Roger Thibault, un des conjoints de la première union civile au Québec est décédé le 11 aout dernier à l’âge de 77 ans. Son mari, Theo Wouters, nous l’a annoncé par courriel. Le septuagénaire souffrait de la maladie de Parkinson depuis plusieurs années.
«Roger est mort paisiblement dans mes bras cet après-midi à 15h30. Je suis complètement dévasté», nous a écrit Theo Wouters (81 ans). Theo Wouters encaisse le coup durement. Le couple aurait célébré son 50e anniversaire de rencontre en décembre prochain.
La dernière fois que le couple a été vu en public c’était le 15 mai, dans la foulée de la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, à l’hôtel de Ville de Montréal, pour une réception présidée par la mairesse Valérie Plante. Theo Wouters et Roger Thibault, avaient été faits «citoyens d’honneur» de Montréal. Madame Plante avait souligné dans son allocution que Roger Thibault et Theo Wouters, qui est originaire de la Hollande, «s’étaient unis civilement le 18 juillet 2002 au Palais de justice de Montréal. C’était la première fois qu’un couple s’unissait civilement au Québec, au Canada et en Amérique du Nord», avait noté la mairesse à ce moment-là. Présent, Roger Thibault, affaibli par la maladie, était en chaise roulante et s’exprimait peu.
Rappelons qu’en 2001, plus de 4000 personnes avaient manifestées» en soutien au couple, qui se disaient victime d’actes homophobes. Cette année-là, une vingtaine d’autobus étaient partis du Village en direction de la demeure du couple pour les appuyer dans leur combat.»
En 2002, en entrevue avec Fugues, ils avaient discuté avec nous de la longévité de leur relation. C’est lors d’un staff party du piano-bar La Rose Rouge (qui était situé coin Mackay et de Maisonneuve) que Roger et Theo se sont rencontrés un soir de décembre 1973. «D’ailleurs, cela fait 29 ans (à l’été 2002) qu’on s’obstine sur la date, parce que l’un dit qu’on s’est rencontré le 22 décembre et l’autre dit le 23. Donc on célèbre deux fois, mais on a bien du plaisir», expliquait alors Roger. Theo venait de terminer une relation avec un gars et il était sorti avec des amis. Quant à Roger, il venait de divorcera de sa femme et sortait pour s’amuser un peu. «J’ai vu ce gentleman qu’était Theo. J’ai été vers lui sans hésitation et on ne s’est pas laissé depuis», se remémorait Roger, en 2002.
En 1973, Roger travaillait comme photographe au département de biologie de l’Université de Montréal. Theo, lui, était arrivé de Hollande, en 1969, pour œuvrer dans le domaine de la haute couture à Montréal et confectionnait des chapeaux de fourrure. Quelques mois après leur rencontre, en mai 1974, ils prenaient un appartement au centre-ville. «On ne se posait pas de questions, on partageait vraiment tout sans se demander qu’est-ce qui appartenait à qui», dit-il. Le couple a donc vécu des jours heureux dans ce milieu gai de l’ouest de la ville. En 1974, ils achètent leur maison à Pointe-Claire et passent des mois à la rénover.
Le secret de la longévité de leur couple? «On a toujours été des amis, des complices dans la vie, en plus d’être des amants, nous indiquait M. Thibault. Ce qui est important, c’est le respect, la liberté de l’autre. Il ne faut pas être l’esclave de l’autre ou être suspicieux. Il faut se donner une certaine liberté.»
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UNION CIVILE VS MARIAGE ENTRE PERSONNES DE MÊME SEXE
Le 18 juillet 2002, Roger Thibault et Theo Wouters, de Pointe-Claire, unissaient leurs destinées au Palais de Justice de Montréal et devenaient les deux premiers Québécois à profiter de la loi québécoise autorisant l’union civile entre deux personnes du même sexe, qui venait d’entrer en vigueur, le 1er juillet 2002.
Notons toutefois que le mariage, lui-même, est de compétence fédérale au Canada et que le mariage entre personnes de même sexe ne fut légal partout au Canada qu’en 2005. Au Québec toutefois, le premier mariage civil gai a uni les destinées de Michael Hendricks et de René Leboeuf au Palais de justice de Montréal, en avril 2004.
C’est ce couple, qui avait parti le bal de la contestation judiciaire cinq ans auparavant (un combat qui leur aura coûté quelques centaines de milliers de dollars en frais d’avocats). On se rappellera que dans cette affaire, la validité de l’article 365 du code civil, stipulant que les parties à un mariage doivent être un homme et une femme, était soulevée, et ce, tant en regard de la compétence législative de la province que de l’égalité de traitement prévu à l’article 15 de la Charte canadienne.
Dans une décision historique, le juge Lemelin de la Cour supérieure du Québec, avait déclaré inopérante la partie de la définition du mariage de l’article 365 du code civil. Décision que la Cour d’Appel avait confirmée en mars 2004, permettant quelques semaines plus tard au couple Hendricks / Leboeuf de se marier.