La Cour d’appel de Toulouse se prononcera prochainement, après un avis favorable du parquet général à la demande d’une femme transgenre pour être considérée comme mère de sa fille, conçue avant son opération. Une réponse positive serait une première en France.
«Elle est femme à l’état-civil, elle est parent biologique de l’enfant, donc elle doit apparaître comme mère sur l’acte de naissance de l’enfant», plaide Me Clélia Richard, l’avocate de Claire*, cette femme transgenre, qui souhaite être reconnue comme mère de sa fille, conçue avant son opération.
Malgré les démarches légales engagées par le couple avant la naissance de la fillette en 2014, Claire ne pouvait figurer que comme père sur l’acte de naissance, ce qu’elle a refusé. Pour être reconnue comme mère, la justice a conseillé au couple de passer par une procédure d’adoption.
«Inimaginable, elle ne pouvait pas adopter un enfant qu’elle avait conçu», insiste l’avocate.
Depuis 2014, Claire, 52 ans, se heurte à un vide juridique et espère enfin avoir gain de cause. L’audience est programmée en juin, puis les cinq juges de la chambre civile de la Cour d’appel de Toulouse rendront leur décision en septembre. En première instance en 2016, le TGI de Montpellier avait rejeté la demande.
En 2018, la cour d’appel de Montpellier lui avait accordé le statut de «parent biologique », un jugement inédit, cassé par la Cour de cassation, jugeant que cette catégorie n’existe pas en droit français, qui n’a que deux options : «père» ou «mère». «C’est une procédure qui présente de forts enjeux de société et soulève des questions juridiques complexes, qu’il appartient désormais à la Cour d’appel de Toulouse de trancher», dit le procureur général de Toulouse Franck Rastoul.
Dans ses conclusions, le ministère public estime que Claire «doit pouvoir figurer sur l’acte de naissance de l’enfant en qualité de mère», avec mention du jugement du TGI de Montpellier de 2011, qui a entériné le changement de sexe de Claire sur les registres de l’état civil. Le procureur général met en avant dans ses réquisitions l’intérêt de l’enfant pour que la fille du couple puisse «mener une vie familiale normale, conforme à l’identité de genre et à l’état-civil de ses deux parents».
«Les conclusions du parquet général sont plutôt satisfaisantes, l’essentiel pour nous c’est d’avoir une filiation maternelle établie», souligne l’avocate de Claire.
Fait rare, l’épouse de Claire, et mère de leurs deux premiers enfants, a accompagné la transition de Claire qu’elle a épousée en 1999. «C’est une belle histoire d’amour, un couple très uni», dit Me Richard. «La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), souligne-t-elle, a été saisie de cas, en Allemagne et au Royaume-Uni, d’enfants nés après la transition et dont la filiation a été établie sur la base du sexe d’origine. J’espère que la France va donner l’exemple».
(*) Claire est un pseudonyme