Lundi, 21 avril 2025
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    Québécois.e.s, des victimes incapables de se voir bourreaux ?

    Faut-il vraiment un homme blanc francophone né au Québec de parents blancs francophones nés ici et d’ancêtres blancs francophones ancrés sur le territoire depuis des siècles pour nommer cette vérité que tout le monde semble vouloir taire ? La nation québécoise, longtemps dominée par les Français et les Anglais, semble incapable d’assumer sa propre tendance à la discrimination. Un peu comme si nous entretenions perpétuellement notre vieille posture de victime et que nous faisions depuis des décennies l’économie d’un examen de conscience.

    Cette chronique est l’équivalent d’une marche en terrain miné. Je sens déjà l’odeur des tomates qui me seront lancées. Je vois les boucliers levés avant la fin de mon texte. J’entends les répliques et les insultes des voix qui tenteront de faire de moi un individu qui n’aime pas son Québec, sa langue et sa culture, parce qu’il ose émettre un avis discordant. Pourtant, il faudra bien un jour qu’on arrive à se regarder dans le miroir et qu’on se dise les choses telles qu’elles sont : notre passé d’agressé.e.s n’excuse et ne justifie en rien notre présent d’agresseur.e.s. À mon grand regret, notre population est devenue bourreau en entretenant d’innombrables préjugés, en laissant en place des systèmes tendancieux et en passant des lois qui discriminent les personnes issues des communautés culturelles, les membres des Premières Nations, les personnes LGBTQ+ et celles qui n’ont pas le français comme langue première.

    Je n’entreprends pas l’écriture de cette chronique de 850 mots avec la prétention d’aborder chacun de ces enjeux dans le menu détail. J’essaie plutôt de soulever une hypothèse — parmi tant d’autres raisons — expliquant notre incapacité à voir le mal que nous causons en tant que nation. Je nous invite à retirer nos œillères et à remettre en question nos actions. Les faits sont indéniables : il y a du racisme au Québec. Les personnes non blanches sont plus susceptibles de se faire interpeler par la police, de se voir refuser la location d’un appartement ou l’accès à un emploi, en plus de subir des frasques racistes au quotidien. On ne dit pas que tout le Québec est raciste chaque seconde de chaque minute. On dit qu’il y a un problème grave, qui dure depuis trop longtemps, tel un système. En plus de refuser l’existence du racisme systémique, le premier ministre se fait réélire d’élection en élection en
    s’affichant comme le défenseur de la culture québécoise. Il réactive nos vieux réflexes de colonisé.e.s. Il nous impose à nouveau la posture de victimes. Il attise les braises de la peur de l’Autre. La peur de se faire dire qui être, comment agir et de quelle façon grandir.

    Pourtant, cette vieille vision manichéenne est à pleurer d’ennui. Je ne crois pas me tromper en affirmant que la majorité de la population ne veut pas retourner à la vieille nation québécoise blanche, unilingue, ultra catholique et suintant la fermeture à l’évolution. Nous ne retournerions pas à la nation québécoise qui n’accorde aucun droit aux femmes. Nous ne voudrions pas non plus de cette nation québécoise qui enfermait par centaines les personnes qui ne respectaient pas les vieux codes « homme + femme = bébés à venir pour perpétuer le futur du Québec ». Eh bien, il est temps d’aller plus loin ! Je ne veux pas non plus d’une nation québécoise qui se ferme aux autres cultures, parce qu’elle est trop bornée pour s’intéresser aux autres.

    Ou parce qu’on l’a tant menacée qu’elle ne voit aucune autre solution que de prendre la position inverse pour se préserver. Je veux une nation québécoise qui évolue, qui protège sa langue et sa culture sans écraser celles des autres, qui voit les personnes issues de l’immigration comme des milliers de plus au tissu social plutôt qu’une série de nouveaux dangers pour la communauté, qui comprend que les façons d’aimer se multiplient, qui prend conscience que les nouvelles générations peuvent parler deux ou trois langues, même si les plus vieilles ont longtemps peiné à en parler une correctement.

    Bref, je veux une nation qui ne se laisse plus berner par les vieilles politiques qui ravivent les blessures incrustées dans notre mémoire intergénérationnelle. Une nation qui accepte de se remettre en question, et de se faire critiquer. Une nation qui est assez mature pour ne pas dire aux personnes immigrantes de retourner chez elles si elles osent vouloir améliorer leur terre d’accueil. Une nation qui est assez sage pour ne pas faire taire les Blancs-Blanches-né.e.s-au-Québec-qui-critiquent-le-Québec en les résumant au mot « woke », parce qu’ils sont trop paresseux ou que leur cerveau est trop fatigué pour utiliser des mots adéquats. Une nation qui n’a pas besoin de créer un raz-de-marée d’opprobres sur les réseaux sociaux pour répliquer à des arguments pertinents et bienveillants, même s’ils sont souvent difficiles à entendre.

    La nation québécoise n’est pas une enfant. La nation québécoise n’est plus une victime. La nation québécoise doit cesser d’écraser ce qui lui fait peur, en se croyant perpétuellement non-coupable d’oppression, parce que son histoire est chargée de l’amertume des opprimé.e.s.

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