La série In Memoriam fait un malheur sur Crave depuis sa sortie en mars dernier. L’une des productions les plus populaires de l’histoire de la chaîne, le thriller psychologique québécois destiné au grand public met en scène un triangle amoureux tordu composé de deux frères amoureux du même homme. Son producteur au contenu, Patrick Martin, revient sur son parcours et l’évolution de la visibilité accordée aux personnages LGBTQ+ à la télé.
Comment as-tu réalisé que tu voulais travailler dans les arts de la scène?
Patrick Martin : En regardant le film Roméo + Juliette avec Leonardo Dicaprio! L’intensité, la fougue et la passion de ces deux protagonistes, ça me bouleversait. Ça me donnait envie de vivre leur expérience par procuration. Cette intensité est encore visible aujourd’hui dans mes projets, notamment chez Passez Go et dans In Memoriam.
On se souvient de toi pour ton rôle dans Watatatow, un adolescent en questionnement, à une époque où on voyait peu de personnages LGBTQ+ à la télé. Comment t’es-tu senti à ce moment?
Patrick Martin : J’ai adoré ce rôle parce qu’il y avait une portée impressionnante pour le public québécois. On m’en parle encore aujourd’hui! L’une des plus belles scènes de ma vie était la scène du coming out à ma blonde. Naturellement, j’ai plongé au sein de mon expérience personnelle. C’était particulier parce qu’à l’époque, les comédiens ne disaient pas publiquement qu’ils étaient gais. Même les journalistes n’en parlaient pas, c’était tabou. Je n’ai donc pas eu la chance (ou le courage) de m’assumer publiquement. Je le regrette un peu parce qu’il y avait très peu de modèles à cette époque qui disaient « je suis gai et suis fier d’être un modèle pour les jeunes. »
Ce qui est différent aujourd’hui…
Patrick Martin : Oui! J’ai souvent joué des personnages qui se questionnaient sur leur orientation, mais à cette époque, on ne parlait pas du spectre de l’orientation sexuelle. À la télé, on était gai ou straight. Alors, même dans Watatatow, la relation de couple avec ma copine était tellement forte du point de vue narratif et dramatique que la production m’a fait « redevenir hétéro ». Aujourd’hui, on voit tout un spectre de personnages et d’identités queer. Chez Passez Go, on tente de donner une voix à ces personnages-là.
Tu œuvres aujourd’hui derrière la caméra. Comment s’est effectuée la transition?
Patrick Martin : J’ai eu dix années extraordinaires comme comédien, j’ai fait partie de séries jeunesse emballantes, dont Stan et ses stars. À un certain moment, je sentais que j’avais besoin de m’impliquer en amont. Le producteur André Monette, a remarqué que je m’intéressais et que je comprenais la courbe d’évolution des personnages, il m’a donc suggéré de faire l’INIS. Par la suite, j’ai été recruté par l’équipe de Passez Go parce qu’elle faisait beaucoup de contenu jeunesse et que j’avais ce background.
En quoi consiste ton rôle pour la série In Memoriam?
Patrick Martin : Je suis producteur au contenu, j’ai donc un rôle 50 % créatif et 50 % logistique. J’accompagne les auteurs, je brainstorm avec eux et je les aide à aller jusqu’au bout de leurs idées pour que le propos de la série soit aussi fort que possible. Du côté logistique, je m’assure que ce qu’on veut faire est possible, qu’on fait des choix judicieux pour les lieux de tournage, je gère les budgets, etc.
Quelle est ta plus grande réalisation en carrière?
Patrick Martin : Définitivement les séries grand public, dont Chouchou et In Memoriam. Comme comédien, j’étais bon, mais je n’étais peut-être pas le meilleur. Derrière la caméra, je pense que je suis meilleur que ce que j’étais comme acteur. Avec Passez Go, nous avons gravi les échelons et gagné en maitrise de notre médium. On a vraiment travaillé fort pour mettre ces projets au monde. On crée vraiment des projets qu’on aimerait regarder.
In Memoriam cartonne en ce moment sur Crave. Comment la série est-elle née?
Patrick Martin : C’est une idée de Pierre-Marc Drouin développée avec Pascale Renaud Hébert. Pierre-Marc a une maitrise phénoménale du hook, du rythme et du thriller, et Pascale a une sensibilité extraordinaire pour les personnages. Ç’a été un plaisir de travailler avec eux!
Comment est arrivée l’idée d’intégrer un triangle amoureux entre trois hommes?
Patrick Martin : Nous avons toujours le désir d’aller dans les zones grises et de surprendre dans les thématiques. Nous étions particulièrement fiers à l’idée de faire accepter à Bell d’intégrer un triangle amoureux toxique, incluant deux frères amoureux du même homme, et ce, dans un thriller psychologique grand public. Ce n’est pas arrivé souvent au Québec qu’on mette de l’avant des relations complexes gaies dans ce genre de séries et on tenait beaucoup à ça. Bell a rapidement vu à quel point le concept était riche et ils ont immédiatement embarqué dans le projet. Ils ont d’ailleurs souvent mentionné que les personnages des deux frères Julien (Jean-Simon Leduc) et Mathieu (Éric Bruneau) et de leur amant Andrew (Thomas-Anthony Olajide) étaient leurs préférés.
Ce trio propulse à l’avant-scène un modèle très différent!
Patrick Martin : Pendant longtemps, les personnes LGBTQ+ se sont transposées à l’écran dans des couples hétérosexuels et ont vécu par procuration l’histoire d’amour de personnes hétéro. Je pense que le grand public est maintenant prêt à faire la même chose, à travers des personnages LGBTQ+ qui vivent des relations parfois hétéronormatives ou parfois éclatées. On voit avec In Memoriam que les gens ont vraiment embarqué dans ce triangle amoureux.
Comment le public reçoit-il ce contenu?
Patrick Martin : La série a naturellement beaucoup passionné les communautés LGBTQ+, mais elle a fait énormément réagir de façon générale également! In Memoriam est la série qui a eu le meilleur démarrage de l’histoire de Crave et nous sommes l’émission la plus regardée au Canada chaque fois qu’un épisode est mis en ligne!
De plus en plus de séries présentent des personnages LGBTQ+. Est-ce une mode?
Patrick Martin : Non, ça ira en croissance! Je crois que nous verrons une plus grande
diversité à l’écran, autant la diversité culturelle, que corporelle, d’identification de genre, de classes sociales, etc. C’est ça l’avenir. Ces histoires intéressent tout le monde. On n’est plus dans une perspective où on pense que les trames narratives LGBTQ+ n’intéressent que ces communautés. Aujourd’hui, le plus grand défi, c’est la découvrabilité. Les contenus doivent sortir du lot par une prémisse qui marque les esprits ou par un angle qui se démarque. Pas seulement par des acteurs connus du grand public.
Quel est l’impact de ce changement de paradigme sur le jeune public selon toi?
Patrick Martin : C’est tellement important d’avoir des modèles auxquels s’identifier. C’est le cas en politique, en sport, etc. Il faut donner envie aux jeunes d’aspirer à ce succès et ce bonheur. C’est une clé pour que la jeunesse se sente bien d’être qui elle est.
Est-ce que ton équipe et toi nous réservez plus de surprises prochainement?
Patrick Martin : Nous avons beaucoup de projets en branle, nous sommes une grande famille. On développe différents projets présentement et nous sommes très emballés par la suite des choses. On travaille notamment avec Simon Boulerice, Yannick Éthier, Julianne Côté et Pierre-Marc Drouin, qui planchent chacun sur leur projet de série avec nous. À suivre!
INFOS | La série In Memoriam est disponible sur CRAVE