Le monde littéraire de Christopher DiRaddo

L’auteur montréalais Christopher DiRaddo est apparu sur la scène littéraire, en 2014, avec son roman The Geography of Pluto. C’était un début de bon augure: l’icône queer de la littérature Andrew Holleran avait déclaré à la sortie du livre que «son véritable emplacement est le cœur humain – c’est pourquoi je ne pouvais pas le poser.»

En avril, DiRaddo publiera son deuxième roman The Family Way (Esplanade Books) où un homme gai de 40 ans explore le sens de la famille alors qu’il aide un couple de lesbiennes à tomber enceintes.

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DiRaddo a également deux nouvelles dans le prochain recueil Here & Now: An Anthology of Queer Italian-Canadian Writing (Longbridge Books). DiRaddo a fait ses débuts queer au sein de Divers/Cité, l’organisation originale de la fierté de Montréal, pour laquelle il était responsable des communications et des relations de presse. Il est le fondateur et l’hôte de la série de lecture et du club de lecture queer Violet Hour, préside la Fédération des écrivains du Québec et est associé à la programmation LGBTQ pour le Festival littéraire international Métropolis Bleu de Montréal où, en 2018, il a cofondé le Blue Metropolis Violet, un prix littéraire annuel décerné à un écrivain LGBTQ canadien reconnu pour l’ensemble de son œuvre. Nous l’avons récemment rencontré.

The Family Way est-il inspiré par des événements de la vie réelle?
Quand j’étais jeune, j’ai évolué dans des cercles militants autour de la fierté. Aujourd’hui, bien que nous ne vivions pas dans un monde post-Fierté, nous avons tout de même obtenu beaucoup de choses pour lesquelles nous nous sommes battus. En même temps, nos vies sont très différentes de celles des familles hétérosexuelles traditionnelles, et je voulais mettre en valeur la famille queer et la célébrer.

J’ai été approché par deux très bonnes amies pour les aider à fonder leur famille et j’ai dit oui. J’étais au début de la quarantaine et, comme bien des homosexuels d’un certain âge, il y avait certaines choses que, plus jeune, je n’aurais jamais pensé faire. Nous n’avons jamais pensé que nous allions pouvoir nous marier ou avoir des enfants. Je ne pense pas que ce soit vraiment quelque chose que je pensais faire un jour. Mais voilà, je l’ai fait. L’ensemble du processus était fascinant pour moi, toutes les choses que je devais faire. J’ai donc romancé mon expérience et l’ai transformée en histoire.

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Quel est le message de The Family Way ?
Que les familles viennent dans toutes les formes et toutes les tailles. J’ai beaucoup de chance, je suis très proche de ma famille biologique, je les considère comme ma famille. Mais j’ai aussi une famille choisie. Comme personnes queer, nous avons travaillé très dur pour que nos relations soient considérées comme légitimes aux yeux du public et dans mon roman, je voulais légitimer différents types de familles.

Le processus d’écriture a-t-il été différent cette fois-ci par rapport à ton premier roman, The Geography of Pluto?
C’était beaucoup plus rapide. J’ai mis 14 ans à écrire Pluto et celui-ci a pris environ six ans. Je pense que cette fois j’ai su comment écrire un livre. Il y a eu beaucoup d’apprentissage avec le premier livre. Je ne dirais pas que j’ai maîtrisé le processus d’écriture, mais j’ai l’impression de savoir comment m’y prendre. Family Way est également sorti très rapidement car il y avait aussi une vraie proximité avec l’expérience décrite.

Quelle est l’importance de ton mentor, l’auteur montréalais Peter Dubé?
Il est extrêmement important pour moi. Il a été mon mentor pour Pluto. Nous nous connaissions un peu avant, mais simplement en étant deux écrivains vivant à Montréal. Mais il a vraiment pu m’aider à changer ce roman, m’aider à avancer sans être envahissant. Certains mentors impriment leur propre style ou vision personnelle à un jeune écrivain. Je n’ai jamais senti ça avec Peter. Il a compris ce que je faisais et dans quelles eaux je naviguais, puis il a essayé de m’aider dans le parcours qu’est l’écriture. Nous sommes extrêmement proches. Il est aussi une famille pour moi, je l’aime beaucoup.

Puelo Deir & Christopher DiRaddo

Tu t’es occupé des communications à Divers/Cité à partir de 1997. Quelle a été l’importance de Suzanne Girard et Puelo Deir, les co-fondateurs de Divers/Cité, dans ta vie?
Ils ont été d’énormes mentors pour moi. J’ai choisi de ne pas écrire sur Divers/Cité dans Family Way car l’organisme était tellement associé à ces deux personnes. Je sentais que si j’écrivais que mon personnage travaillait à Divers/Cité, les lecteurs auraient conclu que mon livre est autobiographique. Ce qui n’est pas le cas. Mon personnage travaille pour un organisme de la fierté de Montréal. C’est comme une sorte d’univers parallèle. Mais Puelo et Suzanne ont été énormes dans ma vie. J’ai étudié le journalisme et les communications à l’Université Concordia, mais j’ai obtenu toute mon expérience pratique durant mes années à Divers/Cité. Ce fut mon baptême du feu. Cela m’a vraiment permis de trouver ma voie. J’ai aussi appris que la communauté est très importante pour moi, que je voulais contribuer à cette communauté, aider les gens à sortir du placard et à se sentir mieux dans ce qu’ils sont. Cela m’est resté et m’a motivé pour mes soirées Violet Hour. C’est un travail de terrain, ce n’est pas comme ça qu’on gagne vraiment de l’argent. Nous le faisons parce que nous aimons notre communauté. Et pour donner aux écrivains une scène, un espace pour rejoindre un public.

Divers/Cité t’a aidé, comme bien d’autres queer à grandir…
Je dirai aussi que Divers/Cité n’était pas parfait. J’ai adoré le côté «on-fait-tout-par-nous-même, avec les moyens du bord, mais j’ai aussi eu des problèmes avec ça. C’était en partie la raison pour laquelle je suis parti quand je l’ai fait. Je me souviens quand Air Canada et Molson étaient nos seuls véritables commanditaires. C’était vraiment important parce que Divers/Cité devenait très cher à produire. Mais au bout d’un moment, les éditions de Divers/Cité devenaient juste une copie conforme des précédentes. Au fil des ans, on a fini par faire à peu près la même chose.

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Après avoir eu un été sans célébrations [physiques] de la fierté l’été dernier à cause de COVID, je ne sais pas si nous avons besoin de toutes les cloches et sifflets. Il est clair que nous avons besoin de nous réunir et de célébrer, mais je n’ai pas besoin d’un festival de la fierté qui dépense des dizaines de milliers de dollars sur des superstars. Je veux surtout voir mes amis marcher dans la rue, pouvoir admirer de beaux spécimens, prendre un verre, danser et m’asseoir dans le village comme nous le faisions autrefois sur la rue Sainte-Catherine. Je lève mon chapeau à ce que réussi à faire Fierté Montréal, mais de plus en plus gros à chaque année, n’est pas nécessairement mieux. Avec le recul maintenant, j’ai adoré le côté «do-it-yourself» de Divers/Cité. Je suis si heureux d’avoir fait partie de cette aventure.

Penses-tu qu’écrire des romans est une autre façon de se souvenir de notre passé?
Je pense qu’il est extrêmement important de se souvenir de notre histoire, je pense que nous oublions souvent d’où nous venons. J’ai eu beaucoup de temps au cours de l’année écoulée pour y réfléchir, et oui, les romans sont définitivement un moyen d’enregistrer l’histoire. J’espère que mes livres complètent le travail d’autres personnes qui documentent notre moment dans le temps.

Christopher at the Quebec Writers Federation

Les librairies LGBTQ comme l’Androgyne de Montréal te manquent-elles?
Beaucoup. C’est une autre raison pour laquelle j’ai créé Violet Hour. L’expérience de la librairie LGBTQ ne consiste pas seulement à acheter un livre et à le lire à la maison. Il y avait un aspect social, à entrer et parler aux gens de ce qui se passe dans la ville, d’échanger sur l’actualité ou sur une récente lecture. C’était juste toujours un excellent lieu pour savoir ce qui se passait dans la communauté. Je m’ennuie de ce genre d’interactions que le public peut encore vivre lors des soirées Violet Hour. Ce genre de soirée permet de rassembler lecteurs et écrivains pour découvrir de nouvelles écritures queer. Il y en a tellement. De plus, à mes yeux les gens qui lisent sont sexys.

T’identifies-tu comme un écrivain gai ou un écrivain qui se trouve à être gai?
Je suis un écrivain gai. Je suis uniquement intéressé à raconter des histoires avec des personnages queer. Je veux écrire les livres que je veux lire. J’ai l’impression qu’il y a plus d’authenticité là-dedans. Alors, oui, je suis un écrivain queer. Et je ne suis pas inquiet si cela limite mes perspectives commerciales. Le succès pour moi est vraiment atteint lorsque mes livres atterrissent entre les bonnes mains, c’est-à-dire les personnes qui ont besoin de ce livre à ce moment-là. Cela peut représenter 500 personnes, peut-être 1000 personnes, peut-être 20 000 personnes ou plus. Mais même s’il ne s’agit que de 500 personnes, je pense que c’est assez incroyable. Alors je laisse ça à l’univers. Tout ce que je peux vraiment faire, c’est de le rendre accessible…

INFOS | The Family Way de Christopher DiRaddo est publié chez Esplanade Books (à partir du 21 avril)

Festival Metropolis bleu / Blue Metropolis, du 24 avril au 5 mai 2021

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