Dimanche, 3 décembre 2023
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    LA MINUTE DE SILENCE DU DÉFILÉ DE LA FIERTÉ 2023 FAIT RÉAGIR

    Je suis un militant de la première heure pour les droits de la communauté LGBTQ2+. Je suis  un des membres fondateurs des comité gais et lesbiennes à l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal et du comité gais et lesbiennes de la CSQ. Dans le cadre de la lutte pour la reconnaissante des conjoints et conjointes de même sexe, j’ai eu  le privilège d’apporter mon grain de sel en construisant et en travaillant à bâtir une communauté aux côtés de grands bâtisseurs et militants comme M. Laurent McCutcheon et Jacques Pétrin.  Nos luttes ont mené à l’adoption de l’union civile au Québec et du mariage pour les gais et lesbiennes au Canada. Je suis présentement, au comité des Alliées et Alliés pour la diversité sexuelle et de genre de la FAE. 

    J’écris cette lettre d’opinion étranglé par l’émotion et la colère.  N’ayant pu assisté au défilé de la Fierté, je me suis empressé de prendre des nouvelles pour avoir une idée du déroulement de la parade 2023.  J’ai décidé de réagir lorsque j’ai su qu’à 14 h 30, un moment de silence originellement dédié aux victimes de la crise du SIDA a été tenu pour honorer la mémoire des vies perdues en raison du SIDA, de la lesbophobie, de l’homophobie, de la biphobie et de la transphobie. Depuis je me sens comme les personnes ayant subi un choc post-traumatique lorsque quelqu’un nie ou minimise le drame que l’on a vécu. J’ai les trémolos dans la voix et tout mon corps croule et tremble sous le poids de l’amertume.

    Il ne faut pas oublier que les premiers militants LGBTQ2+ au Québec, étaient surtout de la communauté gaie. Les gais qui s’exposaient dans ces marches et premiers défilés risquaient gros. Ils pouvaient perdre leurs emplois , leurs logements, leurs amis et leurs familles. Aucuns droits ne les protégeaient.  En même temps que ces pionniers s’exposaient ils avaient à composer avec l’épidémie du SIDA.  Plusieurs d’entre-eux perdaient leur santé, leurs vies et leurs entourages. Combien de fois nous nous retrouvions dans des cérémonies funéraires pour dire au revoir à nos amis et militants de la première heure.

    Je vivais à 25 ans, ce que ma mère de 89 ans vit aujourd’hui, à perdre ses amies et amis un.e à un.e . Toute une génération de gais est disparue de nos radars aujourd’hui. Pour ne pas les oublier pendant que l’on vivait cette tragédie sans précédent, les organisateurs du défilé de l’époque ont instauré cette minute de silence. Une petite minute qui interrompt le moment festif  de la parade pour rendre hommage à ces frères qui nous quittaient prématurément. 

    Par la suite, cette tradition c’est poursuivie pour se souvenir de ces hommes disparus à une époque ou les gais étaient pratiquement ignorés. Mes camarades ont vécus des horreurs dont on ne parle jamais…..le seul moment de reconnaissance se déroulait pendant cette minute de silence du défilé de la Fierté.

    Aujourd’hui je me sens trahi par cette minute de silence qui édulcore les luttes et les drames vécus par les pionniers de la communauté LGBTQ2+.  Ne vous méprenez pas, je suis de toute les luttes et j’appuie sans réserve les luttes des gais, des lesbiennes, des bisexuels et des trans.  Je reconnais la douleur des victimes de ces communautés.  Mais pour moi c’est adoucir ce pan de l’histoire si on  y ajoute  les revendications actuelles.  Nous venons de vivre une épidémie terrible qui restera gravée dans notre mémoire car elle a touché toute la population. 

    Mais je crois que notre société et même ma communauté ne réalise pas l’ampleur de ce que nous militants gais de l’époque ont vécu. J’ai perdu tous mes amis gais de mes vingts ans. 

    Pour plusieurs, nous avons pris notre courage et notre détermination pour défendre nos droits et ce, malgré les atrocités que nous vivions  causées par l’ostracisme de la société pendant la crise du SIDA. 

    Pouvez-vous SVP, par respect pour les précurseurs de ma communauté dédier cet hommage historique, d’une seule minute dans l’année?  Je pense que ce n’est pas trop demander.

    André Patry

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