Après une décennie à bousiller nos glandes lacrymales avec ses drames (Cerebrum, Nouvelle adresse, Hubert et Fanny), le scénariste Richard Blaimert retrouve des accents de comédie dramatique avec Le retour d’Anna Brodeur. Portée par une distribution de haut calibre (Julie Le Breton, Benoît McGinnis, Élise Guilbault, Patrick Hivon), la série — qu’il décrit comme de la feel good TV — sera mise en ligne sur Crave à la fin d’octobre.
Que raconte cette nouvelle série ?
Richard Blaimert : Anna Brodeur a quitté le Québec dans des circonstances plus que fâcheuses et elle a disparu de la carte. Ni son meilleur ami, ni sa mère, ni son ex ne savent où elle est. On commence l’émission 10 ans plus tard, alors qu’Anna, maintenant âgée de 46 ans, revient au pays en constatant que, malgré les années qui ont passé, rien n’a changé. Elle va devoir faire face à ses démons et aux conséquences de ses gestes. Par-dessus tout, c’est une grande série sur l’amitié. On se concentre beaucoup sur son lien avec son meilleur ami Patrick (joué par Benoit McGinnis), qui est homosexuel.
Leur amitié est-elle différente de celle entre Sophie et Martin dans Les hauts et les bas de Sophie Paquin ?
Richard Blaimert : Je ne le cache pas : quand j’ai proposé l’idée de cette nouvelle série à Bell, j’ai expliqué que je voulais faire une sorte de Sophie Paquin 2.0. Bien entendu, l’histoire d’Anna Brodeur est différente, mais on retrouve mon mélange d’humour, de sensibilité, d’ironie et de sarcasme. Je viens de la génération gaie où on était très sarcastiques.
D’ailleurs, dans cette histoire d’amitié et de retour au pays, Anna et Patrick sont confrontés à la nouvelle génération dans la boîte de relations publiques où ils travaillent. Ils sont entourés d’une gang de jeunes âgé.e.s de 22 à 32 ans et il y a un clash.
Seront-iels en confrontation ?
Richard Blaimert : On ne rit pas de ça, mais on installe des situations où ils doivent se comprendre. En fait, j’ai plusieurs gais dans la série, ce qui est très différent de mes débuts quand j’écrivais Watatatow. À l’époque, j’avais imaginé le personnage de Joël joué par Serge Postigo. Quand j’avais ramené le personnage, on m’avait dit que j’avais déjà abordé l’homosexualité et on me demandait si j’étais obligé de continuer.
Cette fois, on est ailleurs : j’ai l’ex de Patrick, son nouveau chum et un employé de l’agence qui est beaucoup plus assumé qu’eux. Ils sont tellement mieux dans leur peau, tout en ayant leurs propres problèmes et déceptions. Tout ça, c’est un matériau que je n’avais pas dans Sophie Paquin.
Que penses-tu de la distribution ?
Richard Blaimert : On a une distribution de rêve. Les quatre interprètes principaux ont déjà joué mes textes. Patrick Hivon a joué dans Nouvelle adresse et Cerebum, Élise Guilbault dans Sophie Paquin et Penthouse 5.0, Benoît McGinnis dans Sophie Paquin et Julie Le Breton y a joué un petit rôle aussi. Je sais qu’ils comprennent mon humour qui n’est pas de la comédie franche, une ligne un punch. Si tu joues mes textes au premier degré, c’est plate. Il nous fallait des interprètes capables de jouer la ligne très mince entre le drame et la comédie. Julie, je la connaissais peu, mais je l’avais vu jouer dans La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé de Xavier Dolan, dans Les beaux malaises de Martin Matte et dans Mauvais karma d’Isabelle Langlois. Je savais qu’elle pouvait jouer la rencontre entre les deux genres.
Ce projet suit les années tumultueuses de Cerebrum. À quoi ressemblait cette adversité ?
Richard Blaimert : Après une première année qui s’est super bien passée, la COVID a
commencé. On a vu une ouverture pour tourner durant la pandémie, mais on ne savait pas comment ça se passerait et on a préféré sauter une année. Je me disais que ça me donnerait du temps pour peaufiner le tout. Puis, 10 jours avant le tournage de la deuxième saison, on a appris que Claude Legault était malade et qu’il ne pouvait pas tourner. Comme on faisait un show sur la santé mentale, c’était évident qu’on allait comprendre.
Combien de temps pensiez-vous être en arrêt cette fois-là ?
Richard Blaimert : On imaginait pouvoir tourner 5-6 mois plus tard. On a attendu. J’ai commencé à écrire l’an trois et j’ai pitché d’autres projets avec Radio-Canada. Cela dit, mon hamster tournait dans ma tête. Plus le temps passait, plus je me demandais si la saison deux était en danger. Presque un an plus tard, on a su que Claude ne pouvait pas reprendre l’immense charge de travail de son personnage : il devait tourner 12-13 scènes par jour pendant 50 jours de tournage. À partir du moment où il s’est désisté, on a considéré l’idée de trouver un autre comédien. La direction de Radio-Canada a été ouverte à ce que François Papineau reprenne le rôle.
Que retiens-tu de cette période ?
Richard Blaimert : Dans mon cœur, c’est le projet le plus exigeant en termes de maîtrise de genres : familial, policier et hospitalier. Il fallait bien mélanger ces trois styles. C’était un beau terrain de jeu pour un scénariste. Néanmoins, ce fut trois saisons tournées sur une période de six ans. Aujourd’hui, j’en ris, mais ça a créé de l’incertitude, de l’anxiété et du stress. Ça demandait beaucoup de détachement, de lâcher prise et de capacité à recommencer encore et encore. Ça a été des années difficiles.
Après 10 ans à écrire des drames, à quel point ton récent changement de registre est-il un choix conscient ?
Richard Blaimert : C’est totalement conscient. Dans un monde idéal, après la troisième année de Cerebrum, j’aurais pu continuer dans un rythme normal, si le diffuseur était intéressé. On avait trouvé le rythme et la bonne proposition, avec Henri qui travaille avec Simone. Mais il faut se rappeler que la série traitait de cas de santé mentale assez intenses. Bref, la lourdeur de Cerebrum et toutes les difficultés qu’on a traversées m’ont poussé à arrêter après trois ans et à me tourner vers Le retour d’Anne Brodeur.
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