La Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA) est engagée de plain-pied dans la 24e Conférence internationale sur le sida, qui se tiendra au Palais des congrès du 29 juillet au 2 août (avec un volet local les 27 et 28 juillet). On désire surtout faire entendre la voix des groupes communautaires lors de ce grand rassemblement, mais on souhaite aussi faire pression sur le gouvernement fédéral afin qu’il augmente les budgets alloués à la lutte contre le VIH-sida au Canada et à l’étranger. La COCQ-SIDA lancera également des consultations pour revisiter et actualiser le texte du « Manifeste de Montréal ».
Au départ, cela n’allait curieusement pas de soi d’inviter des groupes communautaires et des activistes à ces conférences internationales où ne participaient que des médecins et des scientifiques. Il a fallu attendre la 5e Conférence internationale, à Montréal en 1989, lorsque des militant.e.s de ACT-UP, entre autres, ont fait irruption avec grands fracas au Palais des congrès et ont retardé pendant plus d’une heure les discours d’inauguration. « Aujourd’hui, nous sommes l’ONG (organisme non gouvernemental) partenaire principal local de cette conférence », indique Ken Monteith, le directeur général de la COCQ-SIDA qui regroupe plus d’une trentaine de groupes communautaires québécois.
Revoir le « Manifeste de Montréal »
Le premier legs de la 5e Conférence (1989), c’est justement ce qui a été appelé le « Manifeste de Montréal », soit une « Déclaration internationale des droits et des besoins de la personne atteinte du VIH ». Ce manifeste revendiquait le droit pour les personnes atteintes d’avoir des médicaments en essai, étant donné l’urgence qui existait à l’époque et que des milliers de personnes décédaient de cette maladie. On réclamait aussi que les gouvernements mettent sur pied des fonds pour combattre la maladie et financer les groupes communautaires afin de lutter contre la discrimination et la stigmatisation, mais aussi pour lancer des campagnes d’information et de sensibilisation.
« Nous parlons avec nos partenaires internationaux et locaux pour actualiser les demandes qui étaient inscrites en 1989 », explique Ken Monteith. « Il est important d’actualiser les demandes. Les traitements et les médicaments ont changé, oui, mais pas la stigmatisation et la criminalisation, qui demeurent dans plusieurs pays. On a donc lancé les consultations pour présenter les nouvelles demandes à la Conférence. On espère tenir un lancement d’une nouvelle déclaration le 26 juillet, puis faire signer ce Manifeste jusqu’au 1er décembre. L’International AIDS Society (IAS), qui organise le congrès, fera la promotion du Manifeste, qui deviendra par la suite la toute nouvelle Déclaration officielle de Montréal. […]»
La COCQ-SIDA aura son propre kiosque au Palais des congrès dans ce qu’on nomme le Global Village (Village global). Ce kiosque mettra en valeur les membres de ce regroupement et leurs bons coups en termes de lutte contre cette maladie. « On organisera des visites guidées de ce Village pour montrer aux gens les autres réalités et ce que font les autres organisations à travers le monde », poursuit Ken Monteith.
COCQ-SIDA collabore déjà avec deux organismes communautaires, l’un américain et l’autre d’Afrique du Sud, sur un projet de campagne mettant de l’avant le fameux sigle I=I, c’est-à-dire indétectable = intransmissible (U=U, en anglais). Rappelons que si on est diagnostiqué, que l’on prend des médicaments et que la charge virale est indétectable, le virus n’est plus transmissible à une autre personne, et ce, même si l’on a des relations sexuelles sans condoms. « On désire s’inspirer de ces deux organismes pour une nouvelle campagne d’information en français pour le Québec, mais aussi [pour] un appui [sur le plan]international […] », dit Ken Monteith.
Autres activités et revendications
La COCQ-SIDA collaborera avec la Fondation québécoise du sida pour organiser une table ronde durant la Conférence internationale, avec des représentant.e.s des trois paliers de gouvernement. « On veut faire pression et sensibiliser les politiciens pour qu’il y ait un consensus autour du VIH et pour éliminer le virus d’ici 2030 », indique le directeur général de l’organisme. On suit, ici, les souhaits d’ONUSIDA d’éliminer le virus par le dépistage, le traitement des personnes atteintes et l’intransmissibilité, donc en arriver à ce qu’il ne soit plus en circulation. Le gouvernement fédéral a gelé les fonds dédiés au VIH-sida, et ce, depuis 2008. Depuis cette date, seulement 73 millions de dollars sont alloués par année à cette maladie, dont 26 millions de dollars pour les groupes communautaires. « C’est nettement insuffisant », déclare Ken Monteith. « Les besoins ont changé. Nous collaborons avec d’autres groupes sida pancanadiens pour faire pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il augmente le financement à 100 millions de dollars par an et on va saisir l’occasion de la Conférence internationale pour qu’il débloque des fonds. »
« Cet automne, nous reviendrons à la charge pour demander au gouvernement Trudeau de rehausser sa part au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le gouvernement fédéral avait annoncé, en 2019, une augmentation de 16 %. Mais encore là, ce n’est pas assez. On estime qu’environ 44 millions de personnes ont été sauvées par ce Fonds depuis 2002. Nous sommes un pays riche et on croit que le gouvernement fédéral devrait augmenter de 30 % ces subsides au Fonds, pour atteindre un milliard de dollars pour lutter contre ces maladies partout dans le monde. Cela sera bénéfique pour nous aussi puisque, moins ces maladies circulent et moins elles peuvent infecter des gens ici au Canada. On en ressort gagnant », croit Ken Monteith.
Le monkeypox
Bien sûr, tout comme lors de notre entretien avec le Dr Jean-Pierre Routy, vice-président local de la Conférence (voir article P. 30), on ne pouvait pas passer à côté du sujet de l’heure, soit la « propagation » de la variole du singe. En date du 3 juin dernier, on rapportait 77 cas au total au Canada, dont 71 au Québec. La majorité des cas concernent des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH).
« Il faut calmer les gens, parler de l’impact de la stigmatisation que cela entraine chez ceux qui sont atteints », souligne Ken Monteith. « Ce n’est pas une identité sexuelle, c’est un virus qui, en plus, est contracté par des contacts de proximité. Donc oui, cela affecte les HARSAH mais pas uniquement eux. Il faut véhiculer encore plus l’information sur les symptômes, le temps d’incubation, etc. Il ne faut pas blâmer les gens comme on l’a fait auparavant avec le sida à ses tout débuts. »
En effet, il faut qu’il y ait un contact direct avec une personne infectée, avec les lésions, etc., pour en être infecté. Donc, il ne suffit pas de serrer la main de quelqu’un pour être contaminé. « Cela représente bien notre monde actuel, qu’un virus qui était diagnostiqué à l’origine dans une vallée en Afrique se retrouve à infecter des gens ailleurs sur la planète, parce que les gens voyagent beaucoup plus qu’avant et, donc, [font] circuler ce virus. Mais ce n’est pas un nouveau virus, il est connu depuis très longtemps et on peut le traiter efficacement. Il y a même un vaccin. Cela n’a pas la même envergure que le sida avait […] », de noter ledirecteur général de la COCQ-SIDA.
INFOS | Pour ceux et celles qui désirent prendre part à la consultation sur le « Manifeste de Montréal », voir les renseignements sur le site Web suivant : fr.surveymonkey.com
Pour toutes les autres infos : www.cocqsida.com