Quelques films ont déjà abordé la petite histoire de la représentation LGBTQ au cinéma, mais ces derniers se limitent généralement aux productions de langue anglaise, plus particulièrement étatsuniennes. C’est donc dire l’intérêt de ce documentaire de 2023 qui porte son regard sur le cinéma français.
Réalisé par Sonia Medina et co-écrit avec le journaliste Alain Riou, grand spécialiste du cinéma, Homosexualité au cinéma, les chemins de la victoire se penche sur la manière dont le cinéma représente les personnages et les thèmes LGBTQ. Après un détour obligé à travers quelques films muets pionniers, en provenance d’Allemagne et des États-Unis, le regard se porte ensuite, presque exclusivement, sur la production française.
Animé par la journaliste Anne Delabre, le documentaire tourne tout d’abord les projecteurs vers les premiers archétypes qui ont peuplé le 7e art, à savoir l’efféminé (le « sissy ») et la garçonne. Bien qu’il s’agisse de stéréotypes, la représentation n’est alors pas méprisante ou « villainisée » et si ces personnages font sourciller les organes de censures, il leur est toutefois difficile de s’opposer au succès populaire qu’ils rencontrent.
Même si le Code Hayes de censure, introduit en 1934, ne s’applique en théorie qu’aux États-Unis, il traduit cependant un état d’esprit moralisateur qui s’imposera jusqu’en Europe. Les cinéastes devront alors faire preuve d’ingéniosité pour truffer leurs films d’éléments codés qui permettent d’échapper à la censure, tout en étant parfaitement compréhensibles pour un public averti. Dans Hôtel du Nord (1938), Marcel Carné met ainsi en scène un personnage secondaire maniéré et l’inclut en arrière-fond d’un plan séquence qui ne peut être coupé, alors qu’il s’attable avec un soldat.
Il peut également s’agir d’une ligne de dialogue qui n’est comprise que des initié.e.s. Par exemple, dans Bringing Up Baby (L’impossible Monsieur Bébé, 1938), Cary Grant s’exclame, lorsqu’on lui demande pourquoi il porte un vêtement à froufrous : « Parce que je suis soudainement devenu gai ! » et « Je suis assis au milieu de la 42e rue et j’attends un bus ». À l’époque, l’association du terme « gai » avec l’homosexualité est peu connue du grand public, de même que la 42e rue, à New York, soit un lieu de drague masculine.
Bien que la présence LGBTQ soit alors avant tout codée et l’apanage de personnages secondaires, on retrouve également quelques représentations très claires comme dans le film Olivia (1951), de Jacqueline Audry, qui présente l’une des premières relations lesbiennes à l’écran sans qu’aucun jugement moralisateur y soit attaché.
Les années 70 amènent une nouvelle vague de réalisateurs qui abordent le sujet sans détour, comme c’est par exemple le cas de Claude Miller avec La meilleure façon de marcher (1976). Il est évidemment impossible de ne pas mentionner La cage aux folles (1978) qui fut un grand succès populaire et où on retrouve une grande tendresse entre les deux protagonistes, ce qui est exceptionnel pour l’époque.
Finalement, la petite histoire se conclut en abordant les films associés au sida, comme Les nuits fauves (1992) de Cyril Collard, ou encore ceux qui traitent de la sortie du placard, avec Les roseaux sauvages (1994) d’André Téchiné, puis en évoquant de nouvelles productions qui se penchent dorénavant sur les questions de genre. Cet excellent documentaire est d’une durée de 51 minutes et se révèle extrêmement riche en extraits de films.
INFOS | Le documentaire Homosexualité au cinéma, les chemins de la victoire est disponible, en français, sur la plateforme gratuite de TV5 Unis https://www.tv5unis.ca
Bande-annonce https://www.tv5unis.ca