Une identité de genre plus en phase avec sa réalité. Un déménagement à Montréal. Des vidéos qui génèrent des millions de vues. La publication de son tout premier recueil, Des fleurs comme moi (Prise de parole). Les raisons ne manquent pas pour interviewer Xavier Gould.
Pourquoi avoir déménagé à Montréal ?
Xavier Gould : Principalement en raison d’un besoin artistique et personnel de quitter Moncton. La pandémie a révélé beaucoup de choses chez moi. Avant, je m’identifiais comme une personne gender non conforming et je n’avais jamais fait le lien avec la transidentité. Durant la pandémie, j’ai appris à me connaitre. Quand je m’identifiais comme homme queer à Moncton, les médias étaient prêts à transmettre ce message au public. Ça m’a beaucoup aidé.e dans mon cheminement. Mais, aussitôt que j’ai commencé à m’identifier non binaire et à demander l’utilisation du pronom « iel », la réception n’était pas la même. Ça a été la goutte qui a fait déborder le vase. Il fallait que je pense à mes besoins. Montréal feelait comme la right chose à faire.
Comment décris-tu tes vidéos sur Tik Tok et Instagram ?
Xavier Gould : Je crée du contenu depuis ma graduation de l’université. Avant, il y avait mon personnage Jass-Sainte Bourque. Présentement, ça vient des shows que je donnais avec mes drag sisters acadiennes : on créait du contenu pour avoir du fun. On était là pour se witnesser en train de faire du travail super politique, car faire du drag en région, c’est politique en soi. C’était important pour les personnes queers qui venaient nous voir être unapologetically queer. En déménageant à Montréal, je veux continuer à connecter avec des gens. Ça va me prendre du temps de rebuilder la communauté que j’avais à Moncton. Poster de la shit online, c’est my way de dire que je suis là.
Dans ton recueil, tu écris que tu ne t’es jamais dit poète. Pourquoi ?
Xavier Gould : La majorité des textes ont été écrits entre 2017 et 2019. Je ne m’étais pas encore épanoui.e comme personne trans. Quand j’écrivais ces mots-là, ça ne venait pas d’une place artistique, mais d’une place viscérale. J’écrivais par instinct. Je voulais partager ces textes un jour, mais je feelais pas comme un poète. Je suis autodidacte. Je n’avais pas le background de quelqu’un qui s’assume poète. J’étais quelqu’un qui vit de la traumatic shit et qui a besoin de le partager. Je ne me voyais pas faire ça sur les médias sociaux ni dans un spectacle d’humour. Avec Jass-Sainte, je me faisais reconnaitre de façon crazy.
Cet amour intense était difficile à recevoir, parce que j’étais encore traumatisé.e de ma jeunesse. Je n’avais jamais pris ma santé mentale au sérieux. Je n’avais jamais demandé de l’aide.
Tu écris avoir survécu à tes traumas d’enfance et d’adolescence « sans qu’anyone s’en mêle ». Explique-moi.
Xavier Gould : J’ai été outé.e à l’école avant que je sache qui j’étais. Je n’ai jamais eu l’occasion de me découvrir pour ensuite choisir de partager ça. J’ai été overnight tiré.e dans ça sans mon consentement. De ça est née la panique que ma famille allait le découvrir. Il a fallu que je leur en parle. Elle n’était pas là pour recevoir ça. C’était un environnement super toxique. J’étais un ado déprimé et suicidaire. Si ça n’avait pas été de mon involvement dans le réseau jeunesse francophone et de mes ami.e.s qui me soutenaient, j’aurais pas survécu. Mes ami.e.s et mes profs étaient au courant de ce que je vivais, mais je n’avais aucun support à la maison.
Tu mentionnes que dans un gay bar, tu faisais parfois anything pour feeler comme si tu belong, que tu évitais de porter des crop tops ou du eye liner, parce que les Grindr gays n’aimeront pas ça. À quel point as-tu étouffé une part de toi ?
Xavier Gould : Durant ma jeunesse, mettre quelque chose de trop fif, parler trop fif ou être trop explicitly gay, c’était mauvais. Cette idée m’a suivi.e durant longtemps. À travers mon personnage d’humour, j’ai commencé à explorer mon expression de genre. Je me permettais de le faire sur le stage, mais j’avais encore de la difficulté à le faire pour moi-même.
Ce n’était pas juste une affaire de la communauté queer rurale en 2017, mais de ma propre peur d’être trop queer et d’éviter d’avoir des dates et des hookups parce que je suis trop fif. C’était also moi qui avais pas unpacké cette pression avec laquelle j’ai grandi : cette idée que c’est correct d’être gai, mais qu’il faut au moins que tu sois normatif dans ta façon de te tenir, de parler et dans tout.
Donc, tu faisais rire en tant que Jass-Sainte sans que ça vienne avec une ouverture des mentalités ?
Xavier Gould : Je suis grateful pour toutes les opportunités que j’ai eues avec Jass-Sainte, mais j’étais quand même un.e des seul.e.s humoristes queers dans ce temps-là. Dans les open mic nights, j’étais entouré.e par des hommes straight cis et blancs en train de faire des jokes misogynes. Moi, j’arrivais en présentant une autre option. Of course que le public contemporain urbain de Moncton était ready pour ça et cravait ça. Mais ça venait avec une responsabilité pour moi de maker up pour toute la shit qu’on venait d’entendre. En plus, je faisais un humour très self deprecating. Je ne traitais pas mes traumas avec respect. Je m’en moquais parce que j’étais au début du processus pour affronter ça. L’humour a été mon premier outil.
INFOS | DES FLEURS COMME MOI, de Xaier Gould, Prise de parole Éditeur, 2023.
MISE À JOUR (26 juillet 2023) : Sous les traits de Chiquika Mère, Xavier Gould sera de la soirée TU JOKES-TU? du Festival Fierté Montréal, le jeudi 3 aout 2023. Plus de détails sur https://www.fiertemontreal.com