Dimanche, 10 novembre 2024
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    Être la première «date» homosexuelle d’un homme adulte

    Au cours des derniers mois, j’ai daté trois hommes qui avaient un point en commun: ils expérimentaient leur toute première rencontre homosexuelle, alors qu’ils avaient plus de 25 ans. Ils étaient la preuve vivante que les hommes ont de moins en moins peur d’expérimenter. Pour le meilleur… et parfois pour le pire.

    Le premier m’avait approché sur Grindr sans photo de profil. J’ai résisté à l’idée de le supprimer automatiquement. La discussion a débuté. Le charme a opéré. Des photos de son visage ont été envoyées. Dès le début de notre rendez-vous, il m’a annoncé que j’étais le premier homme qu’il datait. Surpris, je me suis demandé pourquoi moi? J’imaginais que, malgré ma stature, mes cheveux longs et mon attitude anti-mâle-alpha lui permettaient de faire une transition en douceur de son intérêt des femmes aux hommes. Je ris encore d’avoir imaginé une telle hypothèse. Peu importe, notre date s’est transformée en fréquentation. On franchissait les étapes de l’intimité une à la fois. Il disait se sentir très à l’aise, ajoutant que ses migraines carabinées disparaissaient en ma présence.

    Comme si le fait de laisser respirer une partie de lui-même lui permettait de relâcher quelques tensions. Le deuxième était l’équivalent d’un fantasme: style Legolas dans Lord of the Rings, avec des avant-bras d’alpiniste capables de te construire une maison en une nuit. Bref, il me faisait shaker les rotules. J’ai néanmoins marché jusqu’au café sans tomber. Quand il m’a appris qu’il utilisait Tinder pour les femmes ET les hommes pour la première fois, mon réflexe n’a pas été de remettre en question sa sexualité ni d’imaginer qu’il allait certainement me tromper un jour. Je me suis plutôt exclamé: «Ça doit être tellement de gestion, tous ces gens à swiper et avec qui parler!». Il a répliqué que non, qu’il était difficile et que j’étais le seul, parmi les hommes et les femmes, qu’il avait rencontré.

    Les feux d’artifices ont éclaté dans ma tête. J’ai roucoulé intérieurement durant notre discussion de plusieurs heures. Espéré le revoir. Attendu. Attendu encore. Jusqu’à ce que je comprenne qu’il avait besoin de BEAUCOUP de temps en solo pour mieux savoir ce qu’il voulait. Le troisième était son opposé et sa copie conforme. S’il ressemblait davantage à Frodon dans LOTR, il a lui aussi choisi de se retirer dans ses terres pour apprendre à voir plus clair. Chaque fois, chez moi, la même frustration. Le sentiment d’avoir été charmé, l’impression d’avoir suscité un intérêt véritable et le souhait d’aller plus loin, jusqu’à ce que mon nez se cogne contre le mur de la réalité: les premiers pas viennent souvent – pas tout le temps – avec des hésitations, des chutes, des retours en arrière, dans la zone de confort ou dans l’entre-deux qui n’engage à rien.

    Ces trois débutants de la chose homosexuelle n’étaient pas prêts à l’engagement, peu importe la latitude que je leur offrais. Même si j’avais crié ou chialé, rien n’aurait changé. Ils avaient besoin d’apprivoiser un concept qu’ils avaient longtemps cru étranger à leurs envies, de déconstruire certains préjugés et de réécrire l’histoire de leurs désirs.  J’aurais pu accepter une quatrième date sans rapprochement avec l’un, une fréquentation sans ancrage avec l’autre ou un baiser volé tous les quatre mois avec le troisième, mais je voulais autre chose. Je me questionne parfois sur les raisons qui poussent les hommes à attendre si longtemps avant de tester leurs désirs homosexuels.

    Je sais que certains d’entre eux vivaient dans des pays où l’homosexualité était à ce point condamnée qu’ils ont préféré se cacher ou ne rien tenter. D’autres, originaire d’ici ou d’ailleurs, ont simplement senti ces désirs jaillir durant leur vie d’adulte. Quelques-uns manquaient d’écoute face à leur nature profonde et craignaient peut-être de voir leur «masculinité» ébranlée. Par la suite, lorsqu’ils décident de rencontrer un homme, la vitesse d’action varie assurément d’une certaine à l’autre. Si certains bisexuels/pansexuels/bi-curieux/gais sur le tard décident d’y aller à fond de train pour rattraper ce qu’ils considèrent comme du temps perdu, d’autres avancent à pas de tortue.

    Parfois pour respecter un schéma de rencontres que la culture homosexuelle a imposé dans leur imaginaire. D’autres fois, parce qu’ils ont besoin de goûter à chaque étape, de l’intégrer et de voir jusqu’où ils sont prêts à aller. Cela dit, je me demande encore pourquoi les trois hommes évoqués ci-haut ont senti qu’ils devaient vivre leurs premiers pas avec moi. Était-ce parce que je ne leur parlais pas de la taille de ma queue après avoir dit bonjour et qu’ils avaient l’impression que je ne leur sauterais pas dessus à la première occasion? Ou peut-être y avait-il une forme de non-jugement dans mon regard?

    Quelque chose qui leur confirmait qu’ils pouvaient tâter le terrain, rencontrer, frencher, coucher, changer d’idée. Sans être brusqués. Sans être ostracisés. Sans être définis par qui que ce soit d’autre qu’eux-mêmes. Même si le rôle d’initiateur n’est pas fait pour tout le monde, j’aime imaginer que les hommes (et les femmes) se donnent de plus en plus le droit d’essayer.

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