Vendredi, 4 octobre 2024
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    Bons baisers du Qatar ?

    Le Canada participera en novembre 2022 à la Coupe du monde de soccer au Qatar. L’équipe masculine n’avait pas participé à cet événement depuis 1986. Le Qatar — un pays qui va jusqu’à infliger la peine de mort pour homosexualité — est extrêmement flou concernant la démonstration d’affection hétérosexuelle.

    De plus, les travaux liés à l’événement auraient mené à la mort de plus de 6 500 travailleurs migrants. Fugues a pu s’entretenir avec les joueurs de l’équipe nationale masculine de soccer — aussi joueurs pour le CF Montréal — Alistair Johnston et Samuel Piette, afin de discuter d’homosexualité dans le monde du soccer.

    La Coupe du monde au Qatar est controversée au niveau moral. Avez-vous eu des discussions dans votre équipe à ce sujet ?
    ALISTAIR : Il y a certainement eu des discussions dans l’équipe par rapport à ça. Je pense que, pour nous, c’est frustrant que la première Coupe du monde à laquelle on participe en soit potentiellement une dans laquelle on ne se sent pas bien d’un angle moral. En même temps, nous souhaitons aussi regarder le positif de la situation : c’est la Coupe du monde et même si nous aimerions participer à une Coupe du monde en Angleterre, au Brésil, etc., le Moyen-Orient mérite d’avoir aussi une Coupe du monde. C’est bien aussi que nous-mêmes accueillerons la Coupe du monde en 2026. Enfin, ils vont à des places différentes !

    En même temps, ils ne s’alignent peut-être pas avec nos valeurs. Donc je sais que beaucoup de personnes dans les équipes se sont exprimées pour un boycott. Je dirais que, pour nous, on n’est pas enchantés par les conditions des travailleurs et par d’autres choses que nous tenons pour acquises, alors qu’eux ont des problèmes avec l’égalité et des trucs du genre. Donc ce sont certainement des enjeux qui mettent en perspective les choses pour nous, Canadiens, et qui nous font comprendre à quel point nous sommes chanceux. Nous comprenons ça.

    Par exemple, notre équipe est allée jouer à Haïti juste avant qu’il y ait un coup d’État. Ça nous a fait comprendre à quel point nous étions chanceux d’habiter au Canada. Ce n’est pas quelque chose qui nous a échappé et ça rend le fait de représenter notre pays et [de] chanter notre hymne national encore plus spécial. Ça nous donne une raison de plus de [nous] battre pour notre pays.

    On se servira de ça pour faire comprendre à quel point il est spécial et précieux d’être Canadien et de représenter ce pays.
    SAMUEL : Au final, on n’y va pas comme touristes pour profiter de l’endroit, on y va vraiment pour la business. Mais c’est sûr que s’il y a quelqu’un dans notre équipe qui est homosexuel, peut-être que lui se sentira moins à l’aise dans un environnement comme ça. Peut-être que même moi, en tant qu’hétéro, je ne vais pas bien me sentir, tout simplement avec les conditions de la place. Je ne veux pas trop m’avancer parce que, oui, on entend certaines choses, mais c’est sur place qu’on va vraiment le voir et le sentir. Aussi j’ai entendu le truc de ne pas avoir de relations sexuelles là-bas… Tu ne vas pas là pour ça, mais en même temps si tu es là pendant deux mois… Il y en a qui ont besoin de ça pour performer, chaque personne est différente !

    Avez-vous constaté de l’homophobie dans le monde du soccer ?
    ALISTAIR : Je n’ai pas joué en Europe, mais je sais que traditionnellement dans d’autres ligues il y a plus d’homophobie. Je pense qu’on a fait un bon boulot ici dans la MLS et en Amérique du Nord, en ce qui a trait à l’inclusion. Si je regarde nos partisans dans les gradins, je vais trouver plein de gens qui soutiennent ça et qui ont des drapeaux. C’est ça le football. Pour nous, le football ce n’est pas juste un groupe particulier comme pour d’autres sports. C’est un melting pot de personnes avec différentes cultures et visions politiques. Je pense que c’est pour ça que ce sport est si spécial. Je pense que l’équipe nationale féminine a permis de mettre la lumière là-dessus et a beaucoup aidé. Nous nous inspirons d’elle. Maintenant, il faut vraiment partager ça avec le reste du monde, parce que c’est là où nous sommes rendu.e.s.

    Avez-vous déjà joué avec un joueur que vous saviez homosexuel ?
    ALISTAIR : Je n’ai jamais joué avec quelqu’un qui a fait un coming out, mais c’est sûr que dans l’équipe féminine c’est quelque chose qui arrive plus souvent. Est-ce que je pense qu’il y a encore un stigmate autour du coming out dans le sport ? Bien sûr. Et c’est un problème qui doit être soulevé, parce que nous voulons être un espace sécurisant. Je sais que dans les dernières années il y a eu plus de coming out qu’auparavant. C’est un signe qu’on est dans la bonne direction : que les gens se sentent « confortables » de sortir du placard et que les coéquipiers n’ont pas l’air « inconfortables » à ce sujet. Peu importe ton lieu de travail, tu as envie d’être « confortable » dans ton propre corps, tu ne devrais pas avoir peur d’aller travailler, et c’est quelque chose qui doit s’appliquer des vestiaires à la direction, en passant par les entraineurs et les employés. C’est quelque chose qui est poussé dans la ligue.

    Samuel Piette

    Je ne serais donc pas surpris de voir des coming out arriver de plus en plus.
    SAMUEL : À ma connaissance, non. Je ne peux donc pas donner d’exemple de comment les autres joueurs ont réagi. Mais je trouve que dans notre sport c’est beaucoup plus accepté et ça serait un peu plus « normal » de sortir du placard que dans un autre sport.


    J’ai l’impression que le soccer rallie plus que d’autres sports, peu importe la couleur de peau, ton sexe, ton orientation sexuelle… Est-ce que c’est la même chose dans les vestiaires, dans une équipe professionnelle ? Je ne pourrais pas dire, mais je ne serais pas surpris. Si quelqu’un dans l’équipe faisait un coming out, avec les joueurs qu’on a, je ne pense pas qu’il y aurait de problème. Mais je sais que c’est sûrement différent ailleurs. En Amérique du Nord, il y a beaucoup d’effort pour montrer qu’on est tous éga[ux] au final.

    Pensez-vous que s’il y a peu de personnes ouvertement LGBTQ+ dans le soccer professionnel, c’est parce que les joueurs professionnels ont peur de come out, ou parce que les LGBTQ+ sont découragés et craintifs avant même d’avoir atteint les niveaux professionnels ?
    ALISTAIR : Le meilleur moyen d’analyser cette situation est de voir comment ça se passe du côté féminin. Quand tu as des exemples et des personnes d’aussi haut niveau de qui tu peux t’inspirer et qui sont LGBTQ+, je pense que ça aide des personnes plus jeunes à sentir qu’[elles] ont leur place et qu’[elles] peuvent jouer à ce sport autant qu’[elles] veulent. Du côté masculin, ça a été un peu plus compliqué. Il n’y a pas eu autant de modèles. Tout comme il n’y a pas eu tant d’exemples de joueurs de soccer canadiens. J’ai grandi sans équipe canadienne masculine qui allait à la Coupe du monde, donc je n’ai jamais pensé pouvoir jouer à la Coupe du monde. Il y a donc une dynamique similaire qui rend la chose presque systématique. Plusieurs personnes sont donc exclues presque automatiquement, avant d’avoir eu une chance. Il faut certainement se pencher sur ce problème. Il faut rendre l’expérience accueillante de la base jusqu’au haut niveau. Je pense que même s’il y a encore beaucoup de travail à faire, le soccer fait du bon boulot à cet égard.

    SAMUEL : Bonne question. Ça pourrait être un peu des deux. C’est très possible que dans mon équipe il y ait du monde dans le placard et qu’on ne le [sache] jamais parce qu’il y a une crainte de se dévoiler, mais je ne pense pas. Mais, oui, c’est dommage. Avec tous les efforts qui sont faits, ils ne devraient pas avoir peur. Après, c’est possible en effet que ces personnes aient été découragées avant et se sont arrêtées plus tôt par peur, alors qu’au final ça n’aurait rien changé.

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