Roger Thibault et Theodorus (Theo) Wouters, du désormais célèbre couple de Pointe-Claire, sont davantage connus pour leurs démêlés avec leur voisin homophobe de cette ex-banlieue paisible. Mais au-delà des procédures de cour et des plaintes à la police, il y a Roger (55 ans) et Theo (58 ans), deux hommes qui sont ensemble depuis 29 ans maintenant et qui partagent tout, les moments doux et les peines…
C’est lors d’un staff party du piano-bar La Rose Rouge (coin Mackay et de Maisonneuve) que Roger et Theo se rencontrent un soir de décembre 1973. «D’ailleurs, cela fait 29 ans qu’on s’obstine sur la date, parce que l’un dit qu’on s’est rencontré le 22 décembre et l’autre dit le 23, donc on célèbre deux fois, mais on a bien du plaisir», de dire Roger. Theo venait de terminer une relation avec un gars et il était sorti avec des amis. Quant à Roger, il venait de divorcer de sa femme et sortait donc pour s’amuser un peu. «J’ai vu ce gentleman qu’était Theo, j’ai été vers lui sans hésitation et on ne s’est pas laissé depuis», se remémore Roger.
À ce moment-là, Roger travaillait comme photographe au département de biologie de l’Université de Montréal, institution pour laquelle il travaille toujours. Theo, lui, était arrivé de Hollande, en 1969, pour œuvrer dans le domaine de la haute couture à Montréal et confectionnait des chapeaux de fourrure. Quelques mois après leur rencontre, en mai 1974, ils prenaient un appartement au centre-ville. «On ne se posait pas de questions, on partageait vraiment tout sans se demander qu’est-ce qui appartenait à qui», dit-il. Le couple a donc vécu des jours heureux dans ce milieu gai de l’ouest de la ville.
En 1974, ils achètent leur maison à Pointe-Claire et passent des mois à la rénover. Ils y habitent toujours, pas très loin d’un certain voisin, mais cela, c’est une autre histoire bien moins heureuse.
Avant leur récente visibilité, ils menaient donc une vie joyeuse mais discrète, étaient présents dans des partys et des soupers privés donnés par des gais vivant une vie plus cachée mais active. Cette vie, le couple la regrette un peu. «C’était une drôle de vie en ce temps-là, évoque Roger. La vie gaie était moins publique qu’aujourd’hui, mais elle était très dynamique. J’ai vu des soupers fabuleux, avec de la coutellerie en argent et plein de bouffe. C’était extraordinaire. Les gais étaient plus cachés, plus discrets, mais donnaient des partys chez eux. Et il y avait beaucoup de monde. À travers ce genre de réseau, les gens se rencontraient et s’invitaient plus souvent que maintenant, je crois…»
Événement à la fois cocasse (rétrospectivement) et marquant de leur vécu, ils étaient présents lorsque la police envahissait le bar Buds, en mars 1984. Curieusement, les hommes originaires de l’étranger, comme Theo et les touristes, étaient priés de quitter les lieux de la descente.
Roger, lui, était arrêté et passait la nuit en prison. «C’est une chose qui ne s’oublie pas», dit-il.
Nous leur avons demandé s’il y avait un secret à la longévité de leur couple? «On est des amis, des complices dans la vie, en plus d’être des amants, indique M. Thibault. Ce qui est important, c’est le respect, la liberté de l’autre. Il ne faut pas être l’esclave de l’autre ou être suspicieux. Il faut se donner une certaine liberté.»