le concert du Celebration Tour de Madonna revient à raconter près de quarante ans de carrière de notre idole (la seule que j’ai continué de suivre toutes ces années depuis son premier concert à Montréal en 1987). Si je devais le résumer en quelques mots, je dirais que la tournée internationale de la chanteuse est une fête… par Madonna pour nous. 

    Qu’importe si les concerts ne débutent jamais à l’heure prévue, Madonna peut bien prendre toutes les minutes supplémentaires du monde. On est prêt à l’attendre… D’ailleurs, dans les faits on l’a littéralement attendu 5 mois. D’abord prévus les 18 et 20 août 2023, les spectacles montréalais ont eu lieu, les 18 et 20 janvier. Rappelons qu’hospitalisée en juin pour une infection bactérienne potentiellement mortelle qui l’a laissée aux soins intensifs quelques semaines, il n’était pas certain qu’elle serait en mesure de commencer sa tournée Celebration

    Certains observateurs doutaient même que la sexagénaire puisse se rétablir pour faire cette tournée. Cela dit, commencer trois mois plus tard que prévu, a permis à l’équipe d’améliorer encore plus le spectacle rempli de décors spectaculaires — dont un carrousel tournant rempli de danseurs musclés — et de peaufiner les moments où on voit la star ou d’autres personnes voler dans les airs. Et, depuis que la tournée (qui comptera environ 80 concerts) a débuté, elle joue devant des salles pleines à chaque endroit. À Montréal seulement, environ 49 000 fans se sont déplacé.e.s au centre Bell en deux soirs, et plus d’un million de billets ont été vendus à date pour la tournée débutée en 2023 et qui se poursuit en 2024.

    Consciente de sa propre finitude, l’artiste se raconte dans le spectacle depuis son arrivée à New York en 1978 comme danseuse, jusqu’à son explosion comme vedette, moins de 10 ans plus tard, grâce à des hymnes comme Like a Virgin ou Vogue. Et pendant plus de deux heures, sans entracte, les tableaux scéniques s’enchaînent à mesure que les époques et les styles changent aussi. 

    © Kevin Mazur

    Ainsi, le groove un peu kitsch de la période Holiday, Everybody et Into the Groove, laisse place à la sexyness des années sulfureuses marquées par Erotica et Justify my Love et ainsi de suite. Rappelons que la superstar avait choqué, en 2003, en embrassant en direct successivement Britney Spears et Christine Aguilera sur la scène des MTV Video Music Awards. Elle recrée ce moment sur scène dans le spectacle avec l’une de ses danseuses (ou chanteuses, je ne suis pas certain). 

    © Kevin Mazur

    Comme le démontre clairement la tournée Celebration, Madonna ne serait jamais devenue la star qu’elle est sans avoir trouvé une communauté dans la culture queer new-yorkaise des années 80. Ses danseurs (et pas uniquement pour cette tournée) sont en grande partie noirs, latins, queer et transgenre, et l’exubérance entre eux.elles sur scène est réellement magnifique et sincère. 

    © Kevin Mazur

    La grande influence visible dans le spectacle est sans doute celle la culture ballroom, qu’elle nous avait présentée pour la première fois, en 1990, dans la mythique vidéo de son succès Vogue. La mise en avant dans le spectacle de l’ambiance et de l’esthétique ballroom — qui inclut même un concours de catwalk et intègre à l’animation du spectacle Bob the Drag Queen (un des vainqueurs des concours télévisés RuPaul’s Drag Race) – est un authentique signe de reconnaissance d’un lien d’amour (et d’influence) mutuel. 

    Un amour envers la communauté gaie/queer qui s’exprime également dans le spectacle par un hommage profondément émouvant rendu à ses amis disparus et à toute une communauté perdue à cause du sida : la boule disco géante qui tournoyait dans les airs (elle termine alors de chanter Holliday, symbole des années fastes du club new-yorkais Paradise Garage, renommé par plusieurs le Gay-Rage) s’effondre au sol, marquant la fin de l’insouciance et le début des années sida.

    Alors qu’elle commence Live to Tell, les écrans géants se déploient révélant des portraits d’amis décédés, dont le doorman Haoui Montaug du mythique club Studio 54, aux peintres Keith Haring et Jean-Michel Basquiat, en passant par le chanteur Freddy Mercury, les photographes Robert Mapplethorpe, Herb Ritss et Peter Hujar, pour n’en nommer que quelques-uns. Elle chante, juchée sur une plate-forme lumineuse suspendue et mobile, alors que les images de plus d’une centaine de personnes se succèdent de plus en plus vite, au point qu’on arrive à ne plus distinguer l’identité individuelle de chaque personne, tellement il y en a : comme ce fut le cas lors de la pandémie (qui a touchée plus de 100 000 hommes gais à New York seulement, doit-on rappeler) qui a fait plus de 40 millions de morts dans le monde à date. Boule dans la gorge devant l’émotion.

    Sur scène, Madonna est bel et bien une légende vivante qui rayonne avec la même rage de vivre qu’il y a 10, 20 ou 30 ans. Elle n’a plus la même aisance à 65 ans, qu’à ses débuts, mais elle enchaîne sans faute les chorégraphies comme les jeux scéniques, toujours très bien entourée de plusieurs danseurs exceptionnels qui recréent avec elles des « moments » de sa carrière. L’une des saynètes les plus amusantes du concert a lieu durant les premières minutes lorsque Madonna se fait refuser l’entrée d’une boîte de nuit. Oui, à l’époque on sélectionnait le public à l’entrée de bien des bars. 

    © Kevin Mazur

    Celle qu’on connait encore essentiellement sous le nom de Louise Cicconne se rappelle alors sur scène: « À cette époque, je venais d’arriver à New York. J’avais pris un billet et j’avais débarqué à Times Square. Mon copain d’alors m’a appris à jouer mon premier morceau à la guitare ». Une époque marquée par les excès et remémoré par la chanteuse sur une performance de Everybody, son premier simple, sorti en 1982.

    L’un des aspects les plus authentiques de Celebration est le reflet de tout ce que Madonna a dû surmonter : la pauvreté et les risques en tant que jeune danseuse à New York ; une censure féroce et des commentaires qui l’étaient tout autant ; la menace omniprésente d’obsolescence dans la musique pop… Et, aussi, le simple passage du temps, combinaison toxique de misogynie et d’âgisme (combien de fois insiste-t-on sur son âge). Sans parler des limitations physiques qu’un corps – et celui d’une danseuse sans relâche sollicité par des prestations ambitieuses et des tournées gigantesques – peut supporter.

    © Kevin Mazur

    « La chose la plus controversée que j’ai faite, c’est de durer… de rester dans les parages », déclare-t-elle durant le spectacle en voix off, alors que des extraits de journaux fustigeant son âge, critiquant sa capacité de performer se succèdent en toile de fond.  

    © Kevin Mazur

    Mais l’existence même d’une tournée comme Celebration est l’expression qu’elle a vaincu ces limitations : monter un spectacle aussi physique et ambitieux quatre mois seulement après son hospitalisation est un exploit incroyable ; sa manche de soutien du genou non dissimulée au début du spectacle se veut également comme une reconnaissance sans vergogne de l’effort et des conséquences corporelles entraînées par une performance à ce niveau à 65 ans, comme à 60, 55, 50, 45 ou 40 ans, devrait-on dire.  

    Bravo et chapeau bas, Madonna!

    Pour ceux et celles que ça intéresse, vous trouverez la setlist complète du concert du 20 janvier 2024  (car il y a des différences selon les étapes de la tournée) : www.setlist.fm

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