Vendredi, 29 mars 2024
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    Héros de notre histoire, Karl-Gilbert Murray

    Originaire de Lachute — où il vit toujours dans la maison familiale de son enfance —, Karl-Gilbert Murray a poursuivi une maîtrise en études des arts et des études doctorales en histoire de l’art. Il a œuvré dans des institutions muséales, dont le Musée régional d’Argenteuil, le Musée d’art contemporain des Laurentides et le Musée Pointe-à-Callière. Tout en étant impliqué en tant qu’adjoint à la direction et à la rédaction de la revue d’art actuel ETC, il a rédigé, à titre de critique, de nombreux articles dans des revues spécialisées, notamment Parachute, Spirale, Espace sculpture et Vie des arts.
     
    Les domaines d’intérêt et de recherche, précise-t-il, « portent sur des questionnements identitaires (Cultural Studies, Gender Studies, Gay Studies, la Queer Theory et les théories sur l’art féministe) qui interrogent les croisements entre les études de genre et les questions sous-jacentes aux sexualités alternatives, en particulier gay et queer dans le champ des arts visuels1 ».

    C’est ainsi que, comme commissaire indépendant, il organisera au fil des ans plusieurs expositions de créateurs interpellés par les enjeux de l’homosexualité. Parmi eux, Pierre Dalpé, intéressé par les rapports entre le corps, l’identité et le travestissement ; et Attila Richard Lukacs, connu pour ses tableaux illustrant « des personnages masculins caricaturaux, tels que des skinheads gays et des élèves officiers [avec des] références crues à la sexualité homo-érotique2 ». Retenons également Evergon avec ses thèmes récurrents autour du genre, de la masculinité et de l’image corporelle, où « la sexualité masculine s’inscrit comme moteur de sa création3 ».

    Rappelons aussi l’importance historique de l’exposition : Le Corps gay. Inaugurée le 8 septembre 2002 au Centre d’exposition du Vieux-Palais4 à Saint-Jérôme, elle circulera dans divers lieux de présentation à travers le Québec et l’Ontario. Réparti en quatre volets5, avec l’objectif « de démontrer comment la sexualité des hommes gays se concrétise dans l’art actuel », l’événement regroupe une vingtaine d’artistes, tous canadiens6, que Karl-Gilbert Murray considère comme les pères fondateurs de la libération gay. Selon lui : « Le but n’était pas d’élucider les stéréotypes populaires associés à l’homosexualité masculine, mais plutôt de mettre en évidence la diversité identitaire au sein de la culture gay7 ».

    C’est cette même diversité qu’il cherchera à révéler aux cinéphiles en étant commissaire de programmes vidéographiques au Festival international du film sur l’art (FIFA). Tantôt en montrant les récits queers de Peter Kingstone ; et les rêves marginaux de l’auteur, réalisateur, vidéaste Mike Hoolboom explorant les « liens entre le désir, le corps et l’identité personnelle8 ». Tantôt encore les œuvres de Jim Verburg, qui « se penche sur les subtilités des relations humaines, en particulier sur les questions d’intimité et de sexualité, et sur les non-dits qui y sont souvent attachés9 » ; ou celles de Johannes Zits, dont la pratique multidisciplinaire concerne la question du corps — le sien notamment — et de la nudité.

    Autre volet majeur, celui des communications, dans le parcours de cet universitaire que l’on peut sans doute qualifier d’« ambassadeur » de la culture homosexuelle dans le secteur des arts visuels d’ici. Une multitude de conférences, de tables rondes et de colloques au cours desquels il continue de faire découvrir au public l’art gai et quelques-uns de ses artistes.

    Par exemple, le photographe Robert Mapplethorpe ; « les codes homoérotiques dans la peinture de Paul Cadmus » ; ou Camp : une esthétique de soi, s’inventer une persona dans le cadre de l’exposition Camp Fires : le baroque queer de Léopold L. Foulem, Paul Mathieu et Richard Milette. Après avoir siégé, en 2002, à une table ronde avec Réjean-Bernard Cormier, Louis Godbout, Denis Lessard et Thomas Waugh, il fera partie, en 2006, au Musée d’art contemporain de Montréal, du Colloque international Max et Iris Stern II, La critique d’art entre diffusion et prospection, « Art gay au Québec : transparence de l’image et opacité du discours critique (1985-2005) ». Plus récemment, en 2020, en compagnie du conservateur de l’art américain Jonathan Frederick Walz et de l’historien d’art et artiste Rock Hushka, il a participé à un webinaire (sorte de séminaire en ligne en direct où les spectateurs participants peuvent soumettre des questions et des commentaires) intitulé Virtual Talk : Celebrating Queer Artists in the Columbus Museum Collection.

    Plus récemment encore, en 2021, il a effectué des résidences à titre de commissaire avec les artistes Evergon et Jean-Jacques Ringuette, dont le travail, explique ce dernier, « questionne le temps présent [et] est porteur de références à l’homosexualité, à l’érotisme, au sida10 ». Voilà un héros de notre histoire artistique qui, depuis des décennies, n’a de cesse de veiller à diffuser et à promouvoir un univers culturel longtemps banni et ostracisé ; à mettre au jour ce qui fut longtemps dénié et tenu secret, tapi dans la honte.

    Notes

    1. Extrait de son CV.
    2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Attila_Richard_Lukacs. Consulté le 20 août 2022.
    3. http://galerietroispoints.com/artistes/evergon. Consulté le 20 août 2022.
    4. Aujourd’hui : le Musée d’art contemporain des Laurentides.
    5. Karl-Gilbert Murray, « Le corps masqué, le corps performé, la souffrance du corps et le corps exhibé », in Le Corps gay, publication accompagnant l’exposition éponyme, Saint-Jérôme, 2002, Centre d’exposition du Vieux-Palais, p. 5.
    6. Claude Bibeau, Hamish Buchanan, Kevin Crombie, Matthew Dayler, Éditions Production Gray, Evergon, Andy Fabo, Yvon Goulet, Angela Grossmann, Anne-Marie Labelle, Paul Lacroix, Robert Laliberté, Marcus Leatherdale, Denis Lessard, Attila Richard Lukacs, Martial, André Martin, Yannick Pouliot, Carlos Quiroz, David Rasmus, Gabriel Routhier, Daniel Saint-Aubin et Johannes Zits.
    7. Cité dans : Christine Palmieri, « Le corps comme lieu du trouble », ETC, no 62, été 2003, p. 15.
    8. https://moisdelaphoto.com/artistes/mike-hoolboom/. Consulté le 20 août 2022.
    9. https://moisdelaphoto.com/artistes/jim-verburg/. Consulté le 20 août 2022.
    10. Entrevue avec l’artiste, Montréal, 27 mars 1998. Cité dans : Louise Déry, Jean-Jacques Ringuette — Une dramaturgie des corps (Una drammaturgia dei corpi). Texte du catalogue de l’exposition présentée à la galerie Il Ponte, Rome, Italie. Musée du Québec et Il Ponte Contemporanea, Rome, Italie, 1998, p. 39.

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