De Polytechnique à McGill, en passant par l’ITHQ et l’Université de Sherbrooke, les comités LGBTQ+ se multiplient en milieu universitaire. Au fil des années, ces comités — dont certains existent depuis des décennies — fluctuent et trouvent parfois de nouvelles vocations.
S’adapter aux besoins
Sans grande surprise, la recherche d’un milieu sécurisant (safe space) s’avère au cœur de ce que recherchent les étudiant.e.s LGBTQ+ des universités du Québec. Bien souvent, ces comités universitaires organisent également des activités sociales et mettent en place des ateliers de sensibilisation.
Or, au-delà de ces activités, de nombreuses universités trouvent désormais de nouveaux champs d’activité, signe probable de changements des besoins et du soutien au sein de ces comités.
Par exemple, le comité LGBTQ+UdeS (Université de Sherbrooke) vient tout juste de se doter d’un service d’emprunt de livres, leur permettant de créer et de gérer une bibliothèque queer au sein de l’université.
« On est très content, on a même du financement de l’Université. », clame Laurie, présidente de l’association.
C’est ce même comité qui a également décidé d’ouvrir ses portes aux gens de la région — et non seulement aux étudiant.e.s — pour de nombreuses activités.
« C’est une demande qu’on avait souvent. Les gens veulent parler à des nouvelles personnes, avoir un espace de discussion », mentionne Laurie.
Autrement, le comité LGBTQ+ peut servir non seulement de lieu sécurisant pour les étudiant.e.s concerné.e.s, mais également d’exutoire pour les personnes qui souhaitent se changer les idées de leurs études.
« Il y a certains étudiant.e.s qui cherchent un sentiment d’appartenance à un comité qui n’est pas seulement un domaine du droit qu’ils aiment », remarque Alexandra, présidente du comité diversité (Droit, Université de Montréal).
Beaucoup de solidarité
La pandémie aura ralenti l’essor, voire la pérennité, de nombreux comités LGBTQ+ en milieu universitaire.
« La grande majorité des associations étudiantes ont vu l’engagement vraiment diminuer [à cause de la pandémie] », explique Nicolas, de Queer Concordia. « On essaie de se rebâtir. On repart à zéro quasiment. »
Toustes les intervenant.e.s interviewé.e.s sont unanimes : non seulement les comités LGBTQ+ reçoivent-ils soutien et collaboration des autres comités de leur milieu, mais également, à différents degrés, de l’administration de leur université, et même parfois de la part de commanditaires.
« On est tous dans la même équipe pour la vie étudiante, c’est fantastique », se réjouit Nicolas. « Il y a du monde [dans le service à la vie étudiante] qui était dans le comité à leur époque d’étudiant, donc on est un peu leur enfant. Ils n’ont pas hésité à répondre à nos questions. »
De surcroit, de nombreux intervenant.e.s interviewé.e.s mentionnent l’apport et la participation d’allié.e.s au sein du comité ou des activités sociales.
Malgré ce constat, certaines attitudes hostiles aux LGBTQ+ persistent et démontrent qu’il reste du chemin à faire, notamment dans certains domaines d’étude ou certaines régions.
C’est ce que remarque notamment Mikael, de Poly-Out (Polytechnique), qui assure encore baigner dans un environnement avec « majoritairement des hommes blancs hétéros ».
« Lorsqu’on a un kiosque à la rentrée, on voit les regards. Les gens n’osent pas venir parce qu’ils ont peur. […] Il y a encore quelques préjugés, mais plus de façon implicite », explique-t-il.
Même son de cloche pour Alexandra (Droit, Université de Montréal), qui juge le milieu du droit comme étant encore « assez conservateur ».
« La représentation et la visibilité dans le domaine juridique existent, mais [cela] n’est pas suffisant », avance-t-elle, estimant qu’il est possible de faire mieux. Elle salue néanmoins l’effort de nombreux professeur.e.s de droit d’inclure, par exemple, l’homoparentalité dans les cours de droit de la famille.
Une approche différente à l’UQAM
De manière assez surprenante, l’Université du Québec à Montréal (UQAM) n’a plus de comité LGBTQ+ depuis quelques années, elle qui est pourtant située à la frontière du Village inclusif.
L’UQAM héberge toutefois le projet de recherche « Savoirs sur l’inclusion et l’exclusion des personnes LGBTQ (SAVIE-LGBTQ) » et la toute nouvelle Clinique de justice sociale, qui portera une forte attention aux enjeux sexuels et de genre.
Récemment arrivée à Montréal, Djemila Carron est derrière cette clinique juridique, qui a été bâtie en fonction des besoins du milieu communautaire, du milieu professionnel du droit et du milieu étudiant, afin de « démystifier la pratique du droit » et d’opter pour « une approche engagée de la pratique du droit ».
Une telle clinique aurait-elle pu naitre ailleurs ? À ce sujet, Djemila Carron préfère ne pas se prononcer, mais admet avoir pensé la clinique en lien avec la mission de l’UQAM. « Je sais que le département des sciences juridiques, si je le compare à d’autres facultés de droit que j’ai connues, c’est un département particulier par rapport à son engagement », précise-t-iel.
En fait, Djemila Carron se voit prise entre l’arbre et l’écorce lorsqu’on en vient au soutien de l’UQAM face aux personnes issues de la diversité sexuelle et de genre.
« C’est une ligne fine. Il faut à la fois le souligner, mais il faut toujours rappeler à l’UQAM qu’il faut faire plus, que ce n’est pas suffisant. Je veux faire attention à ce que l’UQAM ne présente pas uniquement des actions symboliques et mette en place des actions concrètes », tranche-t-elle.
D’ailleurs, chaque année un ou deux projets de la clinique se consacreront à la situation à l’UQAM, le tout, Djemila Carron insiste-t-iel, toujours dans une optique intersectionnelle.
Elle donne comme exemple concret la création d’une brochure sur le mégenrage, qui devrait paraitre incessamment.
« On va expliquer ce que c’est le mégenrage en droit et on va expliquer ce que les personnes qui s’estiment victimes de mégenrage peuvent faire. Finalement, on a une section qui dit ce que l’UQAM pourrait faire de mieux. »