Le Canada est le troisième producteur mondial de jeux vidéo, dépassé seulement par les États-Unis et le Japon. Selon un rapport de 2021 de l’Association canadienne du logiciel de divertissement, le pays accueille plus de 900 entreprises de jeux vidéo (dont 75 % sont détenues par des Canadiens) qui contribuent pour plus de 5,5 milliards de dollars au PIB. Grâce à sa portée mondiale, l’industrie offre aux Canadiens une occasion exceptionnelle de façonner le paysage de la représentation des personnes 2ELGBTQIA+ dans les jeux.
Aujourd’hui, 3 Canadiens sur 5, plus de 23 millions de personnes dans le pays, jouent à des jeux vidéo. Malgré ce nombre très important, peu de recherches ont été menées sur l’identité de ces joueurs canadiens et sur ce qu’ils souhaitent voir, notamment en matière de représentation des personnes 2ELGBTQIA+. Les perceptions de l’industrie du jeu vidéo changent rapidement à mesure que les jeux continuent d’entrer dans la culture grand public.
Les jeux vidéo ont un pouvoir unique. Pour les joueurs 2ELGBTQIA+ en particulier, les jeux offrent un espace d’expression et de découverte de soi leur permettant d’explorer des identités, des sexualités et des genres différents. Or, les jeux vidéo et la culture des joueurs qui les entoure sont souvent hostiles à quiconque ne fait pas partie d’un public imaginaire constitué d’hommes blancs, hétérosexuels et cisgenres.

La discrimination et le harcèlement sont omniprésents dans la culture du jeu vidéo, comme l’a montré la campagne de haine réactionnaire connue sous le nom de GamerGate, qui a ciblé les femmes de l’industrie en 2014. Plus près de nous, la société de conseil Sweet Baby Inc., basée à Montréal, a récemment subi l’ire des joueurs pour son travail sur la diversité, l’inclusion et la narration de récits authentiques. Face aux menaces violentes et à la désinformation, les développeurs de jeux vidéo qui ont travaillé avec Sweet Baby ont soutenu l’entreprise.
Le Rapport rose offre des renseignements déterminants qui peuvent aider les développeurs de jeux vidéo de toute taille à prioriser les contenus auxquels leur public veut jouer. 91 % des professionnels du jeu vidéo croient que la représentation des personnes 2ELGBTQIA+ est nécessaire dans les jeux vidéo. La plupart des personnes interrogées sont convaincues de l’importance de cette représentation (77 %).
87 % des professionnels du jeu vidéo croient que la représentation 2ELGBTQIA+ s’est améliorée au cours des 5 dernières années, un pourcentage plus élevé que dans toute autre industrie. Malgré cette évolution, plus de 80 % des professionnels du jeu vidéo estiment que toutes les identités 2ELGBTQIA+ restent considérablement sous-représentées.

L’inégalité de la représentation des personnes 2ELGBTQIA+ se fait moins sentir ici que dans d’autres
industries, car toutes les identités sont considérées comme largement sous-représentées. Il est important de noter que l’inclusion de personnages 2ELGBTQIA+ dans les jeux vidéo ne s’est pas toujours faite à travers une représentation authentique.
Les personnes participantes à l’étude ont fait remarqué que les lesbiennes, en particulier, ont été historiquement des personnages hypersexualisés et représentés à travers le regard masculin, dans le but de titiller un auditoire présumé d’hommes hétérosexuels. La sexualité devient alors une forme de chosification. Si l’industrie commence à représenter les personnages 2ELGBTQIA+ de manière moins préjudiciable et plus authentique, il reste un travail considérable à accomplir pour démonter des décennies de stéréotypes et de représentations réductrices.
Seulement 22 % des professionnels croient que la représentation des personnes 2ELGBTQIA+ est précise dans les jeux vidéo canadiens, moins que dans toute autre industrie. Les professionnels du secteur du jeu vidéo sont également plus enclins que ceux des autres industries à dire que l’image des personnes 2ELGBTQIA+ transmise dans les médias canadiens est superficielle (90 %) et que les personnages 2ELGBTQIA+ n’ont pas d’intrigues significatives (85 %). Ces résultats suggèrent que la représentation actuelle des personnes 2ELGBTQIA+ est souvent superficielle dans les jeux vidéo.
Selon un récent rapport de GLAAD, les développeurs évitent de faire des jeux vidéo axés sur des personnages 2ELGBTQIA+ parce qu’ils supposent que le public ne serait pas intéressé ou serait opposé à cette représentation. Cela dit, les données du Rapport rose révèlent que cette supposée aversion du public n’est pas réelle.
La plupart des professionnels pensent que les joueurs ne seront pas dissuadés par la représentation de personnes 2ELGBTQIA+ dans les jeux vidéo. Seuls 25 % sont d’accord que les joueurs ne veulent pas jouer de personnages 2ELGBTQIA+.Bien que les personnes hétérosexuelles interrogées soient plus susceptibles d’être d’accord avec l’idée que les joueurs ne veulent pas jouer de personnages 2ELGBTQIA+ (32 %) que leurs homologues 2ELGBTQIA+ (23 %), ces résultats suggèrent que la majorité des joueurs ne seront pas découragés par cette représentation.
L’une des manières comment les jeux vidéo incluent parfois des personnages 2ELGBTQIA+ est la représentation optionnelle. Proposer un éventail de choix de personnalisation d’avatar et de
personnages pouvant tisser des liens romantiques avec le joueur donne à ce dernier l’occasion
d’explorer les identités 2ELGBTQIA+ dans les jeux vidéo et de se voir à l’écran.
Les personnes participant à l’étude s’entendent qu’il s’agit d’un bon premier pas vers la représentation, mais que cela manque souvent de profondeur et de nuances, car les équipes de développement ne peuvent pas réaliser pleinement un nombre infini de récits. En outre, cette approche facultative a été critiquée parce qu’elle fait peser le poids de l’inclusion sur les joueurs sous-représentés eux-mêmes dans des univers de jeu par ailleurs hétéronormatifs. L’intégration d’une représentation plus explicite des personnes 2ELGBTQIA+ parmi les personnages jouables et non jouables est nécessaire pour que la représentation soit significative.
