Gurshad Shaheman et Dany Boudreault osent se mettre à nu dans l’évocation de leur enfance, mais aussi de leur rencontre. Une mise à nu pleine de pudeur, de poésie, de franchise, une illustration de ce que peut être l’amour. Chacun partant Sur les traces de l’autre. Un puzzle se dessine et trace les contours de l’enfance, de la découverte de la sexualité, de la famille, des blessures aussi, de celles qui laissent des cicatrices mais sur lesquelles on se construit. Comme si l’histoire de l’un portée par le texte et la voix de l’autre, et donc de la mise à distance, pouvait apporter un regard nouveau sur son propre passé.
Inutile de préciser que les deux comédiens livrent une performance dont on sent qu’elle est portée autant par les textes, la mise en scène, la scénographie que parce qu’ils sont et défendent en tant que créateurs et êtres humains. Impossible alors de ne pas être touché profondément par cette performance qui avec beaucoup de bienveillance et de respect réussit à ne pas censurer les épisodes moins glorieux que les deux comédiens ont vécu.
Le dispositif scénique en surprendra plus d’un.e. Chacun livre une partition en parallèle de l’autre. Muni d’un casque, chaque spectateur-trice peut choisir quand il le veut d’entendre l’une ou l’autre partition, changer quand bon lui semble. Entendre Gurshad parlé de Dany et réciproquement. Le plus surprenant en jouant le jeu, en alternant tout au long de la représentation, on n’est absolument pas perdu, bien au contraire, se dessine un dialogue entre les deux histoires, peut-être porté sur scène par l’interaction entre les deux comédiens même si chacun continue son monologue.
Du Lac-Saint-Jean à Sarajevo, d’Istanbul à Montréal, deux histoires et deux cultures se rencontrent, celle d’un Québécois qui grandit dans un village et qui souhaite découvrir le monde, et celle d’un Iranien qui a fui son pays avec sa famille et s’est exilé en France. Se dessine alors une galerie de portraits des membres de leur famille, de leurs ami.e.s, de leurs premières amoures. Car Gurshad a rencontré et enregistré les proches de Dany et Dany ceux de Gurshad afin de construire ses deux portraits à quatre mains. Bien évidemment, il est question d’homosexualité, un lien qui les unit tous les deux, et comment on se construit dans des contextes totalement différents culturellement mais marqués par l’homophobie, de la plus insidieuse à la plus violente.
Humour, bienveillance, et respect tout au long de cette cartographie bien évidemment incomplète, il manque des pièces pour finir le puzzle, que chacun a tenté de faire de l’autre. Une poésie impressionniste dans laquelle chacun.e peut se retrouver à l’aune de sa propre histoire.
Présenté dans le cadre du FTA, quelques représentations, on espère que Sur les traces sera repris à la rentrée dans la programmation d’un théâtre. Et puis, le désir que les deux textes deviennent des balados à écouter tranquillement les yeux fermés dans un fauteuil, la petite frustration en sortant avec le désir d’écouter les deux partitions sans avoir à choisir.
Sur les traces de Gurshad Shaheman et Dany Boudreault.
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