HBO présente un Los Angeles des années 70 dans lequel Joyce (Ophelia Lovibond) ne rêve que d’une seule chose : lancer un magazine féministe! Elle en d’ailleurs déjà trouvé le titre, qui lui semble très accrocheur : The Matriarchy Awakens (L’Éveil du matriarcat). Malheureusement pour elle, le milieu de l’édition étant dominé par des hommes conservateurs, le seul éditeur intéressé par son projet s’avère être Doug (Jake Johnson) spécialisé dans la porno de bas étage.
Les éditions Bottom Dollar (traduit par l’irrésistible titre des Éditions Fourre-tout dans le doublage) s’adressent effectivement à une clientèle d’hommes hétérosexuels et se déclinent dans des titres couvrant tout aussi bien l’érotisme générique que les femmes enceintes, les religieuses, etc. Les deux univers n’auraient donc jamais dû se rencontrer, mais les circonstances vont cependant amener ce rapprochement pour le moins improbable.
Doug croit véritablement au concept du magazine, mais cache également un besoin de se réinventer dans un projet porteur et légitimisant. De son côté, Joyce fait face à un constat : si elle veut que son magazine voie le jour, elle doit composer avec la réalité et accepter de signer un pacte avec ce qui lui semble, à première vue, être le diable. Des compromis vont cependant devoir se faire, de part et d’autre, pour permettre la coexistence des nobles idéaux de Joyce et des visées « bassement » mercantiles de Doug.
Le titre est ainsi changé pour un concept plus vendeur – Minx (Friponne) – et Doug impose un contenu de photos érotiques masculines afin d’attirer un maximum de regards et balancer l’aspect plus sérieux, voire académique, du magazine. Minx devient ainsi le premier magazine érotique féminin à contenu politique de son époque.
Dès le premier épisode, la question du nu masculin s’impose comme un enjeu de taille, sans jeu de mots, et donne droit à des scènes savoureuses, notamment une sur l’existence ou non d’une érection dite féministe. On pourrait craindre que la série se contente d’évoquer le nu sans jamais le montrer ou en le limitant surtout aux femmes, mais rien n’est ici moins vrai puisque le spectateur a droit à de nombreuses séances photos et à un défilé de modèles dont certains se révèlent être plus que gâtés par la nature.
Une galerie de personnages secondaires collabore au projet : Bambi (Jessica Lowe), une ancienne mannequin aux airs bimbo qui s’avère des plus astucieuse, Richie (Oscar Montoya), un photographe gai qui se régale des possibilités artistiques et ludiques du projet, Tina (Idara Victor), une adjointe de direction afro-américaine qui tient littéralement ensemble toutes les composantes de la maison d’édition et Shelly (Lennon Parham), la sœur de Joyce qui réalise progressivement le plaisir d’exister à l’extérieur d’un rôle de femme au foyer. Chacun des personnages est développé avec soin et évolue avec adresse sur un fil de fer : le cliché n’est jamais très loin, mais on n’y sombre jamais, tout au contraire.
La série évoque également les préjugés propres à cette période, de même que la libération qui se profile à l’horizon, l’emprise de la mafia sur le milieu des affaires dit marginal (la porno, les bars, etc.), l’ultraconservatisme des élus municipaux, les descentes de police, de même que l’emprise de l’Église catholique sur la morale publique (un article sur la pilule contraceptive cause plus d’enjeux que le nu d’une double-page centrale). La série évoque également une appropriation rapide de la communauté gaie pour le magazine, tant pour son contenu en images qu’en textes, même si on reste un peu sur sa faim.
Demeure cependant un concept extrêmement déjanté et déluré, qui met en scène une distribution remarquable, propose une réflexion assez juste et toujours actuelle sur les relations de pouvoir et une soumission aux dictats sociaux tout en maintenant un ton léger et un humour pince-sans-rire. Ajoutons à cela le plaisir de plonger dans une reconstitution soignée et profondément jubilatoire des années 70. La série est disponible sur Crave. Un doublage français de très grande qualité, réalisé au Québec, est également disponible.