Le Groupe de recherche et d’intervention sociale (GRIS) vient de fêter ses 30 ans. Il a été fondé avec pour objectif la démystification des orientations sexuelles et des identités de genres dans les écoles. Aujourd’hui, le GRIS peut compter sur ses quelque 250 bénévoles pour faire des interventions et des témoignages dans les classes. On dénombre maintenant plus de 1000 interventions par année qui, avec le temps justement, se sont diversifiées pour inclure des classes de francisation, des centres jeunesse, des milieux de travail ou des milieux de vie pour personnes âgées. Mais voilà que, depuis quelque temps, les discours haineux et la polarisation s’invitent dans les classes et les interventions des bénévoles sont plus nécessaires que jamais.
La technique est simple : deux intervenants queers spécialement formés s’adressent à des élèves, ils parlent de leurs vécus, de leurs expériences, de leurs vies en tant que personnes queers. Ensuite, il y a une période de questions et de commentaires. À la toute fin, un questionnaire est remis aux élèves pour voir si leur opinion a changé face aux personnes queers. Mais quelle est la perception des gens du GRIS de ces 30 ans ? « C’est 30 ans d’existence, de visites dans les écoles, de voir l’impact que le GRIS a eu sur eux, dit Andrei Pascu, le président de l’organisme. On a rencontré plusieurs dizaines de milliers de personnes. On couvre ainsi presque le temps de deux générations. Il y a l’impact sur la société, bien sûr, mais aussi il y a tous les gens qui nous ont appuyés, les bénévoles, tous nos partenaires à travers, etc. La longévité du GRIS rime avec la longévité de nos partenaires. »
« Ce sont des moments de jalons, de penser à nos moments forts que l’on a eus en 30 ans. Les commentaires des jeunes dans les écoles gardent leur intensité. Certains se sentent concernés parce qu’ils sont eux-mêmes membres de la communauté LGBTQ+ ou que des membres de leurs familles le sont. Il y a donc ce “fil rouge” qui nous tient. Nous avons la conviction que la méthode du témoignage fait que ces jeunes peuvent vivre plus sereinement », souligne Marie Houzeau, la directrice générale du GRIS-Montréal.
« De plus en plus de bénévoles actuels nous disent qu’ils ont reçu la visite du GRIS dans leur école et que cela fut un moment charnière dans leur vie, poursuit Marie Houzeau. Pour moi, c’est très touchant parce que les bénévoles qui ont été dans les classes ont eu un impact scolaire réel. »
Résister à la haine et promouvoir la diversité
On l’a mentionné plus haut, on a vu récemment de la polarisation — les manifestations contre l’Heure du conte par des drag queens, les manifestations anti-trans, etc. — et une certaine parole haineuse qui s’est libérée. Alors, comment y faire face ? « On voit la polarisation dans les classes, on la voit dans la société, comment agir ? Mais ici il ne fallait pas se réinventer, mais consolider pour le GRIS notre meilleur outil qui est le témoignage, c’est-à-dire le vécu de ce qui est arrivé à quelqu’un : voici ce qui a pour moi été un moment de difficulté, voici ce qui m’a aidé, etc. Sortir de l’opinion, ne pas ouvrir la porte à un discours stérile. Oui, c’est plus difficile parce qu’on sent les tensions qu’on voyait dans les années 1990. C’est plus tendu aussi dans la société, mais la visite des bénévoles est plus nécessaire que jamais parce que des jeunes queers vivent dans un environnement plus toxique que jamais, mais avec la visite [des intervenants] ils se sentent moins seuls dans la vie », de renchérir Marie Houzeau qui a été faite chevalière de l’Ordre de Montréal l’an dernier et qui est maintenant directrice de ce groupe depuis près de 20 ans maintenant. « Nous avons notre outil d’action qui est le témoignage, on n’essaie pas de se positionner contre un groupe ou une religion ou l’autre, poursuit Andrei Pascu qui est avocat et associé pour le groupe Litige et règlement des différends au cabinet McMillan LLP. Se positionner ici est un piège. Notre impact est par le témoignage. La différence dans les classes aujourd’hui par rapport au moment où j’étais moi-même dans la classe est que, oui, il y a plus de discours haineux, mais on voit plus de jeunes queers qui s’affirment, et c’est beau à voir, mais ce qui est dommage c’est de voir dans quel environnement ils évoluent. Ils ont de l’espoir dans leurs yeux, mais ils vivent dans un milieu hostile et c’est ce qui m’attristait. » « Ce qui est important, c’est de dénoncer toute sorte de radicalisation, comme par exemple Andrew Tate [l’ex-vedette internationale de kickboxing, NDLR] avec son discours masculiniste toxique homophobe et transphobe, de renchérir Marie Houzeau. Pour nous, il importe de mettre l’accent sur une société pluraliste, d’inclusion de toutes sortes de minorités, de l’égalité des genres, etc. Que le Québec soit une nation progressiste et qu’elle puisse continuer de l’être. »
Mais après 30 ans, que réserve l’avenir pour le GRIS-Montréal ? « Je pense que si on regarde l’évolution du GRIS, on a là une belle croissance modérée. On se pose aussi la question de : où a-t-on besoin du GRIS ? D’où le programme “Le GRIS part en tournée”, d’aller rencontrer les communautés éloignées de manière ciblée. Comment le GRIS peut intervenir auprès des jeunes ? L’avenir c’est aussi de réfléchir sur nos méthodes. Continuer nos tournées parce que l’intérêt est là, parce qu’on a les partenaires financiers qui nous appuient et nos bénévoles », croit Andrei Pascu qui est bénévole depuis plusieurs années. « C’est de continuer à développer les capacités localement, de mettre aussi en place des formations de bénévoles dans des régions, insiste Marie Houzeau. C’est ce qui s’est fait depuis 1994 avec la création de GRIS en Estrie, à Québec, à Chaudière-Appalaches, en Belgique même avec le GRIS-Wallonie, etc. Il est là aussi le développement du GRIS depuis 30 ans, nous sommes contents de voir que les gens répondent aux besoins de ces régions-là ! »
Bien sûr, autant pour Andrei Pascu que pour Marie Houzeau, il est capital de surligner tout le travail des centaines de bénévoles qui ont contribué au GRIS depuis trois décennies, le soutien des allié.e.s également et des partenaires et commanditaires sans qui le GRIS ne pourrait pas célébrer ses 30 ans d’existence. « On se doit de continuer à vouloir bâtir une société de diversité et d’inclusion, de construire un avenir plus solidaire et plus collectif et de dénoncer toute sorte de radicalisation. Je reste optimiste face à l’avenir du GRIS », de conclure Marie Houzeau.
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