Fort du succès de la série Bridgerton, Netflix verse à nouveau dans la fiction historique inclusive, en adaptant l’œuvre de Boccace, écrite vers 1350. Un tout autre registre est cependant à l’honneur puisque, alors que la première série navigue dans le badinage et les amours contrariées, Le Décaméron sillonne les eaux fétides de la peste noire et d’un humour grinçant !
La peste noire a marqué au fer rouge le 14e siècle et, avec plus de 200 millions de victimes, s’est révélée la pandémie la plus meurtrière de l’histoire. C’est pourtant au milieu de ses miasmes putrides que l’auteur florentin Boccace rédige et situe l’action de son recueil de nouvelles, Le Décaméron (littéralement « le livre des dix journées »). Avec un contexte si lugubre, on pourrait s’attendre à une œuvre tout aussi sombre, mais force est de constater qu’elle verse, tout au contraire, dans l’humour grivois et la satire sociale.
La série de Netflix retient avant tout le dispositif principal de l’œuvre originale : à la suite de l’invitation d’un riche noble, Leonardo, dix étrangers se réfugient dans sa villa de campagne afin de flâner au soleil loin de la maladie. Cerise sur ce sundae médiéval, l’un des invités (Dioneo, interprété par Amar Chadha-Patel) présente deux caractéristiques alléchantes : il est médecin, ce qui est fort utile en temps de pandémie, et doté d’un corps de Dieu dont il dénude le torse à la moindre occasion. Il accompagne son maître hypocondriaque, Tindaro (Douggie McMeekin), afin d’analyser la consistance et la couleur de ses matières fécales et ainsi de le rassurer sur sa santé. Les deux hommes s’amourachent de Licisca (Tanya Reynolds), une servante qui a usurpé l’identité de sa maîtresse Filomena (Jessica Plummer), qu’elle croit erronément morte.
On compte également un couple marié : Neifile (Lou Gala), qui professe une chasteté absolue alors que le thermomètre de sa libido est sur le point d’exploser, et Panfilo (Karan Gill) qui tente de cacher son homosexualité tout en dévorant des yeux les séduisantes boucles noires et le torse dénudé du bon docteur. S’ajoute Pampinea (Zosia Mamet) qui, à l’aube de ses 28 ans, compte bien épouser le maître des lieux afin d’échapper à un mal plus grand que la peste : devenir une vieille fille ! Elle est accompagnée de sa servante Misia (Saoirse-Monica Jackson) qui cache la femme qu’elle aime dans un tonneau.
Deux domestiques complètent la galerie des personnages : Sirisco (Tony Hale) et Stratilia (Leila Farzad), qui s’ingénient à cacher la mort de leur maître, victime de la peste, quelques heures à peine avant l’arrivée des convives. La série se veut une critique de la lutte des classes sociales où chacun professe la plus grande bienveillance envers le petit peuple, mais ne se préoccupe que de sa petite personne. La productrice exécutive, Kathleen Jordan, a d’ailleurs souligné s’être inspirée des déclarations de certaines célébrités, au début de la COVID-19, qui se plaignaient de leur mal-être tout en étant bien à l’abri dans leurs luxueuses propriétés. L’ensemble est assez amusant à regarder, mais ne frappe jamais parfaitement au cœur de la cible.
Bien que certaines répliques et scènes soient empreintes d’une bonne dose de cynisme, elles sont souvent noyées dans des jeux de marivaudage qui se révèlent lassants et frôlent parfois même le vaudeville avec son lot de portes qui claquent, de quiproquos en tout genre, de jeux de substitution et de « ciel, mon mari » ! Il y a cependant quelques trouvailles réellement hilarantes, dont un cortège de miséreux en haillons qui, sous le regard concupiscent d’une femme fuyant Florence, se transforment en mannequins aux abdominaux bien dessinés. De même pour la découverte d’un donjon secret qui incarne bien la grivoiserie, souvent indissociable des récits moyenâgeux.
INFOS | Disponibles en anglais et dans un très bon doublage français sur Netflix.