Colette, écrivaine, journaliste, artiste de la scène à la réputation sulfureuse, fut une amie inséparable de trois femmes: Musidora, qui jouera dans les films muets de Louis Feuillade comme Les Vampires et Judex; Marguerite Moreno, actrice dont on dit qu’elle était la muse des symbolistes (comme Stéphane Mallarmé); et Annie de Pèze, la moins connue, qui sera journaliste.
Elles se rencontrent en août 1914, soit juste au moment de la déclaration de la guerre. Il n’y a plus d’hommes à Paris, engagés comme soldats, et les femmes doivent s’organiser. Et c’est ainsi qu’elles deviendront le modèle des premières femmes libres, pour ne pas dire féministes.
Elles pratiquent leur métier dans la ferveur et l’indépendance, entre le cabaret, le music-hall, la danse, le théâtre, le cinéma, le journalisme et l’écriture. Délurées, extravagantes, scandaleuses. Elles s’habillent comme elles veulent ; elles ont des liaisons avec des hommes plus jeunes qu’elles; elles font l’amour avec qui elles veulent. Elles fument et portent les cheveux courts et des robes sans corset. Elles sont des insoumises et en paient parfois le prix.
Dans leur métier, elles sont exigeantes, travaillant durement et sans relâche pour gagner leur vie, parfois jusqu’à l’exténuement. Leur horizon est la liberté à tout prix. La joie de vivre caractérise leur vie, en particulier celle de Colette, la plus âgée des trois, chez qui elles trouveront refuge et courage.
Colette a quarante et un ans quand la guerre se déclare. Mariée à vingt ans, puis divorcée de son premier mari, Henry Gauthier-Villars dit Willy, un des hommes les plus en vue de la société parisienne. Il fait écrire ses livres par une armée de «nègres», dont Colette, qui apprendra à ses côtés le difficile métier d’écrivain avec sa série des Claudine. Après une séparation, Colette est bien décidée à vivre comme elle l’entend et, enfin, d’écrire les livres qu’elle veut. Avant de tomber follement amoureuse de Henry de Jouvenel, elle a durant un an une aventure avec Missy, célébrité du Paris de la Belle Époque, portant le pantalon et à l’attitude virile.
Avec elle, elle provoquera un scandale en jouant nue dans Rêve d’Égypte, une pantomime écrite par son amoureuse. Colette et les siennes de Dominique Bona raconte la folle aventure qu’est la vie de Colette: ses apparitions à moitié nue sur les planches des music-halls; ses liaisons avec Natalie Clifford Barney et Mathilde de Morny (Missy); ses séjours à Verdun en 1914 et 1915 auprès d’Henry de Jouvenel; son histoire d’amour avec Bertrand de Jouvenel, son beau-fils mineur; son amour profond pour la nature et les animaux. Mais ce qu’on retient de ce livre, entre chronique romancée et biographie condensée, c’est l’amitié indéfectible et heureuse qui unit Colette et ses amies, toutes la fois identiques et différentes.
VIE DE DAVID HOCKNEY

Sous-titré roman, le livre de Catherine Cusset, écrivaine française vivant à New York, raconte, comme son titre l’indique, la vie d’un artiste célèbre, né en 1937 dans un milieu modeste, le peintre anglais David Hockney.
Ce dernier a une vie fabuleuse; tout lui réussit. Il est reconnu rapidement alors même qu’il est encore étudiant. Il deviendra riche, très riche, exposant partout dans le monde, à Londres, à New York, à Los Angeles (où il s’établira pour plusieurs années), à Paris, à Tokyo, etc. C’est un artiste heureux, homosexuel, qui vit très librement avec les garçons rencontrés, les parties, l’alcool, la drogue. Il est donc le contraire du génie malheureux, frustré par manque de reconnaissance.
Tout lui sourit. Sa gloire est internationale et sa vie ressemble à celle de “jet-setters”. Il aura plusieurs amants, dont Peter, qu’il peindra dans et autour d’une piscine sous le soleil californien, et que le film de 1974, A Bigger Splash, décrit. Ses toiles évoquent un bonheur quasi inaltérable, si ce n’était la mort qui pointe son nez dans les années 1980 avec le sida. Il y aura aussi la vieillesse, les amis qui meurent de cancer. Il deviendra sourd rapidement et subira deux AVC. Il aura aussi de mauvaises critiques à une époque où les peintres abstraits ont le haut du pavé. Mais cela n’entamera pas son énergie, acceptant des expositions dans des galeries et des musées, et des contrats pour des décors d’opéras.
Il n’arrête pas de dessiner. Le dessin, quels que soient les moyens pour l’exploiter, y compris les nouvelles technologies comme le fax, le iPhone et le iPad, c’est toute sa vie. Il recherche de nouvelles techniques, s’interroge sur l’espace pictural, en particulier sur la perspective.
Vie de David Hockney trace rapidement (le livre n’a que 185 pages) le portrait d’un artiste en perpétuelle jeunesse. Le roman de Catherine Cusset est celui d’une admiration qui rend dans un style sans affect le monde sensible de Hockney. Cette vraie-fausse biographie est un livre lumineux comme les œuvres du peintre, qui se lit d’une traite.
Colette et les siennes / Dominique Bona. Paris: Bernard Grasset, 2017. 429p.
Vie de David Hockney / Catherine Cusset. Paris: Gallimard, 2018. 187p.