A-t-on vraiment besoin de présenter Anthony Fauci, cet immunologue expert du VIH depuis le début des années 80, que tout le monde a vu à la télévision en train de tenter de garder son sang-froid lors des conférences de presse de Donald Trump sur la Covid-19 ? Cette vedette de l’infectiologie a conclu la plénière d’ouverture de la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) 2021, qui se tient en virtuel cette année, avec une présentation passionnante sur les leçons à tirer de la lutte contre le VIH pour la pandémie de Covid-19.
Question de bien contextualiser, voici quelques chiffres d’abord. En 40 ans d’épidémie, le VIH/sida a infecté plus de 76 millions de personnes dans le monde et causé plus de 32 millions de décès. En un an, le Sars-CoV-2 a infecté près de 115 millions de personnes et causé 2,5 millions de décès. Du jamais vu depuis la grippe espagnole en 1918.
Il y a beaucoup de points communs entre les deux épidémies comme le rôle déterminant des cas asymptomatiques pour la transmission.
- En effet, 59 % des transmissions de Sars-CoV-2 viennent de personnes asymptomatiques et nous le savons les infections à VIH aujourd’hui ont lieu principalement du fait de personnes qui ignorent leur séropositivité.
- Autre point commun, les deux épidémies exacerbent les inégalités et touchent davantage certains groupes que d’autres, comme les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et les personnes noires pour le VIH et pour la Covid-19, les personnes à faibles revenus ou les minorités ethniques (en particulier issues des communautés noires et hispaniques aux États-Unis).
Anthony Fauci est revenu sur l’engagement des communautés les plus touchées dans la recherche VIH grâce à la lutte activiste et l’engagement communautaire dans la recherche clinique qui, selon lui, a été reproduit dans la recherche vaccinale liée à la Covid-19 aux États-Unis.
Il a mis également en parallèle le rôle important des interventions thérapeutiques dans le VIH avec le Tasp, la Prep et les anticorps monoclonaux efficaces en prévention du VIH. Une méthode qui s’applique à la Covid-19 avec des anticorps monoclonaux qui évitent 80 % des infections en préventif.
En ce qui concerne le vaccin
Celui qui dirige depuis 1984 le centre de recherche du département américain de la santé en maladies infectieuses, admet que la mise au point d’un vaccin efficace contre le VIH demeure un défi, mais la recherche a beaucoup progressé notamment en faisant travailler différents-es chercheurs-es de façon multidisciplinaire. Ces travaux ont profité à l’ensemble de la recherche vaccinale contre différents virus, et bien sûr aux vaccins contre le Sars-CoV-2 en établissant la structure de la protéine spike aujourd’hui à la base de la majorité des vaccins anti-Covid-19.
Anthony Fauci a poursuivi sa démonstration avec le concept d’efficacité contre efficience valable pour les deux virus. Il prend l’exemple de la Prep qui est très efficace pour protéger du VIH mais peu efficiente dans la vraie vie à cause d’une sous-utilisation et des disparités d’accès entre personnes blanche et noires, par exemple. Même constat en ce qui concerne l’accès inégal aux vaccins contre la Covid-19.
Le déni dans les deux épidémies
Anthony Fauci a évoqué les théories de Peter Duesberg dans les années 1990 qui refusait de croire que le VIH était la cause du sida. Des théories qu’il met en parallèle avec les discours complotistes anti-Covid et anti-masques, exacerbés par le pouvoir de nuisance des réseaux sociaux et les fake news, dans une allusion directe à Donald Trump et ses théories fumeuses.
« Nous avons écouté les activistes de la lutte contre le sida. Nous avons appris d’eux et les choses se sont améliorées. Nous avons créé un nouveau paradigme autour de l’engagement communautaire qui est maintenant appliqué à la Covid-19. Espérons que les leçons apprises à la fois du VIH et de la Covid nous aideront concrètement à faire face à de nouvelles épidémies à venir, qui sont inévitables », a conclu Anthony Fauci.
Espérons-le aussi.